Nous souhaitons supprimer la disposition dite « antiputsch », que vous avez présentée dans la presse bien avant le dépôt de ce texte, monsieur le ministre, en assurant qu'elle était très robuste.
Elle vise à éviter que certaines associations cultuelles soient submergées par un groupe – vous aviez évoqué, je crois, les salafistes –, un peu comme dans notre jeunesse étudiante, lorsqu'à l'occasion d'une assemblée générale, une association politique prenait le contrôle d'une organisation de jeunesse.
Pour ce faire, vous demandez aux associations cultuelles qui désignent leur ministre du culte de modifier leurs statuts en se dotant d'une sorte de conseil d'administration, ou d'un bureau. C'est déjà le cas dans la plupart des associations et cela n'empêchera pas à une majorité de fidèles ayant par exemple une pratique plus rigoriste de prendre le dessus.
Plus fondamentalement, la distinction que vous faites entre les associations cultuelles qui désignent leur ministre du culte et les autres me semble poser un problème et témoigne d'une mauvaise compréhension de ce qu'est la loi de 1905. Nos amis protestants, qui désignent leur ministre du culte, ont demandé pourquoi on venait se mêler de leurs affaires. En 1905, l'Église catholique s'était émue de ce que la République veuille se mêler de son mode d'organisation : elle redoutait que cela n'entraîne un « risque schismatique ». Le compromis de 1907 a permis de rassurer les catholiques, en leur disant que l'organisation de leurs associations serait respectueuse de leur hiérarchie : c'est l'évêque qui désignerait les responsables des associations diocésaines. En un mot, on leur a garanti qu'il n'y aurait pas de démocratie et que c'est l'organisation catholique, dans sa verticalité, qui désignerait les responsables.
Ce compromis a été trouvé il y a bien longtemps. On peut estimer, aujourd'hui, qu'il faut un fonctionnement plus démocratique, mais nous ne le demandons pas à tous les cultes : nous n'allons pas demander à l'Église catholique de fonctionner de façon démocratique, avec des conseils d'administration. Nous avons accepté, en 1907, que l'évêque exerce son autorité sur les associations diocésaines, et on peut d'ailleurs considérer que c'est très bien ainsi et qu'il n'y a pas à remettre en cause cette organisation. La République ne reconnaît, ni ne salarie aucun culte : cela signifie qu'elle ne se mêle pas de la manière dont s'organisent les cultes. Elle veille, en revanche, à ce que les cultes et les fidèles respectent la loi : cela ne fait pas débat.
Pour résumer, le dispositif que vous proposez est inefficace car il n'empêchera pas, contrairement à ce qui a été annoncé dans la presse, que des coups d'État puissent se produire au sein des associations cultuelles. Par ailleurs, il s'appuie sur un raisonnement idéologique qui me semble témoigner d'une intrusion de la puissance publique dans la manière dont s'organisent les cultes, laquelle doit être laissée à la liberté des fidèles : un point, c'est tout. C'est aux fidèles de décider comment ils souhaitent s'organiser et nous n'avons pas d'avis à avoir là-dessus, tant qu'ils respectent la loi.