S'agissant de notre appréciation de l'ampleur du phénomène, nous disposons de quelques éléments mais nous gagnerions nationalement et territorialement à partager un diagnostic.
Dans les collèges de l'Essonne, l'hommage rendu à Samuel Paty a donné lieu à une dizaine de contestations alors qu'il était très encadré et que les jeunes savaient qu'en se comportant de telle manière, ils seraient un peu secoués. Si on réalise une projection pour évaluer le nombre de jeunes qui pensaient au fond d'eux-mêmes, sans l'exprimer, que ce qui lui était arrivé, c'était « bien fait », on arrive à environ 200. Dans deux des cinq collèges de mon canton, les élèves de couleur de peau noire ont subi des pressions pour faire le ramadan, parce que certains jeunes pensent que lorsqu'on a la couleur de peau noire, on doit obligatoirement l'observer. Dans deux collèges sur cinq, sur la cohorte des élèves de troisième, une vingtaine refuse le guide « Questions d'ados » publié par le département, car, pour certaines adolescentes, il est impossible de parler de sexualité dans un collège. Dans certains établissements, en matière d'égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes, ou en matière de liberté de conscience, on constate bien un recul.
Comme à la présidente de France urbaine, le soutien des enseignants me semble un sujet important. Dans les collèges, mais aussi dans les lycées, des enseignements sont contestés. Quand on est professeur d'histoire et de géographie, il est compliqué de parler de la Shoah ou de la décolonisation, en raison de la concurrence des mémoires. Des enseignants m'ont dit qu'à l'évocation de la Shoah, des élèves lèvent la main pour demander pourquoi on ne parle pas des Ouïghours ou de la Palestine. Il devient difficile d'enseigner l'histoire, la géographie et la philosophie. Les enseignants ont besoin de soutien. L'attentat contre Samuel Paty a eu pour effet de terroriser les professeurs, qui craignent pour leur image sur les réseaux sociaux et donc pour leur sécurité. Or je ne suis pas sûr qu'on apporte une réponse à la hauteur de leurs inquiétudes.
Concernant le contrôle des associations, nous avons adopté dans l'Essonne une charte prévoyant l'examen des dossiers par une commission comprenant tous les groupes politiques. Nous n'avons pas eu à connaître de cas parce que les associations concernées par ces problèmes, qui s'occupent notamment de foot en salle ou d'arts martiaux, sont en dehors du champ de la subvention publique. En revanche, cette charte permet d'aider les dirigeants d'association qui seraient contestés au sein de leurs propres associations. Elle prévoit leur accompagnement et leur formation pour les rendre à même de résoudre ces problèmes.
Je trouve très intéressante la question de M. Pupponi sur les personnels des associations, d'autant que nous sommes concernés à double titre, avec la prévention spécialisée et les missions locales. Le sujet mériterait d'être traité.
Au sujet des fichiers, je suis partagé. Il faut certes avancer sur l'accès au FSPRT, car il n'est pas possible d'avoir, dans les collèges, des agents du département dont on n'est pas sûr – notre but n'est pas de déposer des bougies, c'est d'éviter d'avoir à le faire. La question est de savoir quoi faire de l'information, car celle-ci peut nous conférer une forme de responsabilité. Cela concerne davantage les maires, mais en tant que représentant de l'ADF, je considère la question de la sûreté de nos personnels comme préoccupante. J'ai écrit à plusieurs préfets de l'Essonne afin de cribler l'ensemble des agents qui interviennent dans nos grands établissements – collèges, château, musées. Il faut avancer sur ce sujet, car nous n'avons pas le droit d'avoir de failles.