Je ne sais pas si l'on peut parler d'une immaturité de notre société. Je vous renvoie à ce propos à l'excellent ouvrage de Gérald Bronner, Apocalypse cognitive, qui analyse l'attirance de notre cerveau pour un certain type d'informations, pour la violence et tout ce qui est choquant. Ce que nous connaissons avec internet est inédit et nécessite des mesures qui ne soient pas uniquement prophylactiques et défensives. La question de l'école et de l'éducation est donc à bien des égards centrale.
L'anonymat, techniquement impossible et probablement non souhaitable pour bien des raisons, n'est pas le cœur du problème : 99 % des internautes, dans les faits, ne sont pas anonymes, et nous savons fort bien les retrouver, comme nous l'avons encore vu après l'assassinat de Samuel Paty. Le problème, c'est celui de la viralité et de la massification : nous ne savons pas comment empêcher 10 000 personnes d'insulter quelqu'un. C'est à cela que nous devons réfléchir.
La question ne se limite d'ailleurs pas au nombre de personnes chargées de la lutte contre la haine en ligne : elle est aussi technique et sera, à l'avenir, essentielle. Comment la chaîne police-justice gère-t-elle la massification et la viralité ? Nous posons des bases, nous créons des savoir-faire, nous consolidons des acquis, nous développerons les dépôts de plainte en ligne. C'est à cet ensemble « technico-organisationnel » que nous devons réfléchir. Aujourd'hui, pas un seul pays démocratique n'a de solution à ce défi, qui reste en grande partie devant nous.