Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mardi 16 février 2021 à 17h15
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

élisabeth Borne, ministre :

Sur la question de l'articulation entre vie professionnelle et vie privée, ma conviction est que les entreprises ont tout intérêt à permettre à l´ensemble de leurs salariés de concilier harmonieusement les deux. Les femmes ne sont pas seules à avoir une vie privée, et nous voyons d´ailleurs de plus en plus d'hommes s'occupant de leurs enfants en garde alternée par exemple. C´est positif, car j´ai pu constater en tant que cheffe d´entreprise que les hommes osent peut-être plus que les femmes s´opposer à des réunions tardives au motif qu'ils doivent aller chercher leur enfant à la crèche. Or l'entreprise gagne à atténuer le niveau de stress de ses salariés. Vous savez que les entreprises de plus de 50 salariés doivent être couvertes par un accord ou un plan d'action sur l´égalité professionnelle, et que cette dernière peut aussi être un thème des négociations sur la qualité de vie au travail. Ce sont donc des sujets dont les entreprises se saisissent. Peut-être pourraient‑elles le faire davantage ? C'est en tout cas dans leur plus grand intérêt.

L'allongement du congé parental, qui sera applicable en juillet prochain, est une bonne mesure pour les enfants – c'est ainsi que nous l'avons pensée avec Adrien Taquet – mais aussi pour les parents. J´ai entendu certains représentants d´entreprises me dire que du coup, ils n'embaucheraient plus d´hommes. Cela laisse rêveur ! S'ils n´embauchent déjà plus de femmes à cause du congé maternité, ça deviendra vite compliqué… On constate en tout cas que le rééquilibrage de l´implication des pères et des mères dans l´accompagnement de l´enfant amène les entreprises à réfléchir différemment lors de leurs processus de recrutement.

Lorsqu´une salariée reprend son activité après une interruption due à un congé maternité, elle a droit à un abondement normal de son compte personnel de formation, qui peut être complété par un abondement prévu par un accord de branche. Je pourrai vous transmettre des informations plus précises afin que la Délégation puisse avoir connaissance des branches qui ont prévu un tel accord. Mais il faudrait sans doute faire plus, surtout pour les femmes qui se sont arrêtées pendant plusieurs années pour élever leurs enfants. Je vous ai dit qu'il y avait très peu de femmes parmi les conducteurs de bus à la RATP, alors que c'est un métier qui peut être proposé à des femmes ayant interrompu leur vie professionnelle. Malheureusement, nous avons eu beaucoup de mal, sans doute à cause de la persistance des stéréotypes, à faire venir ces femmes vers ces métiers.

Dans un contexte de crise qui accélère la mutation prévisible des emplois, il faut accompagner les salariés concernés dans la formation à un nouveau métier. J'ai déjà parlé de Transitions collectives : le fait que des femmes travaillant comme caissière ou agent de propreté puissent suivre une formation de dix-huit mois me paraît très positif. Le financement de cette formation ainsi que sa rémunération pourront être pris en charge jusqu'à 100 % par l´État. Le monde bouge, on se formera de moins en moins à un métier pour toute sa vie. Il me semble absolument fondamental de donner à tous une nouvelle chance tout au long de la vie.

S'agissant de la part des femmes parmi les cadres dirigeants, je retiens de la loi Copé‑Zimmermann que ce qui paraissait impossible est devenu possible, moyennant quelques obligations. Un indicateur spécifique me paraît indispensable : s'il ne s'agissait que d'un des critères de l'index de l'égalité femmes-hommes, dont il ne représenterait que 5 % à 10 % de la note globale, ce ne serait pas à la hauteur de l'enjeu. Cet indicateur aurait les mêmes vertus que le critère de l'index mesurant les écarts de rémunération : toutes les entreprises seraient jugées sur des critères comparables, et cela soulève un enjeu de réputation qu´il ne faut pas sous‑estimer. Des sanctions financières seraient également souhaitables. Elles sont très peu utilisées pour l'instant : depuis l'entrée en vigueur de l'index de l'égalité, on compte 270 mises en demeure, dont 228 pour défaut de déclaration et 32 pour défaut de mesures de correction. Soixante-quatorze sont encore en cours d´instruction et seulement six pénalités ont été appliquées, avec des taux allant de 0,3 % à 1 %, ce qui est le maximum. Or des sanctions financières me semblent très utiles pour les entreprises réfractaires.

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