Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mardi 15 septembre 2020 à 17h25
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique :

Merci, madame la présidente. Mesdames et messieurs les députés, bonjour à toutes et à tous.

Comme vous le savez, je suis particulièrement attachée aux travaux parlementaires et tout particulièrement à ceux de cette commission. Je suis donc vraiment très heureuse d'être ici devant vous pour que nous puissions échanger sur les multiples dossiers que j'ai à gérer en tant que ministre de la Transition écologique. Je suis effectivement très heureuse de pouvoir intervenir en premier lieu devant la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, une commission que j'aime particulièrement.

Je sais, puisque nous l'avons évoqué pendant des années, que nous partageons tous ici le même sens de l'urgence. Notre pays traverse une crise inédite, une crise à la fois sanitaire, économique, sociale et écologique. Je crois que ces crises se recoupent et que nous pouvons y apporter des réponses conjointes, pour notre planète et pour nos concitoyens.

À la tête de ce grand ministère de la Transition écologique, j'entends bien mener de front toutes ces batailles pour une écologie de progrès, une écologie pragmatique, une écologie de terrain, une écologie qui croit dans les immenses atouts des territoires et de nos concitoyens.

Pour guider ce travail immense, j'ai deux priorités absolues. La première est de baisser nos émissions de gaz à effet de serre pour atténuer le changement climatique. La seconde est de préparer notre pays à faire face aux conséquences de ce changement.

Ces conséquences sont déjà présentes. Nous les voyons dans notre quotidien avec les canicules comme les inondations. Je pense également à nos élus de montagne et à cette neige de plus en plus rare qui remet en cause l'équilibre économique des stations de ski. Fermer les yeux serait une faute, devant les Français et devant l'histoire. Je m'y refuse.

Ces deux priorités, mesdames et messieurs les députés, sont autant de chantiers concrets à faire avancer au quotidien et autant de défis à relever. Je dois dire que l'agenda des mois qui viennent est particulièrement chargé. Plusieurs chantiers majeurs vont nous occuper.

Le premier est évidemment le déploiement du plan de relance. Vous le savez, ce plan de 100 milliards d'euros pour redémarrer notre économie est un grand bond en avant pour la transition écologique. 30 milliards lui sont spécifiquement dédiés, mais je tiens à dire tout de suite que l'écologie ne constitue pas seulement un tiers du plan, comme nous avons pu le lire parfois. Au-delà des actions qui vont être pilotées spécifiquement par mon ministère, l'écologie irrigue l'ensemble du plan de relance avec, par exemple, l'appui à la relocalisation des industries qui baissera forcément leur empreinte écologique et donc leurs émissions de gaz à effet de serre. Le plan apporte également un soutien à la recherche, à l'innovation, au développement des compétences, au développement de nouvelles filières ainsi que, par exemple, à la rénovation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et des hôpitaux. Cela ne fait pas partie des 30 milliards, mais aura, forcément, des conséquences très bénéfiques sur les émissions de gaz à effet de serre de ces bâtiments. Toutes ces mesures concourront à la transformation écologique de notre pays.

Avec ces moyens inédits, nous allons donc enfin placer notre pays sur la trajectoire de la neutralité carbone. Concrètement, cela signifie décarboner notre économie. C'est le premier volet de ce plan de relance.

À eux seuls, l'industrie, l'agriculture, les transports et le bâtiment représentent 80 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Nous allons donc agir sur chacun de ces secteurs.

Pour l'industrie, dont les émissions ne baissent pas assez vite, nous consacrons 1,2 milliard d'euros sur deux ans pour agir très vite, dès aujourd'hui, en accélérant la décarbonation des industries, en accompagnant le déploiement de solutions qui sont déjà matures et en investissant dans l'innovation pour la maturation d'autres solutions. Bien sûr, il ne s'agit pas de réduire nos émissions en délocalisant ; cela n'aurait strictement aucun sens. C'est pourquoi nous travaillons au niveau européen à un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières pour lutter contre les fuites de carbone.

Ce plan est également un grand coup d'accélérateur pour la rénovation écologique des bâtiments. Emmanuelle Wargon et moi y travaillons ensemble. Près de 7 milliards d'euros y sont consacrés dans le plan de relance en plus des crédits habituels, dont 4 milliards pour les bâtiments publics et 2 milliards pour accélérer la rénovation globale des logements et accompagner bailleurs comme copropriétés. Concrètement, nous allons bonifier Ma Prime Rénov en la rendant plus accessible et ouverte à tous les Français dès le 1er janvier prochain. À ces 6 milliards – soit 4 + 2 – s'ajoutent 500 millions d'euros pour rénover le parc social et 200 millions pour accompagner les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME).

Ces 30 milliards d'euros permettent aussi un investissement inédit de près de 11 milliards d'euros dans le secteur des transports, dont près de la moitié pour le ferroviaire – les petites lignes et le fret –, sans oublier les transports en commun. Les mobilités du quotidien en particulier bénéficient de 1,2 milliard d'euros. Je pense bien sûr également à la « petite reine » du déconfinement, le vélo. Avec Jean-Baptiste Djebbari, nous avons présenté hier le renforcement du Plan vélo : 200 millions d'euros de plus pour construire des pistes et des stationnements sécurisés ainsi qu'un renforcement de plus de 20 millions d'euros du Coup de Pouce Vélo qui a déjà permis 620 000 réparations en quelques mois. Bien sûr, nous allons continuer d'aider nos concitoyens à acheter des véhicules moins polluants, multiplier les bornes de recharge, accélérer la recherche et le développement dans les domaines de l'automobile et de l'aérien pour aller vers une mobilité bas carbone.

Le plan de relance est aussi un grand coup d'accélérateur pour faire émerger une filière française de l'hydrogène décarboné. C'est l'une des grandes révolutions de notre siècle. Notre pays a fait depuis 2018 le choix de soutenir la filière, mais, maintenant, nous devons changer d'échelle et faire de la France une nation de l'hydrogène. 7 milliards d'euros sont mobilisés durant la décennie pour accélérer massivement les investissements.

Nous allons également amplifier la transition agricole ; 1,2 milliard d'euros y sont dédiés pour développer une alimentation plus saine et locale, pour accélérer le renouvellement des équipements agricoles, pour réduire l'utilisation des pesticides ainsi que pour aider nos forêts à s'adapter au changement climatique. Nous travaillons à tout cela main dans la main avec Julien Denormandie.

Décarboner pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre en agissant sur tous les leviers est donc au premier rang des priorités.

Avec France Relance, nous allons également accélérer sur d'autres chantiers essentiels, notamment ceux favorables à la biodiversité. Je pense par exemple à la gestion de la ressource en eau, cette ressource précieuse et souvent trop rare. Nous mettons 300 millions d'euros sur la table pour moderniser nos réseaux d'eau, en métropole comme dans les outre-mer.

Un deuxième chantier essentiel que nous accélérons est celui de la lutte contre l'artificialisation, qui engloutit la nature sous le béton, étend les villes et fracture le lien social. Nous avons décidé en juillet d'un moratoire sur les zones commerciales implantées sur des terrains non encore artificialisés. Avec les 300 millions d'euros prévus, nous allons maintenant réhabiliter les friches, reconquérir les espaces perdus et encourager les élus à adopter une véritable sobriété foncière. 350 millions d'euros sont mis sur la table pour les accompagner dans ce sens. Notre objectif à moyen terme est ambitieux : diminuer de 50 % le rythme d'artificialisation d'ici 2030. Je sais que nous pouvons y parvenir.

Le plan de relance est aussi l'occasion d'accélérer pour sortir du modèle linéaire « fabriquer – consommer – jeter ». L'économie circulaire permet de ne pas consommer des ressources rares, d'éviter des émissions de carbone et des déchets. Nous mobilisons donc 570 millions d'euros pour accélérer la transformation de notre économie vers un modèle plus circulaire : développer le tri, l'incorporation de matières recyclées, créer des ressourceries ou valoriser les biodéchets.

La mise en œuvre de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) sera également l'occasion de soutenir le développement de l'économie circulaire. Il n'est plus nécessaire de présenter cette belle loi dans cette commission. Nous y avons beaucoup contribué lorsque je siégeais parmi vous. C'est le fer de lance de l'économie de demain et elle nous permettra de sortir du plastique jetable, de lutter contre toutes les formes de gaspillage. Elle interdit de jeter les invendus. Elle permet d'informer les consommateurs sur la réparabilité des produits qu'ils achètent. Elle lutte contre l'obsolescence programmée. Elle place l'écoconception au cœur des entreprises. Vous pouvez compter, vous le savez, sur ma totale détermination à mettre en œuvre toutes ces avancées concrètes que nos concitoyens attendent depuis déjà trop longtemps.

Comme vous le voyez, la relance, ce premier chantier des mois à venir, est donc dense et exigeante, mais le jeu en vaut la chandelle. Les experts de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) nous disaient qu'il manquait entre 15 et 18 milliards d'euros chaque année d'ici 2023 pour engager notre pays vers la neutralité carbone. C'est exactement ce que nous faisons. Nous tournons le dos à la vieille économie carbonée du XXe siècle et nous entrons résolument dans la trajectoire de l'accord de Paris.

Il ne vous aura pas échappé que de nombreuses mesures de ce plan ambitieux répondent déjà aux propositions des 150 citoyens de la Convention pour le climat : sur le ferroviaire, sur le vélo, sur la rénovation, mais aussi sur l'électrification des ports, le soutien à l'économie circulaire, le développement de l'hydrogène ou encore la transition agricole. La mise en œuvre des propositions de la Convention citoyenne sur le climat est le deuxième grand chantier des mois à venir.

150 citoyens ont travaillé pendant neuf mois, sans compter leurs heures, malgré les grèves et malgré la pandémie. Ils ont produit un travail remarquable. Nous allons le mettre en œuvre comme le Président de la République s'y est engagé. Le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement y travaillent et j'en serai garante.

Les premières mesures ont déjà été adoptées depuis juillet. Je pense à l'interdiction des terrasses chauffées dès la fin de l'hiver 2021 ou à l'interdiction d'installer des chaudières neuves au fuel ou au charbon, que ce soit dans les nouvelles constructions ou les rénovations.

Nous avons maintenant devant nous plusieurs grandes échéances pour continuer. Mon ministère et l'ensemble du Gouvernement travaillent en ce moment sur le projet de loi dédié. À cet exercice démocratique inédit, nous répondons par un dispositif inédit. Pour la première fois, des citoyens et des parlementaires travaillent avec les administrations pour échanger sur ce projet de loi pendant sa phase de construction, et je m'en réjouis. Après les consultations obligatoires, je souhaite présenter le projet de loi en Conseil des ministres d'ici la fin de l'année.

C'est un calendrier serré ; j'en ai conscience, mais j'y tiens, car nous n'avons plus une minute à perdre pour répondre à l'urgence écologique. Je souhaite donc que le Parlement puisse examiner le projet de loi dès le premier trimestre de l'année 2021.

En ce qui concerne la révision constitutionnelle, nous allons établir une feuille de route avec le ministère de la Justice afin qu'elle puisse être étudiée au Parlement au plus vite. Nous allons travailler, comme le Président de la République s'y est engagé, sur la notion d'écocide avec les membres de la Convention citoyenne. Les échanges ont déjà commencé et se poursuivront avec les représentants de la Convention, le ministère de la Justice et les services de mon ministère.

Enfin, au-delà du plan de relance et de la Convention citoyenne, je voudrais évoquer devant vous plusieurs autres chantiers des mois à venir.

Je pense d'abord au déploiement de la transition écologique dans les territoires. Les fameux contrats de transition écologique rencontrent un grand succès. Plus de 250 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) représentant 10 millions de Françaises et de Français sont couverts par au moins un contrat de ce type. Ce sont des projets de territoire qui rassemblent et transforment en profondeur le quotidien des Français. Nous devons amplifier le mouvement.

Comme vous l'avez entendu lors de son discours de politique générale, le Premier ministre a décidé de généraliser des contrats de relance et de développement écologique (CRDE). Ils offriront un cadre unifié de contractualisation au niveau des EPCI ou groupes d'EPCI. Ces CRDE seront l'incarnation territoriale de la transformation écologique poussée par le Gouvernement.

Poursuivre l'action déjà engagée par le Gouvernement est également mon ambition pour la transition énergétique. Durant le confinement, la Programmation pluriannuelle de l'énergie et la nouvelle stratégie bas carbone ont été publiées. Il faut maintenant les mettre en œuvre.

Nous devons poursuivre le développement des énergies renouvelables pour atteindre les objectifs de diversification du mix que nous nous sommes fixés, en particulier atteindre 27 % d'électricité renouvelable en 2023. Nous devons également préparer les décisions à prendre en 2022-2023 sur l'avenir du parc nucléaire afin de permettre un choix démocratique.

Renforcer la sécurité des sites industriels est aussi une de mes priorités dans les mois qui viennent. Un an après l'accident de Lubrizol, j'annoncerai la semaine prochaine un renforcement des prescriptions réglementaires applicables aux sites Seveso et une augmentation de 50 % des contrôles pour garantir la sécurité des Français.

Par ailleurs, mon ministère est au travail pour élaborer le futur plan national santé environnement qui sera présenté d'ici la fin de l'année. Ce plan a pour vocation d'identifier les perturbateurs endocriniens, de maîtriser notre niveau d'exposition et d'assurer à tous nos concitoyens que l'air qu'ils respirent est un air de qualité. Il est temps en effet de mettre fin au dépassement chronique des normes de qualité de l'air. Nous allons donc déployer d'ici la fin de l'année dix zones à faibles émissions, en lien avec les élus concernés.

La biodiversité est également au cœur de notre combat. L'urgence du vivant et celle du climat étant liées, nous allons travailler avec Bérangère Abba dans les mois qui viennent sur plusieurs leviers très concrets. Nous souhaitons d'abord atteindre d'ici 2022 une part de 30 % d'aires terrestres et marines protégées, dont un tiers en protection forte. C'est un engagement fort qu'a pris le Président de la République, et nous le tiendrons.

Il nous faut aussi réviser notre stratégie nationale biodiversité, anticiper le recul du trait de côte et accompagner les transitions des territoires concernés pour amplifier la lutte contre l'artificialisation. Sur tous ces chantiers majeurs, nous serons au rendez-vous.

Trois derniers chantiers figurent dans ma liste de priorités. Le premier consiste à réduire l'usage des phytosanitaires. Mon objectif est de renforcer la protection des populations en interdisant leur utilisation dans tous les lieux de vie, de mettre fin à l'usage du glyphosate lorsque des alternatives sont identifiées –vous pouvez compter sur moi pour mettre un grand coup d'accélérateur sur la recherche d'alternatives ! – et de mieux protéger les pollinisateurs en encadrant strictement les épandages en période de floraison.

L'avant-dernier chantier dont je souhaitais vous parler aujourd'hui concerne le bien-être animal. Comme pour tous les chantiers que j'ai abordés, notre pays a changé d'état d'esprit. Une véritable prise de conscience a lieu et nous devons y répondre. Le plan de relance prévoit 250 millions d'euros pour encourager l'élevage en plein air et plus largement améliorer le bien-être animal, mais nous devons aussi nous préoccuper de la faune captive sauvage. De plus en plus de maires prennent des arrêtés interdisant certaines pratiques, au sein des cirques notamment. Je crois que l'époque a changé et nous devons travailler activement à un plan de transition en faveur du bien-être de la faune sauvage captive. J'aurai l'occasion d'y revenir dans les prochaines semaines.

Enfin, je souhaite vous dire que l'ambition que nous portons et toutes les actions que nous mettons en place sont autant de gages de crédibilité à l'international. Oui, notre exigence et notre exemplarité nous donnent de la force dans les grands rendez-vous internationaux qui s'annoncent. L'année prochaine, à Marseille, à Glasgow, en Chine, nous aurons l'occasion de briser une forme d'inertie internationale en rehaussant notre ambition climatique, en protégeant la biodiversité sur les cinq continents et toutes les mers, en bref en faisant prendre une autre trajectoire à notre planète.

Comme vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, pour le dire simplement, l'agenda est plein à craquer ! Pourtant, chacun de ces chantiers dont je vous ai parlé est une priorité pour moi, car l'écologiste que je suis sait que nous n'arriverons à un résultat qu'en agissant sur tous les leviers en même temps. Nous n'y arriverons évidemment qu'en travaillant ensemble et je vous remercie donc encore pour votre invitation. Je me réjouis de notre échange et je suis maintenant à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

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