Cela pour dire que vous êtes des législateurs et que vous pouvez vous appuyer sur de bons administrateurs ; il serait très intéressant que vous puissiez travailler sur une définition d'un espace du service public, à laquelle mes collègues et moi-même avons commencé à réfléchir mais qui n'est pas tout à fait aboutie.
On sait ce qu'est le service public, on voit à peu près sous quelle forme il s'exerce. On voit l'intention du Gouvernement dans son texte, notamment sur la problématique des transports publics. Comme président de l'Association des maires de France, je suis demandeur d'une réflexion sur l'espace du service public. L'espace du service public, c'est la mairie et les mairies annexes ; c'est un complexe sportif avec ses vestiaires, sa salle d'attente, ses salles d'accueil ; c'est une piscine, avec l'espace d'arrivée, les salles d'attente, les vestiaires ; c'est un stade de foot, son espace d'arrivée et son cadre général. Ce sont naturellement aussi les transports publics. Dans le texte, le Gouvernement articule sa réflexion autour de la délégation de service public ; si le Parlement faisait progresser cette notion, cela pourrait éclairer l'opinion publique. Un espace du service public favoriserait une reconquête territoriale par les principes de neutralité auxquels nous sommes tous attachés, eux-mêmes allant dans le sens du renforcement, de l'affermissement, du ressourcement de nos principes républicains et de leur extension territoriale. Cela fait beaucoup de questions à trancher, mais la notion de neutralité d'un espace du service public pourrait utilement animer vos débats.
Le même esprit anime notre réflexion sur les associations. Le sujet inclut les chartes de la laïcité et leur acceptation, la traçabilité et le suivi des subventions attribuées par les communes ou les intercommunalités au milieu associatif utilisant l'espace public et, si vous en décidez, l'espace du service public. Un cadre général pourrait être fixé par la loi rendant obligatoire la formation des représentants associatifs au partage des obligations fixées par une charte de la laïcité et de neutralité, étant entendu que la neutralité n'est pas seulement religieuse, elle est absolue. Le débat devrait déboucher sur la neutralité à la française du service public – de l'espace du service public, si vous en décidez –, celle-ci permettant de brasser toutes les dimensions et d'apaiser les tensions en s'imposant à tous comme principe fondateur de notre République au nom duquel tous les usagers du service public sont au même rang d'obligation, parfois peut-être à des degrés divers. L'obligation va du premier euro versé à la traçabilité, au suivi et au rendu compte. Nous pouvons être utiles en mettant en place, dans chaque commune de France, des commissions de formation et de suivi, des systèmes d'alerte et de veille pour faire remonter des problématiques particulières et s'inscrivant dans un cadre légal général.
Je passe rapidement sur la lutte contre la haine en ligne et les menaces contre les élus, qui sont au cœur de la déstabilisation républicaine. À cet égard, nous avons salué les initiatives du Gouvernement visant à la constitution de couples préfet-maire et maire-procureur de la République en fonction des missions. Le problème concerne aussi tous ceux qui, directement ou indirectement, sont des acteurs du service public aux côtés des élus, qu'ils appartiennent au milieu associatif, aux associations paramunicipales ou qu'ils travaillent dans les centres municipaux d'action sociale. Le Parlement pourra améliorer le texte, mais d'ores et déjà des avancées vont dans la bonne direction.
Concernant le titre II et le libre exercice du culte, il n'y a pas de remise en cause des missions régaliennes : la responsabilité de la surveillance des cultes appartient incontestablement au ministère de l'intérieur, donc à l'État. Cependant, nous ne voudrions pas que le préfet puisse se substituer au maire si l'État considérait que celui-ci n'avait pas suffisamment assuré un travail de suivi d'une autorisation de permis de construire d'un lieu de culte ou de financement d'un cadre général. Si nous apprécions que les représentants de l'État dans les départements prennent un peu plus et un peu mieux leurs responsabilités grâce au nouveau texte, nous ne voudrions pas que les maires soient effacés du dispositif législatif en matière de délivrance de permis de construire. Octroyer un permis de construire est une prérogative municipale ; l'État ne saurait s'appuyer sur ce texte pour remplacer le maire. C'est là un sujet sensible, parce qu'il s'ajoute à d'autres sur lesquels nous avons maille à partir avec l'État.
Des avancées restent à accomplir en matière de financement et de suivi, mais je suis persuadé que vous trouverez le bon équilibre.
Concernant l'accès aux informations sur les individus signalés, fichés S ou non, il est insupportable pour un maire d'apprendre dans la presse la présence sur son territoire de quelqu'un qui, directement ou indirectement, a été impliqué dans des attentats, dans des actes liés à l'islamisme radical ou qui a fait du prosélytisme en faveur de ces théories. Nous souhaitons une avancée en matière d'information. Nous y avons déjà travaillé sous les précédents gouvernements, notamment avec Bernard Cazeneuve, lorsqu'il était au ministère de l'intérieur puis à Matignon. Nous souhaitons que le maire ait accès à ces informations, au côté du procureur, voire du préfet. Ce n'est certes pas facile : le schéma de lutte antiterroriste étant centralisé sous l'autorité d'un procureur national, il y a des informations relatives au suivi de décisions judiciaires que nous n'avons pas à connaître, et pourtant elles peuvent avoir des conséquences liées à la présence de ces individus dans nos territoires. Nous souhaiterions également bénéficier d'informations sur d'autres sujets pouvant faire l'objet d'enquêtes administratives. Nous aimerions que la loi permette aux maires d'avoir accès à des données personnelles, dans le cadre d'un contrôle strict, pour qu'ils sachent précisément ce qui se passe dans leur territoire.