Intervention de Laurence Vichnievsky

Réunion du lundi 7 juin 2021 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Vichnievsky, rapporteure :

L'amendement CS626 vise à supprimer l'article introduit par le Sénat pour interdire les listes communautaires. Ses dispositions risquent en effet de soulever des problèmes de conformité à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). La privation de financement public des partis politiques pour des propos attentatoires aux valeurs de la République se heurte à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Celui-ci considère que, pour être conforme aux principes d'égalité et de liberté, l'aide allouée doit obéir à des critères objectifs. Ainsi, le mécanisme d'aide retenu ne doit pas aboutir à compromettre l'expression démocratique des divers courants d'idées et d'opinions. Enfin, les critères retenus par le législateur ne doivent pas conduire à méconnaître l'exigence du pluralisme de ces courants, qui constituent le fondement de la démocratie.

L'interdiction faite aux candidats de tenir des propos contraires aux valeurs de la République, à la souveraineté nationale, à la démocratie et à la laïcité, est en outre attentatoire à la liberté d'expression telle que l'affirme l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ainsi qu'aux libertés d'opinion et de religion garanties par les articles 10 et 11 de la Déclaration de 1789.

L'interdiction des titres de liste, qui affirmeraient que « les candidats entendent contrevenir aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie et de la laïcité, en soutenant les revendications d'une section du peuple fondées sur l'origine ethnique ou l'appartenance religieuse » apparaît également comme une violation de la liberté d'opinion et de la liberté d'expression ainsi que de la liberté de candidature.

Certaines des dispositions ajoutées par nos collègues sénateurs sont en outre assez floues. La sanction financière des partis politiques, par exemple, supposerait que l'on accroisse la surveillance des interventions des candidats. Le défaut de précision dans la définition des critères permettant d'incriminer des propos communautaires risque de limiter la portée de leurs sanctions. Enfin, en vertu de l'article 4 de la Constitution, les partis politiques se forment et exercent leur activité librement.

Tous ces arguments de nature juridique s'opposent aux dispositions ajoutées par nos collègues sénateurs. C'est pourquoi, je suis favorable à la suppression de l'article 2 ter, bien que je comprenne l'émotion que suscitent certaines listes, candidatures ou propos auprès de nos concitoyens. Il y a là un sujet politique : les partis doivent le régler et la sanction reste le vote. L'élection est l'expression essentielle de la démocratie, avec toute la diversité d'opinions et de pensées qu'elle revêt.

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