Intervention de Bruno le Maire

Réunion du lundi 18 janvier 2021 à 11h00
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Bruno le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance :

Je suis très honoré que votre Délégation ait accepté d'organiser cette rencontre et me permette ainsi de souligner l'importance que nous attachons, avec le Président de la République et le Premier ministre, à l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine économique et financier. Je considère que c'est l'un des grands combats du XXIe siècle sur lequel la France doit se positionner en étant à l'avant-garde.

Beaucoup a été fait. Vous avez cité le code AFEP-MEDEF et l'index « Pénicaud », qui vont dans le bon sens, mais la crise montre que « nous n'y sommes pas ». Aussi importe-t-il de réfléchir à la meilleure manière de parvenir à l'égalité entre les femmes et les hommes, essentielle pour notre vie économique et financière, afin de permettre à la société française de mieux fonctionner, plus intelligemment, plus efficacement et plus équitablement. Un long chemin reste à parcourir. Ce quinquennat s'achèvera dans un peu moins de dix-huit mois. Je souhaite que nous nous saisissions de cette période, et plus particulièrement de l'année 2021 – et même, le plus tôt possible cette année – pour prendre de nouvelles décisions.

Les femmes sont les premières victimes de la crise que nous traversons, dont l'impact moral est très fort. Elles ont plus de mal à retrouver un emploi après une longue interruption ; elles continuent à subir les conséquences de la naissance d'un enfant alors qu'elles devraient être équitablement réparties au sein du couple ; à compétences et à expériences égales, leur salaire est en moyenne inférieur de 10 % à celui des hommes, ce qui est d'autant plus révoltant que les sous-entendus sont nombreux : les femmes seraient moins payées parce qu'elles seraient moins efficaces et qu'il faudrait anticiper les coûts de leurs absences pour s'occuper de leurs enfants, ce qui est inacceptable. Il convient de combattre ces préjugés avec la plus grande fermeté et de prendre de nouvelles décisions. Le Président de la République, nous tous, en avons fait une priorité.

Depuis trois ans, nous avons pris un certain nombre de décisions.

Nous doublons la durée du congé paternité en la faisant passer de 14 à 28 jours – dont 7 jours obligatoires –, avancée importante qui permet de rétablir un équilibre domestique. La loi « PACTE » relative à la croissance et la transformation des entreprises renforce les sanctions applicables aux entreprises dont les conseils d'administration ne respectent toujours pas les quotas de la loi « Copé-Zimmermann », auxquels je rends d'ailleurs hommage. Nous avons également créé une procédure de recrutement paritaire pour les postes des comités de direction afin qu'au moins un homme et au moins une femme restent dans le processus de sélection. Enfin, toujours au titre de cette même loi, nous avons adopté à l'unanimité la proposition de Mme Laure de La Raudière visant à réformer le statut du conjoint-collaborateur afin que ce dernier puisse accéder aux droits sociaux par défaut. Il s'agit d'une réforme fondamentale pour des dizaines de milliers de commerçants et d'indépendants.

En dépit de cette base solide, la situation ne s'améliore pas assez vite, tant en ce qui concerne l'égalité salariale que les postes de direction. Les conseils d'administration ne doivent pas être l'arbre qui cache la forêt : si le taux de présence des femmes dans les comex demeure à 17 %, nous n'aurons pas avancé. Il est regrettable qu'une seule entreprise du CAC 40 soit dirigée par une femme. Nous ne sommes manifestement pas encore parvenus à briser un certain nombre de plafonds de verre. Je ne crois pas que nous puissions le faire en misant simplement sur une progression lente mais durable de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine économique : nous devons faire preuve d'ambition.

L'index « Pénicaud » et les dispositions de la loi « PACTE » sont très importants, mais il est temps de passer la vitesse supérieure et d'entrer dans la logique plus ambitieuse des quotas. Je suis en effet favorable à de tels dispositifs pour qu'un plus grand nombre de femmes accède à des postes de direction dans les plus grandes entreprises françaises. L'AFEP et le MEDEF ont fait des propositions intéressantes dans ce domaine, preuve que les consciences évoluent et que cette approche volontariste est la seule qui paie.

Faut-il se focaliser sur les cadres dirigeants ou les fonctions dirigeantes ? Quels chiffres fixer ? Quelle méthode retenir ? Le point de départ pourrait être la situation des entreprises : dans certaines entreprises de services, par exemple, la proportion de femmes et d'hommes est très équilibrée ; il n'en est pas de même dans les entreprises de l'industrie lourde, compte tenu du faible nombre de femmes ingénieures. Être volontariste, ambitieux, vouloir briser les plafonds de verre ne signifie pas qu'il ne faille pas tenir compte des réalités : il est évident qu'il sera plus difficile de parvenir à la parité dans les comex de l'industrie métallurgique que dans ceux des services à la personne.

Je suis également favorable à une approche inclusive. Il ne sert à rien de se donner bonne conscience en fixant des quotas dans les postes de direction des plus grandes entreprises si, en même temps, nous ne remédions pas à l'inégalité entre les femmes et les hommes dans les formations, notamment, dans l'enseignement supérieur. Si l'on veut que les entreprises de la métallurgie, de l'industrie chimique ou de l'industrie pharmaceutique soient aussi dirigées par des femmes, leur nombre ne doit pas être aussi réduit dans les formations d'ingénieur de haut niveau. Il importe de remédier à ce problème à la racine, en contournant le biais de sélection qui existe dans les formations, en particulier dans l'enseignement supérieur, car c'est là que se cristallisent les choix d'orientation professionnelle. Nous ne pouvons pas nous résigner à des mesures exclusivement symboliques, si importantes soient-elles : il faut prendre des mesures de fond dans ces domaines à mes yeux fondamentaux que sont l'éducation et la culture.

Il convient également d'observer la situation dans l'entreprenariat féminin, notamment, en matière d'accès aux financements : les femmes doivent pouvoir financer leur projet entrepreneurial comme les hommes, or, tel n'est pas le cas. Nombre d'entre elles me disent que les banques ou les fonds d'investissement qu'elles ont contactés leur ont demandé si leur conjoint soutenait leur projet ! Tant que des remarques de ce type perdureront, on sera très loin du compte.

Enfin, je ne vois pas pourquoi nous nous limiterions aux seules entreprises. Les organisations professionnelles et syndicales pourraient aussi se poser la question de l'égalité entre les femmes et les hommes au sein de leurs instances dirigeantes.

En somme, je suis favorable à des décisions rapides, ambitieuses, volontaristes et disruptives. L'égalité entre les femmes et les hommes est un enjeu de société d'autant plus décisif que les femmes sont plus cruellement victimes de la crise économique que nous traversons. Nous n'arriverons à nos fins qu'avec votre propre engagement. Le Gouvernement, seul, ne pourra pas faire bouger les lignes. Votre Délégation et le Parlement ont un rôle essentiel à jouer dans les semaines ou les mois à venir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.