Intervention de Bruno le Maire

Réunion du mercredi 9 septembre 2020 à 16h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Bruno le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance :

Madame Stéphanie Kerbarh, je vous confirme que l'économie circulaire est un des enjeux importants de ce plan, à la fois directement, avec le soutien à cette économie et indirectement, avec la mise en place d'une filière industrielle très ambitieuse qui pourra bénéficier du soutien du programme d'investissements d'avenir (PIA).

S'agissant de la Chapelle Darblay, vous savez que le groupe VPK, qui n'est pas petit, avait présenté une offre de reprise avant la crise de la Covid-19, avec une conversion de la production de papier journal en carton ondulé. Compte tenu de la Covid-19, ce groupe a été fragilisé et a dû renoncer à son projet. Cela fait partie, hélas, des aléas de la vie économique et des retournements liés à la crise de la Covid-19. Un accord majoritaire sur un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) a été validé le 15 juillet. Nous sommes maintenant mobilisés à la fois pour la reconversion des salariés concernés par le PSE, mais également pour la relance de l'activité papetière dès que les conditions économiques le permettront. Je partage totalement votre analyse ; je considère que la Chapelle Darblay a un avenir, que ce site a des atouts réels. Comme je l'ai fait à plusieurs reprises, par exemple dans la métallurgie avec Ascoval, je me battrai jusqu'au bout pour offrir un avenir à ce site de papeterie. S'agissant du suramortissement, je vous confirme qu'ils peuvent bénéficier de ces mesures.

Madame Valérie Beauvais, sur le crédit d'impôt à haute valeur environnementale, le choix qui a été fait est de le maintenir uniquement au niveau 3. Je connais les débats sur ce sujet. L'intérêt de le maintenir à ce niveau est de conserver un niveau d'exigence plus élevé, avec des critères plus stricts. Nous avons fait un choix environnemental ; je vois bien l'intérêt qu'il pourrait y avoir à l'élargir au niveau 2, mais nous voulons garder des critères exigeants, et je pense qu'il est préférable de le maintenir au niveau 3.

Madame Sandra Marsaud, Verallia est une entreprise que nous suivons de près. Issue de la branche emballages de Saint-Gobain, leader dans le secteur de l'emballage en verre, Verallia est confrontée à une chute de ses activités et a engagé un plan de restructuration qui implique 150 suppressions de postes pour ajuster sa capacité de production en France et améliorer sa performance industrielle. Effectivement, ce plan implique la fermeture d'un four sur le site de Cognac, où 80 emplois seront supprimés. Pour le coup, c'est un four qui était en fin de vie. Si nous voulons que Verallia arrive à rebondir après la crise actuelle, il nous semble préférable de poursuivre ces adaptations afin de lui permettre de repartir du bon pied.

Monsieur Vincent Descoeur, je confirme que la simplification des procédures est un enjeu absolument majeur. Toute la difficulté sera de trouver le bon équilibre entre la simplification des procédures pour accélérer le décaissement des 100 milliards d'euros du plan de relance, qui sont un vrai défi, et le respect de règles environnementales auxquelles nous sommes tous attachés. J'ai fixé un objectif ambitieux de 30 % de décaissement en 2021. Nous sommes en train de travailler sur ce sujet et je ferai prochainement des propositions au Premier ministre avec Mme Barbara Pompili. Si nous voulons accélérer la transition écologique, il faut aussi simplifier un certain nombre de procédures pour aller plus vite.

Madame Sophie Panonacle, je souligne que l'ambition est maintenue sur la question portuaire et maritime. Nous avons prévu dans le plan de relance 200 millions d'euros spécifiquement consacrés à l'activité portuaire, avec notamment des dispositifs sur l'électrification des quais et sur l'intermodalité ferroviaire, qui est absolument essentielle pour réussir cette politique maritime.

Monsieur Patrick Loiseau, est-ce qu'il y aura une marge de manœuvre des collectivités locales ? C'est une question absolument fondamentale dans l'exécution du plan de relance. Ce plan réussira si tout le monde joue le jeu et si nous travaillons dans une approche collective avec les organisations syndicales, les organisations patronales, les fédérations professionnelles – que je recevrai de manière très régulière pour m'assurer que le plan avance dans de bonnes conditions – ainsi qu'avec les élus locaux. Je pense ici notamment aux régions, qui ont la compétence économique, et aux mairies, qui porteront un certain nombre de projets, notamment en rénovation énergétique des bâtiments publics ou en valorisation des transports « doux ».

Nous avons annoncé la nomination de sous-préfets à la relance. Il faut que dans chaque département, ces sous-préfets puissent aller recueillir les projets des mairies et accélérer leur mise en œuvre. Là aussi, la question m'est beaucoup posée : nous n'allons pas retenir uniquement de nouveaux projets, car si nous attendons que de nouveaux projets émergent sur la base de ce plan de relance, le quinquennat sera fini avant que nous ayons engagé un seul euro. Je préfère retenir des projets qui sont déjà « dans les tuyaux », pour lesquels les appels d'offres sont prêts, voire ont été passés, pour lesquels les études d'impact et environnementales ont été réalisées, des projets qui n'attendent qu'un financement pour démarrer. Nous allons prendre ces projets, accélérer leur mise en œuvre, nous assurer de leur compatibilité avec notre ambition environnementale, et donc accélérer les milliers de projets à travers la France qui étaient à court de financement et qui pourront être soutenus par le plan de relance. Nous visons l'efficacité économique et environnementale. Je préfère donc, une fois encore, reprendre des projets existants en mal de financement plutôt que de vouloir à tout prix attendre des projets nouveaux. Ce qui compte, c'est que l'activité économique redémarre et que l'on accélère la transition écologique dans notre pays. Les collectivités locales seront donc par définition directement associées à la mise en œuvre du plan.

De manière encore plus technique, certaines lignes du plan de relance sont directement entre les mains des collectivités locales – je pense par exemple à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), à laquelle nous avons dédié un milliard d'euros. Ce milliard d'euros est bien à disposition des collectivités locales.

Madame Danielle Brulebois, je rappelle que tous les projets de relocalisation industrielle visent à renforcer notre indépendance vis-à-vis de la Chine et de l'Asie de manière générale. Il ne s'agit pas de relocaliser toutes les activités industrielles en France ; nous n'y arriverions pas, et ce serait vendre des illusions aux Français. Mais un certain nombre d'activités peuvent l'être, notamment des activités critiques pour les Français – je pense premièrement aux principes actifs de médicaments. Les Français ne peuvent pas accepter que nous dépendions totalement de l'Asie pour ces principes essentiels, par exemple en matière d'anesthésie ou pour des traitements courants. Nous allons donc faire le nécessaire pour nous doter en France des procédures de fabrication de ces principes actifs.

Pour prendre un deuxième exemple, nous pouvons citer les technologies dont dépend la valeur de chaînes industrielles entières. Prenez une voiture électrique : nous allons passer du XXe siècle avec ses voitures thermiques, au XXIe siècle avec ses voitures électriques, et la transition, comme toujours, ira beaucoup plus vite que prévu, contrairement à tous ceux qui prédisent qu'elle sera lente et progressive. Non allons être surpris par sa vitesse dès qu'il y aura des bornes électriques en nombre suffisant, que le prix du véhicule électrique aura baissé – car il reste très élevé, même pour de petits véhicules, même avec la prime de 7 000 euros apportée par le Gouvernement français. Le nombre de ventes va exploser comme il l'a déjà fait au cours des six derniers mois. 45 000 véhicules de ce type ont ainsi été vendus en l'espace de quelques mois. Mais à quoi sert-il de vendre des véhicules électriques en France si le tiers de la valeur de chaque voiture, c'est-à-dire la batterie, est produit en Chine ou en Corée du Sud ? C'est une ineptie économique. Nous avons donc décidé de rapatrier la production de batteries électriques en France. Nous le faisons sur la base d'un projet franco-allemand auquel sont désormais associés d'autres pays comme la Pologne. Nous avons une usine pilote qui a été ouverte à Nersac, en Nouvelle-Aquitaine, et qui fonctionne. La première usine de production de masse de batteries électriques ion-lithium liquide de France ouvrira courant 2022. C'est la preuve que nous pouvons réussir cette relocalisation, que c'est une question de volonté et de capacité à poser une vision industrielle pour le pays.

Veuillez m'excuser pour la longueur de mes réponses, je vous propose de prendre toutes les questions en suspens sous forme écrite et j'y répondrai dans les meilleurs délais.

Monsieur Emmanuel Maquet, la question de la dette est absolument majeure. Nous avons fait le choix stratégique de soutenir l'emploi et nos entreprises face à une crise d'une brutalité sans équivalent. Cela représente 460 milliards d'euros déjà mis sur la table. Nous faisons le deuxième choix de la relance par 100 milliards d'euros de dépense publique, que nous assumons.

En revanche, il faut être très clair vis-à-vis des Français, contrairement à ce que j'entends ces derniers temps sur les chaînes de télévision. Chacun y prend position, comme il se doit en démocratie. J'entends certains responsables politiques – j'écoutais M. Adrien Quatennens il y a peu de temps dire « On ne remboursera pas la dette ». Nous rembourserons notre dette et il est essentiel que le ministre des finances français garantisse qu'il va la rembourser, sans quoi nous risquons de nous trouver à court d'investisseurs. La question est de savoir quand et comment nous comptons la rembourser, et tout d'abord de séparer la dette liée à la crise sanitaire du reste de la dette. Nous allons ainsi cantonner cette dette et en étaler le remboursement jusqu'à 2042, c'est-à-dire sur vingt ans, en retenant exactement le même calendrier que l'Allemagne.

Nous la rembourserons en premier lieu par le retour de la croissance, puisque nous souhaitons avoir le même niveau de développement économique début 2022 que celui que nous avions avant la crise. À ce sujet, je rappelle à tous les esprits chagrins que nous avions alors l'une des meilleures performances économiques de la zone euro. En deuxième lieu, nous souhaitons rembourser cette dette en conservant un principe de responsabilité des finances publiques. Avec le Premier ministre, nous avons refusé d'augmenter le nombre d'emplois publics dans la fonction publique d'État en 2021. Il s'agit d'un choix courageux, car en période de crise économique caractérisée par un grand nombre de suppressions d'emploi, la facilité est de répondre à cette crise conjoncturelle par des embauches structurelles payées sur cinquante ans. Je pense que cela aurait été une erreur. La troisième façon de rembourser cette dette est de maintenir des réformes de structure. Nous allons ainsi poursuivre la réforme d'Action Logement et vous connaissez mon attachement à la réforme des retraites, que je considère indispensable pour garantir l'équilibre financier et la justice de notre système de retraites par répartition.

Voilà mes convictions : ce n'est pas parce que nous dépensons pour soutenir les entreprises et les salariés que nous mettons en place un système « open bar ». Nous avons fixé des règles de fonctionnement, des principes de décaissement de ces 100 milliards d'euros et des orientations stratégiques. Nous investissons, nous ne finançons pas du fonctionnement.

Madame Sandrine Le Feur, je sais que Hop! suscite beaucoup de réactions locales d'inquiétude légitime. Je tiens à saluer le travail que vous réalisez pour y répondre et pour essayer de construire des solutions. Je rappelle qu'il n'est pas prévu de suppressions de postes d'ici 2023. Nous avons demandé à ce que des propositions adaptées soient formulées auprès des salariés s'agissant des mutations, des aides à la mobilité, du télétravail, quand cela est possible, et que des solutions locales soient trouvées. Nous ne connaissons pas encore les solutions définitives, mais Air France y travaille. Nous avons aussi renouvelé auprès d'Air France le rappel d'associer l'ensemble des acteurs, et bien entendu les élus, aux réflexions pour trouver des solutions concrètes et acceptables. On ne peut pas réussir en séparant, mais bien en rassemblant les acteurs. C'est ce que nous demandons à Air France, et nous continuerons à suivre de très près le développement du tissu industriel aéronautique et la situation spécifique de Hop! à Morlaix.

Enfin, l'île de La Réunion a énormément d'atouts en matière de transition écologique. Je considère donc qu'on peut y porter de magnifiques projets dans des secteurs extraordinairement divers. J'ai eu l'occasion de m'y rendre à plusieurs reprises pour voir des projets de ce type. Nous sommes prêts à les soutenir et toutes les propositions des élus seront les bienvenues.

Je vous remercie.

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