Je tiens d'abord à vous remercier pour cette invitation, sur ce sujet extrêmement important. Le Gouvernement a agi en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes d'une manière générale et plus particulièrement dans les territoires ruraux où les difficultés sont encore plus intenses. Grande cause du quinquennat du Président de la République, l'égalité entre les femmes et les hommes mobilise tout le Gouvernement. Jamais auparavant la mobilisation de tous les ministères et des acteurs de l'État sur le terrain n'avait été aussi forte. Il s'agit de diffuser la culture de l'égalité dès le plus jeune âge, d'enrayer les inégalités de salaire, de favoriser une meilleure conciliation des temps de vie et de prévenir et combattre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles.
Le Gouvernement s'est engagé partout où les inégalités continuent de s'exercer, à l'école, dans la rue, dans les administrations et les entreprises, dans les transports, dans les médias et dans les territoires ruraux. Ainsi, dans les communes rurales les moins denses, pour reprendre la définition européenne, retenue dorénavant par l'INSEE, 21 % des femmes salariées ont un contrat précaire, contre 13 % dans les communes les plus urbaines.
De la même façon, si les violences faites aux femmes au sein du couple touchent tous les milieux sociaux, la moitié des féminicides, en 2020, ont eu lieu en milieu rural. Ces chiffres importants ont été mis en relief par le drame intervenu dans le Puy-de-Dôme où trois gendarmes ont payé de leur vie le secours apporté à une femme qui sans cela serait morte sous les coups de son mari. Moi qui me déplace beaucoup sur notre territoire et qui ai participé au Beauvau de la sécurité, je tiens à vous dire que nombre de brigades territoriales de gendarmerie et de gendarmeries sont à la pointe de ce combat. Les correspondants des violences faites aux femmes se présentent comme des spécialistes de quelque chose qui est souvent tu en milieu rural. Or, le silence tue en la matière, plus encore qu'en ville.
Vous m'interrogez sur la situation des femmes en milieu rural. La ruralité ainsi que l'égalité entre les femmes et les hommes sont des problématiques complètement transverses. Ces deux enjeux, qui coïncident parfaitement, doivent être appréciés au travers de l'ensemble des politiques publiques du Gouvernement. Je me félicite, à ce titre, de la création du Secrétariat d'État chargé de la ruralité, et de celle du Ministère délégué à l'égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations.
Vous avez cité l'agenda rural, qui reprend les 181 propositions retenues après la crise des gilets jaunes. Celles-ci visent à améliorer concrètement la vie quotidienne des habitants. Cette réponse touche tous les ministères. Les comités interministériels à la ruralité ne décident pas exclusivement de mesures relevant de mon secrétariat d'État, mais celui-ci officie comme « assembleur des politiques publiques ». Cette façon de procéder est la plus adaptée pour faire face aux inégalités structurelles ou géographiques.
À mon arrivée au Gouvernement, j'ai constaté que deux sujets n'étaient pas traités par l'agenda rural : celui de l'égalité entre les femmes et les hommes, en tant que telle, et celui des droits LGBT en milieu rural. L'agenda rural comportait donc des invisibles. J'ai immédiatement pris langue avec ma collègue Élisabeth Moreno pour travailler à des mesures visant ces deux problématiques. La deuxième fera l'objet d'un bonus rural, avec des actions qui seront menées par la direction de la lutte contre les discriminations. Nous les annoncerons à la fin de ce mois.
S'agissant de la première, et notamment des mobilités, que vous avez évoquées, je peux citer l'accès au permis de conduire au travers de simulateurs implantés dans les missions locales ou le réinvestissement des lignes ferroviaires du quotidien, qui concerne sans doute davantage les femmes, les hommes étant souvent détenteurs de l'unique voiture du couple. Les politiques permettant d'améliorer l'attractivité des centres-bourgs sont également intéressantes. Il faut aussi citer les 2 055 antennes de France service – sans doute 2 500 d'ici à la fin d'année – qui doivent favoriser la proximité, y compris pour des services qui n'existaient pas auparavant en milieu rural. Je pense en particulier à Pôle emploi, à la Caisse d'allocations familiales ou à la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail. Désormais, il ne sera plus nécessaire de prendre rendez-vous au chef-lieu d'arrondissement, voire de département, pour y avoir accès. Nous avons œuvré en la matière.
Vous avez également cité la désertification médicale, sujet ô combien important. Un quart des Français vit, en effet, dans un territoire où l'offre de soins peut être qualifiée de médiocre, et un généraliste sur deux est âgé de 60 ans ou plus. Pour répondre à ce défi structurel, nous avons supprimé le numerus clausus, mais les effets de cette mesure ne peuvent pas être immédiats. Nous avons donc pour objectif de limiter les problèmes en attendant qu'elle fasse son œuvre. À cet égard, la crise sanitaire nous a permis, malheureusement, de faciliter le recours à la télémédecine. Nous venons en outre de supprimer le fameux délai de six mois pendant lesquels il fallait justifier d'un médecin traitant et référent pour pouvoir accéder à la télémédecine. Il fallait en somme avoir un médecin pour pouvoir accéder à la télémédecine, ce qui est pour le moins contre-intuitif.
Des conventions sont par ailleurs progressivement passées avec les professionnels paramédicaux. Elles ne sont pas simples à mettre en œuvre s'agissant de professions ordinales. Nous faisons pour les citoyens ce que les présidents de services départementaux et de secours ont mis en œuvre avec les infirmières embarquées face à la difficulté de trouver des médecins.
Soulignons également qu'un millier de maisons de santé ont été créées depuis le début du quinquennat. Des politiques sont menées en faveur de spécialités comme la gynécologie. Les difficultés persistent cependant. Nous avons augmenté la prime des médecins référents des centres hospitaliers universitaires, ce qui leur permet de recevoir un interne en stage pour la dernière année. Le nombre d'heures de ces stages a été revu à la hausse. De telles mesures sont indispensables pour attirer de jeunes médecins dans les territoires ruraux. Le Président de la République, à Bourganeuf dans la Creuse, a pris position, mais les collectivités doivent également aider. En effet, certains médecins ont fait observer que le logement qui leur était proposé ressemblait à celui d'un foyer de travailleur. Or le besoin n'est pas le même pour un apprenti âgé de 15 ans et pour un étudiant en médecine de 25 ans vivant en couple. Les collectivités doivent nous aider, et faire leur le fameux slogan : aide-toi, l'État t'aidera.
Je dois encore mentionner la loi 3DS relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale portée par Jacqueline Gourault, qui a stabilisé juridiquement le salariat de médecins par les collectivités locales. L'expérimentation a notamment été menée en Saône-et-Loire. L'idée est d'implanter des dispensaires accueillant des médecins salariés qui peuvent ensuite exercer à nouveau en tant que libéraux, une fois la patientèle suffisante pour rendre un cabinet solvable. Tout cela a été parfaitement calé juridiquement face à des menaces de recours contre ce statut de médecin salarié. Certains sont d'accord pour être salariés, d'autres ne le seront jamais – chacun voit midi à sa porte.
Les inégalités territoriales découlent également directement des inégalités entre les hommes et les femmes. Les femmes en milieu rural sont simplement confrontées à des difficultés supplémentaires.
Face à ces constats, nous avons travaillé avec Élisabeth Moreno à compléter l'agenda rural. En octobre 2021, nous avons annoncé la mise en place d'une enveloppe d'un million d'euros sur deux ans pour financer un appel à manifestation d'intérêt en deux tranches. Elle permettra de financer des associations œuvrant en matière d'accès au droit – au travers de dispositifs « Aller Vers » –, de repérage des femmes victimes de violence, d'accompagnement s'agissant de santé sexuelle et reproductive, et de développement de permanences. Nous avons également fait de la prévention et de la lutte contre les violences faites aux femmes en milieu rural une priorité au travers du développement des réseaux dits sentinelles. De la sorte, nous impliquons davantage les acteurs et répondons à l'isolement des victimes en renforçant la mise à l'abri et en facilitant l'accès au logement et la mobilité des victimes. Notre troisième priorité est l'autonomie économique et l'insertion professionnelle. La violence n'est pas que physique, elle est également sociale. L'une peut d'ailleurs engendrer l'autre. Des femmes sont accompagnées vers la formation professionnelle et l'emploi au travers de mécanismes innovants visant à dépasser les difficultés relatives à la conciliation des temps de vie.
Le premier appel à manifestation d'intérêt a permis de rendre public, le 21 décembre 2021, le nom des sept associations lauréates. Les projets portent sur la mise en place de permanences, mais aussi de réseaux d'élus en matière d'accès au droit. J'ai été extrêmement ému d'entendre des femmes maires qui se plaignaient de ne pas faire l'objet du même niveau de respect que leurs homologues masculins. Elles sont confrontées à une violence immédiate lorsqu'elles se trouvent en situation d'autorité. Parmi les associations lauréates se trouve l'Association des maires ruraux de France – AMRF – dont la vice‑présidente Dominique Chappuis est très mobilisée sur ce sujet dans son département de l'Yonne.
Pour compléter cette dynamique, notamment au profit des dispositifs « Aller Vers », un deuxième appel à manifestation d'intérêt sera lancé dans les prochaines semaines. Il traite les thématiques du rapport des sénateurs et sénatrices. Nous avons déjà reçu, avec Élisabeth Moreno, la délégation ayant travaillé sur ce sujet. J'ai également pris bonne note de votre rapport qui permettra d'alimenter la démarche. Surtout, nous allons territorialiser les choses en nous aidant des délégués aux droits des femmes au niveau régional. Grâce à cela, nous allons œuvrer plus utilement pour les territoires, en favorisant des associations parfois discrètes, parce qu'intervenant au sein de zones géographiquement limitées. Dès lors que, de ce fait, la démarche sera plus coûteuse que prévu, nous majorerons le budget de 300 000 euros pour le porter à 800 000 euros.
Pour conclure, je dirais que les inégalités entre les femmes et les hommes sont intimement liées aux inégalités territoriales et géographiques. Il y a également là quelque chose de culturel. L'approche transversale apparaît comme la plus pertinente. Par cohérence et par conviction, j'ai donc tenu à ce que l'agenda rural soit complété d'une enveloppe financière spécifique consacrée à cette grande cause.