Notre ordre du jour appelle l'audition de Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.
Je vous adresse, madame la ministre, au nom de notre Délégation, nos plus sincères félicitations pour votre nomination ainsi que tous nos vœux de succès dans votre mission dont l'objet a été déclaré grande cause du quinquennat par le Président de la République.
« Partout où les décisions sont prises, les femmes ont leur place… jamais elles ne devraient faire exception. » Cette phrase que j'emprunte à Ruth Bader Ginsburg, membre de la Cour suprême des États-Unis, femme d'exception qui vient malheureusement de nous quitter, vous l'incarnez, madame la ministre. Votre nomination, le 6 juillet dernier, vient en effet consacrer un parcours remarquable qui vous a vu fonder une entreprise, exercer des fonctions de haut cadre international, ou encore de juge consulaire, mais également faire preuve d'un très bel engagement dans le monde associatif au profit de la diversité.
Vous êtes parvenue à monter l'échelle de la décision, faisant malheureusement trop souvent figure d'exception dans un secteur professionnel, celui du numérique, que l'on sait peu féminisé. De cette expérience, vous m'avez assuré tirer force et abnégation pour initier une nouvelle étape en matière d'autonomisation économique, d'entrepreneuriat et d'employabilité des femmes. La délégation aux droits des femmes vous accompagnera assurément dans cette nouvelle séquence.
Madame la ministre, notre Délégation a été créée voici vingt-et-un ans. Elle est composée de 36 membres représentant l'ensemble des groupes politiques et est renouvelée à chaque début de législature.
Nous travaillons dans un esprit trans-partisan, nous saisissant de l'actualité législative comme de sujets sociétaux. Nous intervenons dans l'ensemble des débats touchant aux droits des femmes, dans un esprit de concorde que je salue. Sans prétendre à l'exhaustivité, je profite naturellement de cette première audition pour attirer votre attention sur la qualité et la diversité de nos travaux sur lesquels vous pourrez vous appuyer pour mener à bien votre action.
Notre Délégation a ainsi adopté la semaine dernière le rapport sur l'accès à l'interruption volontaire de grossesse de nos collègues Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti. Elles y constatent des difficultés persistantes pour l'accès à ce droit et préconisent des mesures concrètes, dont l'allongement du délai légal de 12 à 14 semaines et l'extension des compétences des sages‑femmes. Nos corapporteures pourront certainement en dire davantage et décrire plus précisément leurs principales propositions. Nous espérons votre soutien pour l'examen de la proposition de loi que notre Délégation déposera afin de traduire précisément les préconisations de ce rapport.
Nous avons également noté l'intérêt que vous portez à la question de la représentation des femmes dans les médias et vous vous êtes particulièrement intéressée au rapport de notre collègue Céline Calvez sur la place des femmes dans les médias en période de crise. Notre Délégation a également beaucoup travaillé sur ce sujet et notre collègue Bérangère Couillard présentera bientôt un rapport d'information établi dans le cadre du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, assorti de propositions très concrètes.
S'agissant des violences faites aux femmes, je salue votre détermination à aller encore plus loin en effectuant un suivi précis et actif de la mise en œuvre du Grenelle des violences conjugales. Pour ce faire, vous avez réuni le 3 septembre dernier les représentants des 11 groupes de travail du Grenelle afin de procéder à l'évaluation de l'exécution des 46 mesures retenues. Notons que 17 d'entre elles ont d'ores et déjà été réalisées et 50 % sont en cours de réalisation. Peut-être pourriez-vous nous faire un point d'étape ?
Notre Délégation avait, au moment du Grenelle, adopté un Livre blanc destiné à briser le cycle des violences conjugales et nous effectuons un suivi attentif des 150 propositions que nous y avions formulées. C'est un exercice d'application et de mise en œuvre qui me paraît tout à fait essentiel pour assurer la déclinaison concrète des objectifs de nos politiques publiques.
Par ailleurs, vous avez annoncé la création de 15 centres de prise en charge des auteurs de violences d'ici la fin de l'année ainsi que de 15 autres centres supplémentaires en 2021. Vous avez également indiqué que le bracelet anti-rapprochement devrait être disponible dès ce mois-ci. Pourriez-vous revenir sur ces annonces et les moyens qui leur seront associés ?
Dans ce contexte, je tiens à saluer votre première victoire budgétaire et non la moindre, qui devrait permettre d'augmenter de 40 % les crédits alloués au programme 137 en 2021. Sachez que nous serons à vos côtés pour voter cette hausse lors du prochain projet de loi de finances et que nous resterons vigilants quant aux parts allouées aux autres programmes relevant de notre compétence qu'ils concernent la justice, l'intérieur, la santé ou encore l'éducation.
Notre Délégation suit également avec une grande attention l'impact de la crise sanitaire sur l'ensemble des droits des femmes. Nous avons à cet effet organisé des tables rondes relatives à l'aggravation des violences subies par les femmes durant le confinement mais aussi aux conditions d'exercice des droits sexuels et reproductifs ou encore aux difficultés liées à la périnatalité. Nos travaux ont mis en avant de nombreux points de vigilance, notamment en matière de précarité économique ou encore de violences, dont celles subies par les femmes vivant dans des lieux de privation de liberté qui se sont malheureusement aggravées. Nous avons entendu des témoignages glaçants concernant par exemple la situation de femmes en situation de handicap et nous appelons à la plus grande vigilance sur ces souffrances silencieuses que nous entendons continuer de relayer au sein de l'Assemblée nationale.
Alors que s'ouvre un travail considérable de relance de l'économie pour le Gouvernement, notre Délégation ne manquera pas d'œuvrer, à vos côtés, à l'élaboration d'une économie inclusive, c'est-à-dire d'un système où les femmes ont partout la capacité de décision et d'entreprise, particulièrement en ce qui concerne les secteurs d'avenir et les métiers de demain. Donnons également aux prochaines générations les moyens de construire le futur. C'est la voie la plus sûre vers l'égalité et, comme vous l'avez rappelé ce matin même devant le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE), le travail est vecteur d'émancipation.
Pour cela, il nous faut travailler à corriger toutes les formes d'inégalité. Si elles sont salariales, cela peut être fait par des outils comme l'Index de l'égalité par exemple ou, si elles sont structurelles, en imposant la présence de femmes. C'est d'ailleurs le sens de la loi n° 2011‑103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle dite Copé‑Zimmermann portée par la délégation aux droits des femmes en son temps. Cette loi a eu des effets incitatifs déterminants. Nous souhaitons aujourd'hui travailler à son extension afin de toucher davantage d'entreprises et de lieux de décision au sein de l'entreprise. L'histoire nous le montre : il faut des règles de droit pour avancer et le passage par les quotas est souvent nécessaire.
Vous le voyez, madame la ministre, nombreux sont les sujets sur lesquels nous souhaitons échanger avec vous.