Qu'il me soit permis, d'abord, de vous présenter à toutes et à tous mes vœux de bonne et heureuse année.
Je suis ravi d'échanger avec vous sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République. Il s'agit, pour moi comme pour le Gouvernement et le Président de la République, d'un texte essentiel.
C'est un texte de liberté, en ce sens que, de façon presque tautologique, rappeler ce que sont les valeurs de la République, c'est rappeler ce qu'est la liberté.
C'est un texte essentiel car nous devons nous prémunir des dérives séparatistes – d'où qu'elles viennent –, qui menacent la nation et la République.
C'est un texte essentiel car il importe de réaffirmer que tous les Français, d'où qu'ils viennent et quel que soit le Dieu qu'ils prient – ou qu'ils ne prient pas –, font avant tout partie de la communauté nationale.
C'est un texte essentiel, enfin, car il a pour ambition de renforcer les principes qui fondent notre État de droit, afin de lutter efficacement contre toutes les idéologies qui menacent celui-ci.
C'est parce que les enjeux de ce texte sont si importants qu'une commission a été spécialement constituée par votre assemblée pour l'appréhender. Le débat parlementaire revêt une importance particulière du fait de l'objet même du projet de loi, qui touche à ce qui fait le pacte républicain.
Les sujets abordés sont propices au manichéisme, aux excès aussi, parfois, et aux solutions caricaturales dont les populistes raffolent et se repaissent.
Après l'assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020, nous avons souhaité réfléchir à la façon dont nous aurions pu prévenir les comportements qui ont été à l'origine de cet attentat terrible, odieux et qui ne pouvait, évidemment, rester sans réponse.
Le projet de loi vise à réaffirmer l'importance que nous accordons à tous ceux qui servent la République et à sanctionner avec une plus grande efficacité ceux qui en bafouent les valeurs et les principes.
Notre ambition est de limiter drastiquement l'impunité dont pourraient jouir ceux qui pratiquent en permanence l'insulte et la menace. Nous souhaitons que les personnes qui sont des victimes potentielles – parce qu'elles transmettent les valeurs de la République, parce qu'elles exercent tel ou tel métier ou tout simplement parce qu'elles sont d'une origine ou d'une confession déterminées – ne tremblent plus.
C'est d'abord avec l'article 3, destiné à faire évoluer le dispositif relatif au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT), que nous entendons faire respecter les valeurs de la République. Il s'agit de permettre aux services de l'État de vérifier, au moment d'un recrutement ou d'une habilitation, si les personnes concernées ont été condamnées ou mises en examen pour des infractions en lien avec des activités terroristes. Ainsi, il est impératif que les structures accueillant du public, en particulier des jeunes, sécurisent leurs recrutements. L'article élargit le champ d'application du fichier à de nouvelles infractions, dont celle d'apologie d'actes de terrorisme, pour lesquelles il prévoit une inscription automatique.
L'article 4, ensuite, crée le délit de menace séparatiste. Il permettra de renforcer la protection des personnes qui participent à l'exécution d'une mission de service public. Ce nouveau délit sanctionne les menaces, les violences et tout autre acte d'intimidation exercé à l'encontre de ces personnes dans le but de se soustraire aux règles présidant au fonctionnement d'un service public. Cela concerne, par exemple, des parents qui feraient pression sur un professeur en contestant un enseignement qui heurte leurs croyances, ou encore un homme menaçant un médecin et dont l'épouse a exigé, pour des raisons religieuses, d'être auscultée par une personne de même sexe – on pourrait multiplier les exemples. Ce nouveau délit permettra de sanctionner des comportements très variés, dans la mesure où il vise les menaces – même en l'absence de réitération –, les violences et, de façon générale, tout acte d'intimidation.
Le projet de loi a également pour ambition de lutter contre la haine sur internet. On sait la place qu'ont prise les réseaux sociaux dans nos vies. Ils sont bien souvent les nouveaux lieux du lien social, de l'échange, de la culture et de l'information – mais aussi, parfois, de la désinformation, de la haine et du malheur : ils sont à la fois ce qu'il y a de meilleur et de pire, à l'image de la langue selon Ésope.
L'article 18 crée le délit de mise en danger de la vie d'autrui par diffusion d'informations personnelles. L'objectif est bien de réprimer un comportement indépendamment de ses conséquences. Cette disposition est essentielle à l'heure d'internet, qui rend instantanée la diffusion de tous les messages, y compris ceux qui constituent des appels directs à la haine contre une personne dont les éléments d'identification seraient jetés en pâture sur le net. De tels messages peuvent susciter, chez les esprits faibles, le désir d'une violence parfois définitive, qu'il faut à tout prix juguler. Or le droit existant n'appréhende pas de façon satisfaisante ces comportements.
L'article 18 crée une incrimination de portée générale : il protège toute personne étant la cible de tels actes, même si des sanctions renforcées sont prévues lorsque des membres des forces de l'ordre sont plus particulièrement visés.
J'insiste sur le fait que la diffusion d'informations personnelles sur internet ne sera punie qu'à la condition que l'on démontre l'intention manifeste de l'auteur de porter gravement atteinte à la personne visée. Enfin, on pourra appréhender avec ce délit les propos haineux tenus sur les réseaux sociaux qui, sans constituer des provocations directes ou des actes de complicité d'un crime ou d'un délit, poursuivent en réalité les mêmes objectifs.
L'article 19 concerne les sites miroirs. Il reprend certaines dispositions de la proposition de loi de Mme Laetitia Avia, dont je salue l'implication infatigable sur le sujet. L'impact du blocage de sites dédiés à la haine en ligne et à la discrimination est souvent limité par la réapparition rapide de ces sites et de leurs contenus sous d'autres noms. Le texte vise donc à permettre, une fois qu'un site a été bloqué en raison des contenus qu'il publie, de bloquer également tous les autres sites dont les contenus seraient identiques.
L'article 20, quant à lui, est le fruit d'une très large concertation : pendant plusieurs semaines, j'ai reçu au ministère de la justice les professionnels du secteur de la presse – syndicats, patrons de titres, avocats spécialisés dans le droit de la presse. Ces consultations larges ont permis d'aboutir à la rédaction actuelle, qui rend possible la poursuite en comparution immédiate des auteurs de propos incitant à la haine sur internet, en modifiant non pas la loi de 1881 – j'y insiste –, mais le code de procédure pénale.
Je crois profondément que la célérité de la réponse pénale en la matière est cruciale pour casser les spirales mortifères qui peuvent se mettre en place et, comme nous l'avons malheureusement constaté, se révéler dévastatrices. Bien évidemment, nous avons strictement encadré le recours à ces procédures rapides pour que soient préservées les garanties dont bénéficient à juste titre les journalistes grâce à la loi de 1881 : ils ne pourront pas se voir appliquer ce mode de poursuites.