Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du vendredi 22 janvier 2021 à 9h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Je regrette l'approche totalement idéologique qui est faite du sujet. Ne nous faites pas le coup de la politique de l'autruche, en particulier pas à moi, député de la Seine-Saint-Denis. Personne ne nie l'existence de ce problème, dont on sait, bien qu'il ne soit pas documenté, qu'il prend de l'ampleur. Cela étant, il doit concerner moins de 10 % des enfants scolarisés en famille.

À vous écouter, monsieur le ministre, madame la rapporteure, on pourrait croire que seul l'État sait ce qui est bon pour l'enfant et ce qu'il doit devenir. L'État confère des droits à l'enfant mais ne sait pas ce qui est bon pour lui en toutes circonstances. On se demande ce que sont devenues les générations d'enfants qui ont reçu l'instruction en famille : des attardés, des reclus, des enfants sauvages ? Je ne le crois pas.

Cette approche idéologique vous conduit d'ailleurs à instituer un régime d'autorisation plutôt qu'à rendre effectif le contrôle. Il n'y a pas qu'une seule façon d'atteindre un objectif, en l'occurrence d'éviter que des gens arrachent leurs enfants à leur avenir, à la société, même si l'école est sans doute la meilleure solution pour le plus grand nombre. Les lois Ferry ont affirmé un droit – aller à l'école – et un devoir – pourvoir à l'instruction des enfants. Pour votre part, vous voulez qu'aller à l'école devienne un devoir.

L'instruction au sein de l'école publique ou de l'école privée, sous contrat et hors contrat est, selon vous, un droit essentiel, une liberté consubstantielle à la République, mais ce ne serait plus le cas de l'instruction en famille. Pour quelle raison ? La seule différence entre ces formes d'instruction tient à l'incapacité de l'éducation nationale à vérifier ce que les familles apportent à l'enfant.

Pour garantir une liberté, encore faut-il la rendre effective, lui donner les moyens d'exister. Or, vous refusez, comme vos prédécesseurs, de créer des postes dans les écoles privées, ce qui prive parfois les familles d'un choix. Que feront-elles si elles ne souhaitent pas inscrire leurs enfants à l'école publique, alors qu'elles ne pourront plus les instruire en famille ?

Pour que cette liberté soit effective, il faudrait aussi pouvoir s'adapter aux enfants différents. En Seine-Saint-Denis, dans quelle école publique scolariser un enfant précoce ? Il n'y a qu'à Paris qu'on trouve des places, ce qui est difficilement envisageable pour une femme élevant seule ses enfants.

Il faudrait que l'école publique soit exemplaire en termes de mixité sociale. De mémoire, 8 % des enfants d'ouvriers deviennent cadres, alors qu'ils étaient 40 % il y a cinquante ans. Certaines familles veulent donner plus de chances à leurs enfants même si, il est vrai, l'instruction en famille concerne majoritairement les milieux sociaux favorisés.

Enfin, je n'ai pas entendu un seul argument expliquant en quoi le contrôle a posteriori renforcé, que je proposerai, serait moins souhaitable que l'autorisation préalable. On peut se demander sur quoi celle-ci se fondera, si ce n'est sur l'appréciation a priori de la famille, sans savoir ce qu'elle fera réellement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.