Le rapporteur a raison : la question que vous posez est extrêmement intéressante.
À ma connaissance, il n'est aucun domaine de l'État français dont on puisse interdire l'acquisition par une personne ou un État étrangers. Il faudrait donc arguer du fait que les lieux de culte constituent un cas particulier, ce que je suis prêt à reconnaître. Cela étant, je ne crois pas qu'il faille introduire une interdiction pure et simple. Je suis favorable à ce que nous travaillions ensemble d'ici la séance, soit à une « possibilité de vente, sauf opposition », soit à une « interdiction de vente, sauf accord ». La première option, qui est moins dure que la seconde, risque moins d'être censurée par le Conseil constitutionnel – mais il faudra bien spécifier, je le répète, que vous ne visez que les lieux de culte.
Deuxièmement, nul n'ignore qu'une partie des gens qui veulent acheter des lieux de culte sur notre territoire ne le font pas seulement pour la beauté de la religion, mais aussi pour avoir le contrôle de leur diaspora. À ce titre, votre amendement permettrait effectivement de lutter contre l'islamisme politique – mais pas seulement. Je partage donc l'esprit de votre amendement, même si l'interdiction générale me paraît contraire à la Constitution. Il faudrait commencer par introduire un régime de déclaration car lorsqu'un lieu de culte est vendu en France, je n'en suis pas informé. Je l'apprends généralement en discutant avec mes homologues, ou dans la presse. Il faudrait donc commencer par améliorer la procédure de déclaration.
Se pose, enfin, la question de la réciprocité. J'informe la commission – et cela ne va pas plaire à M. Corbière, qui va découvrir que ses impôts ne financent pas seulement les ministres du culte mosellans – que La Trinité-des-Monts, Saint-Louis-des-Français, Saint-Yves-des-Bretons, Saint-Claude-des-Bourguignons et Saint-Nicolas-des-Lorrains sont cinq églises que l'État français possède dans les pieux établissements de Rome, et qu'il gère en direct. Sont également possession de l'État français le domaine national français en Terre sainte, qui compte l'église Sainte-Anne et le monastère d'Abou Gosh, mais aussi Saint-Louis d'Istanbul, qui est sous notre emprise diplomatique, ou encore Saint-Louis des Français de Lisbonne – mais je m'arrête là.
Il est évident que si nous prenions une mesure forte, comme une interdiction pure et simple, les choses se passeraient probablement bien avec Rome, mais sans doute moins bien avec Istanbul, et ce serait un mauvais signal. Une interdiction pure et simple ne me semble donc pas être une solution, d'autant qu'elle serait sans doute jugée anticonstitutionnelle. En revanche, un régime de déclaration et d'autorisation, comme pour les financements étrangers, me semblerait correspondre à la fois à la volonté du législateur et au respect des traditions.