Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du vendredi 22 janvier 2021 à 9h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Jean-Michel Blanquer, ministre :

Merci de nous avoir replacés dans ce contexte qui apporte un éclairage particulier à nos travaux. Nous franchissons une nouvelle étape dans la construction et la consolidation de notre République, par son école. C'est une caractéristique particulièrement forte de la France, ne l'oublions jamais face aux fragmentations, aux individualismes, au séparatisme contemporain.

Le contexte pandémique nous le rappelle : la société française exprime son attachement à l'école, beaucoup plus fortement que dans d'autres pays. C'est une force et une espérance, dans la période très difficile que nous traversons. Cet attachement particulier est lié à notre histoire et au fait que l'école fut l'un des premiers éléments de consolidation de la République, dans une vision libérale et équilibrée, les propos de Jules Ferry en témoignent, et dans un souci de construire du commun par l'éducation civique et morale en particulier, par tout ce qui se joue à l'école plus généralement.

On aura beau brandir toute une série de sujets spécifiques, il faudra toujours revenir à cet ensemble qui ne fait pas de nous une dictature, sinon nous le serions depuis cent cinquante ans. Gardons-nous de tout propos caricatural en la matière. J'espère rassurer M. de Courson et le convaincre d'être avec nous. Si cet article 21 installait une dictature en France, cela se saurait. Citons les exemples étrangers avec délicatesse et subtilité. Le cas de l'Allemagne est l'exact inverse de ce que vous avez dit : c'est au titre de la défense de la démocratie que les choses se sont jouées.

Madame Vichnievsky, l'arrêt du Conseil d'État que vous citez n'est pas un arrêt de principe mais une décision d'espèce – d'ailleurs, il ne figure pas dans le recueil Lebon. Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil d'État ne guide pas le législateur, c'est l'inverse. Nous sommes justement arrivés à un stade où il devient nécessaire de définir, par la voie législative, le cadre de cette liberté. C'est vrai, nous devons prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant et ce concept est à un point d'équilibre entre les différents acteurs qui permettent de le définir.

Je voudrais que l'on sorte de ces postures caricaturales pour deux raisons. La première tient à l'intérêt supérieur de l'enfant car tout ce que nous disons ne vise qu'un seul objectif : éviter à un enfant de se retrouver dans une situation qui serait totalement contraire à ses droits, même s'il ne s'agissait que d'un seul enfant. Ce qui a caractérisé la République, c'est d'avoir été capable de se mobiliser des mois entiers pour une seule personne. Le droit d'un seul enfant compte. L'objectif, monsieur de Courson, n'est pas quantitatif mais qualitatif : aucun enfant ne doit voir ses droits violés. Derrière chacune des décisions que vous prendrez en votre âme et conscience se trouve le cas de chaque enfant de France. Ne l'oubliez pas.

Vous dites que la réalité n'est pas assez cernée. C'est vrai, nous aimerions qu'elle le soit bien davantage. La présence d'angles morts dans les lois de la République est un problème que je suis le premier à reconnaître. C'est précisément ce que nous voulons combattre. Le régime d'autorisation nous y aidera. Nous connaissons tous suffisamment le terrain pour savoir que ces angles morts ne sont pas une invention de ma part. Nous en avons des preuves, d'ailleurs. Lorsque nous démantelons des structures clandestines, plus de la moitié des enfants sont officiellement instruits en famille. La question se pose donc bel et bien, d'autant plus que, souvent, l'instruction en famille n'est qu'un paravent à l'endoctrinement et que ces situations peuvent favoriser la violation des droits de l'enfant. Une petite fille de 4 ans, voilée de la tête aux pieds, dans un hangar de Seine-Saint-Denis : c'est une violation des droits de l'enfant, monsieur Lagarde. Vous ne pouvez ignorer que la situation actuelle n'est pas satisfaisante et que nous avons besoin de nouveaux moyens juridiques pour y faire face.

Nous n'avons pas voulu d'une politique de l'autruche, qui aurait été la solution de facilité. C'est justement parce que de telles politiques ont été menées dans le passé que nous nous retrouvons dans des situations compliquées. L'outil que nous vous proposons ne sera pas le seul mais il est un levier très important pour préserver un dispositif équilibré et respectueux des libertés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.