Intervention de Elisabeth Moreno

Réunion du mardi 22 septembre 2020 à 17h25
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Elisabeth Moreno :

Monsieur le député Gouffier-Cha, j'aimerais comme vous apporter tout mon soutien à Élisabeth pour ce qu'il s'est passé à Strasbourg et les violences dont elle a été victime. L'État protège les femmes dans l'espace public. C'est notre devoir absolu. On ne peut pas, en France, sortir dans la rue en craignant de se faire agresser en permanence. Cela n'est pas possible. De tels actes ne peuvent pas être tolérés. J'ai saisi le ministère de l'Intérieur et je laisserai la justice suivre son cours.

En plus des lois qui existent déjà concernant les agressions physiques, la France est le premier pays au monde à avoir décidé de légiférer et de mettre en place une inflexion toute spécifique pour réprimer les outrages sexistes.

Nous avons également mis en place le plan Angela pour protéger les femmes. Je ne sais pas si, dans ce cas, ce plan aurait pu être utile. L'idée de ce plan est de faire en sorte qu'une jeune femme puisse par exemple demander à arrêter le bus au point le plus proche de son domicile lorsqu'elle est en déplacement la nuit ou s'arrêter à un restaurant pour dire « j'ai besoin d'aide, j'ai besoin de me sentir protégée ». Ces mesures sont à la fois intelligentes et sécurisantes pour les femmes.

Votre commentaire sur la mise en place de l'ARIPA, monsieur le député, me donne l'opportunité de parler de ce sujet qui me tient très à cœur. Obtenir le paiement de la pension alimentaire consiste simplement à faire valoir son droit et celui de l'enfant qu'on élève. Cela devrait être un droit acquis mais les impayés réguliers et récurrents montrent que 30 % des familles subissent encore cette précarité. Ce facteur de précarité touche majoritairement les femmes puisque 85 % des familles monoparentales sont tenues par des femmes. Même en mettant de côté ces problématiques d'impayés des pensions alimentaires, c'est souvent un sujet de tensions et ces tensions peuvent créer un rapport de forces en défaveur de la femme. La création de l'ARIPA, qui date de 2017, est pour moi une première étape pour améliorer le paiement de ces pensions.

Elle sera mise en œuvre en deux temps. Le Président de la République a pris un engagement fort pour un véritable service public des pensions alimentaires. C'est extrêmement important et nous nous y tiendrons. Ce service fera intervenir la caisse d'allocations familiales : elle versera une allocation de soutien familial et mettra ensuite en place un mécanisme de paiement direct de la pension alimentaire. Dès cet automne, le service sera ouvert pour les parents qui en ont fait la demande dans le cadre de la séparation, soit devant le juge soit par convention. À compter du 1er janvier 2021, tout parent pourra accéder à ce service à tout moment, en s'adressant à la CAF. La mise en œuvre de la mesure a malheureusement été retardée du fait de la pandémie. Avec Adrien Taquet, nous sommes extrêmement vigilants sur le déploiement de cette mesure tellement attendue par des centaines de milliers de familles.

Vous avez également mentionné la prostitution. Il y a quelques jours, j'ai rencontré l'association le Mouvement du Nid. Je veux saluer le travail remarquable que fait cette association pour sensibiliser et accompagner les femmes en situation de prostitution. Parce que ces associations ont besoin de davantage de moyens pour poursuivre leur mission, nous leur apporterons ce soutien financier.

Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire et nous devrons tirer toutes les leçons de l'évaluation des inspections rendue au mois de juin. C'est pourquoi je souhaite réunir le comité interministériel de suivi de la loi d'ici la fin de l'année.

Je l'ai dit lors de mon propos introductif : en matière budgétaire, dans le cadre de la PLF, je sécuriserai les crédits nécessaires, notamment dans le cadre du dispositif d'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) et des aides aux associations.

Vous avez également, monsieur le député Gouffier-Cha, posé une question sur la Maison des Femmes. Vous avez mentionné le travail absolument remarquable du docteur Ghada Hatem ; j'ai énormément de respect et de considération pour ce genre d'engagement et surtout pour les résultats qu'elle obtient. Je vous rejoins pleinement dans l'intérêt que nous avons à développer de telles structures. C'est d'ailleurs l'une des mesures emblématiques du Grenelle. Il s'agit créer des structures de prise en charge globalisée pour les femmes qui sont victimes de violences.

La Maison des Femmes de Saint-Denis et le CHU de Bretagne-Sud sont des exemples de ces structures que le Gouvernement souhaite déployer sur l'ensemble du territoire. Ces unités dédiées de prise en charge des violences ont vocation à apporter une prise en charge complète, notamment aux femmes et aux hommes qui sont victimes de violences conjugales, en englobant les aspects d'accueil, de délivrance de soins, le suivi spécialisé, la chirurgie et, évidemment, un accompagnement psychosocial. Il ne faut pas oublier que les violences ne s'arrêtent pas à ce qui est visible. Ce n'est pas seulement l'œil au beurre noir. Il faut penser à l'emprise, à l'état psychologique dans lequel ces femmes se trouvent. C'est pourquoi le travail que font ces hôpitaux et ces personnes – car c'est une question d'engagement de personnes – est absolument remarquable.

Madame la députée Panonacle, le sujet des aides-soignantes dans les EHPAD est très important. En réalité, vous l'avez souligné, 90 % des effectifs des EHPAD sont aujourd'hui des femmes. 148 000 femmes travaillent dans les EHPAD. La mobilisation et l'engagement tout à fait exceptionnels dont ces personnels médicaux ont fait preuve durant la pandémie doivent être soulignés.

Afin de faire reconnaître le travail précieux de ces personnes et d'apporter des réponses aux attentes des soignants, le Président de la République s'est engagé à mettre en place un plan massif de revalorisation de l'ensemble des carrières, à la fois à l'hôpital et dans les EHPAD.

Au-delà de la Covid-19, le vieillissement de la population et les problématiques de dépendance créent déjà des tensions pour recruter dans les métiers du grand âge. Il est donc primordial pour garantir la qualité de l'accueil de nos aînés de renforcer l'attractivité de ces filières et d'améliorer les conditions d'exercice de ces métiers.

Le Ségur de la santé est une première réponse, une première étape pour améliorer le quotidien des soignants et revaloriser les salaires des professionnels. Ce ne sera pas la seule. Nous prévoyons une revalorisation des rémunérations atteignant 183 euros par mois dans les EHPAD publics et privés non lucratifs : 90 euros dès le mois d'octobre et 93 euros à partir du mois de mars 2021. En outre, un travail sur la grille de rémunération des personnels paramédicaux est également engagé pour mieux prendre en compte les spécificités et les contraintes de ces métiers.

Un plan concernant les métiers du grand âge est également en cours d'élaboration. Il s'accompagnera d'une mobilisation des acteurs de l'orientation et de l'insertion professionnelle pour renseigner et orienter les candidats intéressés vers ces métiers. Ce sont de très beaux métiers mais ils sont aujourd'hui trop peu reconnus.

Vous avez aussi mentionné ce sujet tellement sensible de la rupture de l'isolement des personnes âgées. Bien entendu, la pandémie de la Covid-19 a touché très durement nos populations âgées et fragiles, en particulier les femmes. Un plan de mobilisation nationale a été mis en œuvre par Olivier Véran sur la base des propositions de M. Jérôme Guedj. L'un des principaux axes de ce plan est le renforcement du numéro vert national d'écoute de la Croix‑Rouge pour offrir un soutien psychologique à ces personnes isolées. Il faut également identifier ces personnes âgées isolées grâce à une forte mobilisation des jeunes en service civique et au partage d'informations entre les communes.

Je veux d'ailleurs souligner l'engagement de cette jeunesse. Cet engagement n'est pas toujours reconnu mais la jeunesse est là, elle a aidé, elle a accompagné, elle a fait les courses durant le confinement. Le plan doit aussi mettre à disposition des outils qui faciliteront la mobilisation des maires et des conseils départementaux. Ils sont en première ligne pour maintenir le lien dans cette sortie de crise.

La situation dans les EHPAD sera évidemment très suivie par le Gouvernement dans les semaines et les mois à venir. Par ailleurs, le maintien du lien entre les familles est une condition essentielle, nous le savons. L'État pourra faire tout ce qu'il voudra, nous n'arriverons pas aux résultats que nous recherchons, à savoir le bien-être et la bonne santé des résidents, si nous ne parvenons pas à maintenir le lien entre ces personnes âgées et leurs familles.

Madame la députée Trastour-Isnart, vous avez parlé de la lutte contre les stéréotypes de genre. Nous en parlons depuis si longtemps ! Pour que l'égalité entre les femmes et les hommes soit réelle, nous avons effectivement un travail très important à faire de déconstruction des stéréotypes et de création d'une culture de l'égalité. La diffusion de la culture de l'égalité soit s'opérer dès le plus jeune âge. Le fait que les parents passent plus de temps avec leurs enfants durant les premiers mille jours y contribuera. Ensuite, il faut évidemment s'assurer que, lorsqu'ils iront à l'école, on commence dès la maternelle à leur expliquer ce qu'est une petite fille, ce qu'est un petit garçon, pourquoi il faut respecter les uns et les autres indépendamment de leur sexe.

Par ailleurs, un travail important a été mené dans le cadre de l'application des mesures du Grenelle pour que l'ensemble des enseignants soient formés à cette égalité et aux violences qui peuvent être faites aux femmes. À cela s'ajoute la mise en œuvre de la convention interministérielle entre tous les ministères qui ont une responsabilité de politique éducative. Tous ont été embarqués dans cette discussion. Cette convention sera déclinée dans les territoires afin de mieux répondre aux besoins sociétaux, tant en matière de mixité des métiers que de respect mutuel, que d'éducation à la sexualité et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles sans oublier les cyberviolences qui ont tendance à se développer depuis l'apparition des réseaux sociaux.

La diffusion de la culture de l'égalité s'inscrit également dans le cadre de l'expérimentation du service national universel (SNU) et des cités éducatives avec l'introduction de la thématique de l'égalité entre les femmes et les hommes en tant qu'axe transversal des projets.

Dans le champ des médias, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé en mars 2018, en lien avec l'Union des annonceurs, les agences de publicité et l'autorité de régulation professionnelle de la publicité, une charte d'engagement pour la lutte contre les stéréotypes sexistes, sexuels et sexués dans la publicité. De même, en mars 2019, une charte pour les femmes dans les médias a été signée pour lutter contre les harcèlements et les agissements sexistes dans les médias.

Suite à la remise du rapport de Mme Calvez au mois de septembre 2020, notre ministère et le ministère de la Culture avec Roselyne Bachelot lanceront des travaux d'expertise technique et pratique avec les différentes parties prenantes. Nous travaillons également avec le ministère en charge des sports sur la place des femmes dans le sport. En effet, il faut faire en sorte que les femmes trouvent leur place et, surtout, qu'elles n'arrêtent pas d'en faire à l'adolescence parce qu'elles ne se sentent pas bien dans le monde du sport. Le programme national Héritage 2024 qui sera mis en place à l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 sera particulièrement mobilisé sur cette question de l'égalité entre les femmes et les hommes pour que ce sujet devienne concret, pratique et opérationnel.

Madame la députée, vous avez également mentionné les violences intrafamiliales globales. Le nombre de féminicides est en hausse. Notre engagement est évidemment total et global. Il découle du Grenelle et nous avons apporté à ce problème une attention toute particulière. Si nous voulons éradiquer ces féminicides, il faut que nous travaillions sur trois axes : la prévention, la protection et la sanction. Quand je parle de sanction, le processus doit commencer dès le début de la plainte. J'ai visité une association à Nanterre qui nous expliquait comment elle forme les policiers et les gendarmes à l'écoute et à la prise de plainte. Lorsque la plainte est bien prise, l'ensemble du processus se passe bien et la plainte est bien traitée au tribunal. Bien prendre la plainte, bien assurer l'écoute, cela permet de faire de la prévention mais aussi de protéger la victime, pour qu'elle ne soit pas encore plus victime et que l'auteur des violences ne continue pas à être un agresseur.

Par ailleurs, nous travaillons sur l'éloignement des auteurs et en particulier sur l'ouverture de ces quinze centres « auteurs » en 2020. Nous espérons en ouvrir quinze autres en 2021 sur l'ensemble du territoire.

Je souhaite avoir une approche très systémique car c'est la seule manière d'y arriver. Comme je l'ai dit en introduction, je veux vraiment me placer du point de vue de la victime, voir quel parcours elle doit subir pour arriver à se sortir de cette violence et mettre en place tous les dispositifs qui doivent l'être pour pouvoir la protéger.

Madame la députée Marie-Noëlle Battistel, vous avez mentionné un sujet qui me tient particulièrement à cœur. La loi Copé-Zimmermann relative à la représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des conseils d'administration prévoyait que la proportion de chaque sexe dans les conseils d'administration ne soit pas inférieure à 40 %. Elle a été étendue aux entreprises de 250 salariés au début du mois de janvier 2020. Le bilan de cette loi est très positif puisque nous sommes le seul pays en Europe qui a 44,6 % de représentation féminine dans les conseils d'administration. Sur la base de ce bilan positif, je ne vois pas véritablement la nécessité de modifier le seuil de 40 % prévu par la loi puisque nous l'avons déjà dépassé.

Les femmes ne représentent malheureusement que 35 % des dirigeantes non salariées d'entreprise dans notre pays aujourd'hui et, dans le monde, les chiffres ne sont pas bien différents. Elles représentent 21 % des dirigeants salariés et 23 % seulement des cadres dirigeants. Le taux de féminisation des COMEX n'est effectivement que de 19 % dans les 120 entreprises de l'indice de la Société des bourses françaises (SBF 120) et aucune, absolument aucune de nos 40 entreprises de la cotation assistée en continue (CAC 40) n'est aujourd'hui dirigée par une femme. Ce n'est pas comme si, dans notre beau pays, nous n'avions pas de femme suffisamment talentueuse et capable pour diriger un grand groupe. Le code de gouvernance de l'Association française des entreprises privées (AFEP) et du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a pourtant mis en place un plan de mixité au sein des entreprises dirigeantes et la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) de 2019 oblige les conseils d'administration à mettre en place un processus de sélection pour les organes de direction. Malgré toutes ces initiatives et ces bonnes volontés, force est de constater que les progrès sont extrêmement lents. Les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Je veux donc étudier les options possibles pour obtenir une représentation beaucoup plus équilibrée des femmes au sein des équipes dirigeantes. Nous savons en effet que c'est en ayant plus de femmes dans les comités de direction (CODIR) et dans les COMEX que nous ferons avancer ce sujet. Toutes les entreprises n'ont certes pas un COMEX ou un CODIR. Une entreprise de 50 personnes n'en a pas forcément par exemple. Mon objectif est de faire en sorte que davantage de femmes occupent des postes décisionnaires parce que c'est ainsi que nous verrons arriver dans les entreprises tous les changements que nous appelons de nos vœux. J'appelle ces entreprises à prendre leurs responsabilités. Quand on veut, on peut ! Je l'ai fait.

Madame Battistel, vous avez également posé une question relative à l'IVG. Comme Mme la présidente, je salue le travail que vous avez fait avec Mme la députée Muschotti. Deux des propositions contenues dans votre rapport sont inscrites dans une proposition de loi. L'allongement de 12 à 14 semaines du délai pour pratiquer une IVG instrumentale et la suppression de la clause de conscience spécifique y figurent. Ces propositions sont en cours d'étude. Elles ont toutes le même objectif : assurer la mise en œuvre réelle sur l'ensemble de notre territoire de l'accès à l'IVG. La suppression de la clause de conscience spécifique serait, je pense, une bonne chose et un acte symbolique fort et important.

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