Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du lundi 18 janvier 2021 à 21h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Ce débat est important et ne doit pas être caricaturé en opposant d'immondes sectaires visant spécifiquement telle ou telle religion et des laxistes qui n'oseraient pas légiférer.

La laïcité suppose la neutralité du service public et la liberté de conscience. Toute la question est de savoir où l'on place le curseur : soit on considère que les accompagnatrices participent directement à une mission de service public et la neutralité doit leur être imposée, soit on considère que tel n'est pas le cas et que, comme tout un chacun, elles ont le droit d'exprimer des convictions, « même religieuses ».

La République n'a jamais jugé que les religions étaient incompatibles avec elle : bail emphytéotique administratif cultuel, déductions fiscales, écoles sous contrat et, parfois, constructions de lieux de cultes avec des deniers publics. Doit-on élargir le champ de la neutralité, quitte à limiter la pluralité religieuse ? Au point où nous en sommes, ne risque-t-on pas d'interdire au Grand-rabbin d'accompagner ses enfants lors d'une sortie scolaire s'ils sont dans une école publique, à moins qu'il ne retire sa kippa ? Même chose, mutatis mutandis, pour une tante qui serait religieuse et qui accompagnerait son neveu. Le dispositif qui est proposé n'exclut pas les ministres du culte et les religieux !

J'ai tiré de mon expérience de maire qu'autant il fallait être extrêmement dur dans la lutte contre le communautarisme et le séparatisme islamiste, qui passe notamment par le champ associatif et certains comportements, autant je ne suis pas certain que la première attaque séparatiste soit le fait de la maman accompagnant de façon occasionnelle et bénévole une sortie scolaire en portant un vêtement rappelant sa religion, surtout lorsque l'enfant est scolarisé dans une école publique. Lorsqu'on veut lutter contre la non-mixité, il faut savoir distinguer ce qui relève de la provocation. Mais porter un vêtement rappelant sa religion dans le cadre d'une sortie scolaire ne me semble pas être un acte séparatiste. Je respecte cependant ceux qui peuvent le penser. Une telle disposition obligerait une femme ou un homme religieux par vocation ou du fait de son métier à se dépouiller de son expression religieuse pour accompagner, dans une école publique, une sortie scolaire. Je ne suis pas certain que cela ferait avancer les choses.

Je le répète : notre sujet, c'est l'ordre public, la pluralité et la neutralité. Si celle-ci doit s'imposer à ceux qui sont payés par le service public et qui y concourent directement, il doit en aller différemment pour ceux qui ne le sont pas et qui ne lui sont pas liés par un contrat.

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