Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mardi 15 septembre 2020 à 17h25
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique :

Je vous remercie pour vos nombreuses interventions et je remercie tous ceux qui m'ont encouragée et m'ont adressé des messages de félicitations. Je peux vous dire que je suis aux manettes et que j'ai bien l'intention de travailler à répondre à tout.

Laurianne Rossi m'a interpellée sur les modalités opérationnelles de la mise en place du plan de relance. Le principe est celui d'une mise en place au niveau territorial. Il s'agit de faire remonter les projets.

Nous avons donc lancé un appel et je compte sur vous, parlementaires, pour relayer cet appel auprès des collectivités de votre circonscription. C'est le moment de leur dire : « Vous avez une école qui a besoin d'être rénovée et cela traînait par manque de moyens. Les moyens sont là, allez-y, transmettez les demandes et vous pourrez obtenir des financements. » Le principe est vraiment celui-là.

Sur qui allons-nous nous appuyer pour mettre en place toutes ces mesures du plan de relance ? Évidemment, nous solliciterons les services de l'État, les services préfectoraux, mais aussi nos opérateurs. Ainsi, pour les questions de rénovation, nous passerons par exemple par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et, pour les questions d'assainissement, par les agences de l'eau.

Des éléments très précis vous seront transmis. Ils sont en train d'être finalisés pour que vous puissiez orienter tous les interlocuteurs des territoires afin qu'ils nous fassent remonter leurs besoins. Ce n'est pas à nous de les identifier à leur place. La logique est vraiment celle du « bottom-up » – un terme que je n'aime pas.

En ce qui concerne les contreparties, la confiance n'exclut effectivement pas le contrôle, je suis parfaitement d'accord. Certaines choses sont assez faciles. Dans le cas des appels à projets, nous vérifions que les projets sont conformes aux objectifs du plan de relance et, dans le cas contraire, ils ne seront pas suivis d'effets. De la même manière, si des projets sont validés, mais sans être correctement mis en place, nous affecterons leur budget à d'autres projets. Il est important de bien avoir en tête que nous aurons beaucoup d'appels à projets.

J'entends bien que, derrière cette question, se pose le problème de l'écoconditionnalité. Mais cela concerne moins ma partie, qui sera l'opérationnel, que les aides qui peuvent bénéficier à des secteurs, par des baisses d'impôts par exemple. Un travail a été commencé lors du troisième projet de loi de finances rectificative auquel j'avais activement contribué. Une mission parlementaire est en cours et j'en attends avec impatience les résultats. Parallèlement, nous sommes en train de travailler à un certain nombre d'actions que nous pourrons vous proposer. Elles sont en cours d'arbitrage interministériel. Vous imaginez bien que je suis force de proposition et je ne doute pas de convaincre tous mes collègues. Mais il me semble que nous sommes à peu près tous d'accord, au Gouvernement, sur le fait qu'il faut avoir une manière de vérifier que les stratégies proposées par les entreprises correspondent bien à la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et qu'il faut faire en sorte que tout le monde s'y tienne. Sinon, effectivement, nous « arrosons le sable » et je pense que nous ne pouvons pas procéder ainsi avec l'argent du contribuable.

Sur la pollution sonore, des mesures pourront être financées par le plan de relance, notamment des murs antibruit. Nous sommes aussi en train de travailler sur la question des radars sonores : ceux-ci sont une manière de faire comprendre aux utilisateurs de certains deux-roues, par exemple, que modifier le pot d'échappement ne sera pas rentable et leur posera des problèmes. Nous sommes actuellement en discussion avec le ministère de l'Intérieur. C'est un sujet qui me mobilise, vous pouvez compter sur moi.

Vous dites, Jean-Marie Sermier, que l'environnement doit nous réunir. J'ai donné des gages sur ce point lorsque j'étais présidente de cette commission et je vous les redonne maintenant, ainsi qu'à Sophie Auconie. Nous devons travailler ensemble, nous avons besoin de tout le monde. Cette cause nous concerne tous. Je serai donc, je m'y engage devant vous, toujours à votre écoute sur les propositions que vous pouvez faire, sur les évolutions que vous pouvez envisager. Ce n'est pas difficile à faire, vous savez que je l'ai déjà fait et je continuerai. Venez me voir, la porte est ouverte et vous aurez toujours une oreille attentive. Nous porterons ensemble toutes les bonnes initiatives que nous pouvons porter ensemble. Je vous le dis à vous, parlementaires, mais aussi à tous les élus locaux. Tous ceux qui veulent mettre en place des politiques écologiques ambitieuses m'auront à leurs côtés, ainsi que le Gouvernement. Nous ne pouvons pas nous permettre de vaines bagarres politiciennes sur des sujets aussi importants.

Au sujet du crédit sur les futures générations, nous souhaitons que le plan de relance permette de préparer l'économie de demain et donc de travailler à créer des emplois vers lesquels pourront se tourner nos jeunes et les générations futures. Nous savons que la transition écologique est une transition économique forte. C'est une révolution économique. Des emplois finiront donc forcément par disparaître parce qu'ils y ont vocation, tandis que d'autres vont naître. L'idée du plan de relance n'est évidemment pas de changer le monde en deux ans, mais d'essayer de stimuler de nouvelles filières qui permettront de créer ces emplois à l'avenir, que ce soit dans l'agriculture durable, l'agroécologie, dans la stratégie hydrogène ou, aussi, dans la rénovation des bâtiments.

Tout le monde parle de « rénovation thermique », mais personnellement je préfère les termes de « rénovation écologique ». Pourquoi ? La rénovation thermique n'a pour but que de changer votre étiquette énergétique, de vous faire passer de E, F ou G à A, B ou C, c'est-à-dire d'avoir une meilleure efficacité énergétique du bâtiment. C'est très bien et il faut le faire, car nous diminuons ainsi nos émissions de gaz à effet de serre et nous luttons contre la précarité énergétique.

Toutefois, je dis « écologique » parce qu'il faut aussi en profiter pour encourager des filières qui commencent actuellement à se développer, mais ne sont pas encore complètement matures. Je pense à des filières de matériaux par exemple : utiliser du lin, du chanvre, du bois, développer la filière bois, qui l'est aujourd'hui trop peu dans notre pays. Tout cela permet de créer localement des emplois, d'utiliser des matières qui sont très intéressantes d'un point de vue énergétique et écologique. De nouvelles filières apparaissent, des formations ont lieu et ce sont pour nos jeunes des perspectives pour trouver des emplois. Ce seront de plus des emplois de circuits courts, également bénéfiques pour l'environnement.

Jean-Marie Sermier m'a interrogée sur la priorité climat. Aujourd'hui, le réchauffement climatique ne peut pas être traité à part de la question de la biodiversité notamment. Nous le voyons bien. Lorsqu'il y a en ville des îlots de chaleur, vous passez à côté d'une partie des solutions en ne remettant pas de la nature en ville. L'agriculture a beaucoup de problèmes actuellement à cause des sécheresses, à cause des inondations, à cause des coulées de boue comme dans mon département de la Somme. Tout cela est dû aussi à la suppression des haies. Si nous remettons des haies, ce qui sera financé dans le plan de relance, si nous remettons de la biodiversité, si nous protégeons les zones humides, nous allons aussi atténuer les effets du changement climatique. Tout est lié, comme je le disais dans mon discours introductif, et je ne peux donc pas faire l'un sans l'autre puisque, lorsque nous tirons un fil, nous nous rendons compte que tout se dénoue.

Enfin, en ce qui concerne les autres pays, nous ne sommes qu'une partie du problème, mais nous ne pouvons pas passer notre temps à donner des leçons au monde entier si nous ne sommes pas capables nous-mêmes de travailler sur nos émissions de gaz à effet de serre. Nous avons un système électrique peu émetteur de gaz à effet de serre, mais, par contre, nous ne sommes pas performants dans les domaines des transports, de l'industrie, de l'agriculture et du bâtiment. Il nous faut travailler sur ces secteurs pour pouvoir tenir la dragée haute à nos interlocuteurs dans les rendez-vous internationaux importants.

Patrick Loiseau, vous avez parlé de la start-up Lhyfe pour l'hydrogène vert. Voir ce qui est en train de se faire m'intéresse et nous pourrons en rediscuter. Invitez-moi !

L'hydrogène ne résoudra pas tous les problèmes du monde. Je suis personnellement persuadée qu'il n'existe pas une seule solution au problème du réchauffement climatique. L'hydrogène peut être un secteur intéressant à développer. Malheureusement, l'hydrogène est trop souvent fabriqué aujourd'hui à partir d'énergies fossiles. Nous avons donc toute une industrie à mettre en place, notamment de gros électrolyseurs, en développant dans les territoires la possibilité d'avoir de l'hydrogène décarboné. « Décarboné » signifie aujourd'hui produit à partir d'énergie nucléaire et d'énergies renouvelables. Plus nous augmenterons la proportion d'énergies renouvelables, plus nous fabriquerons de l'hydrogène renouvelable qui a toute ma préférence, vous l'imaginez bien.

Le PIA 4 soutiendra notamment le développement des biocarburants avancés, issus de déchets par exemple, par l'obligation croissante d'incorporation d'éthanol durable dans les essences… Nous soutenons donc aussi le bioéthanol.

Sur le biogaz, nous sommes actuellement en avance sur les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Nous avons une régulation à faire ; nous lui portons toute notre attention pour éviter que les petits projets soient impactés, car nous avons vraiment besoin de conserver les petits projets. Nous voulons aussi faire en sorte de garder une très bonne rentabilité de la filière. Ne vous inquiétez pas, nous restons sur des niveaux de rentabilité de l'ordre de 10 %, ce qui est assez important.

Chantal Jourdan, vous avez pointé des contradictions dans le plan de relance et vous parlez des investissements sur le nucléaire. Tout le monde connaît mes positions sur le nucléaire, mais je suis en désaccord avec vous sur le fait qu'il ne faut pas investir dans ce secteur. Lorsque j'étais députée, j'ai été rapporteure d'une commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité nucléaires, à laquelle nombre d'entre vous ont participé. Cette commission a rendu un certain nombre de propositions et de constatations, dont une sur la perte de compétences qui est un sujet très grave pour l'industrie nucléaire et pour nous tous.

Nous avons besoin de compétences dans le nucléaire pour la maintenance, pour les soudures – compétences qui peuvent d'ailleurs servir ailleurs que dans les centrales nucléaires –, mais nous avons aussi besoin de compétences pour le démantèlement et finalement dans toute la chaîne des installations nucléaires. Quels que soient les choix qui seront opérés en 2022-2023, nous en avons encore pour longtemps et nous avons donc besoin que les installations soient gérées par des personnels compétents. Nous avons trop longtemps renvoyé à la sous-traitance la question des compétences. Il faut qu'elles reviennent chez les opérateurs du nucléaire. C'est pourquoi nous allons mettre de l'argent sur ce sujet dans le plan de relance.

Nous en mettrons aussi sur la question du démantèlement, justement pour nous améliorer sur ces sujets où nous avons encore une marge d'amélioration. Dans le plan de relance, nous prévoirons aussi de la recherche et du développement, que ce soit sur la sûreté ou sur la gestion des déchets. Un débat public a eu lieu sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR). Il a été demandé, lors de ce débat public, que des alternatives pour la gestion des déchets soient recherchées. Il y aura donc des moyens dans le plan de relance pour y travailler.

Enfin – c'est un point un peu différent –, 50 millions seront destinés à la recherche et au développement de petits réacteurs, les small modular reactors (SMR). Je crois que c'est important et je vous le dis avec toutes les convictions qui sont les miennes sur le nucléaire.

Il faudra choisir en 2022-2023 ce que nous ferons après 2025. Ce choix doit être à la fois vrai et démocratique, ce qui suppose qu'il existe des options véritables et bien travaillées. Si nous optons pour le fait de « continuer le nucléaire », il faut choisir aussi si c'est au moyen de réacteurs à eau pressurisée (EPR) ou par d'autres biais. Je trouve normal de regarder quelles sont les possibilités dans ce cas. Tant qu'à faire, si nous continuons le nucléaire, ce serait bien que nous évitions de reproduire les erreurs de l'EPR ! L'autre option sera de baisser jusqu'à l'extinction le nucléaire pour arriver en 2050 à 100 % d'énergies renouvelables. Cette deuxième option est en cours d'étude, notamment par le Réseau de transport d'électricité (RTE) et l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Ils essaient justement, en ce moment, de renseigner ces options. Il est très important que nous ayons deux options sur la table et qu'elles soient bien renseignées, scientifiquement et économiquement, pour que le choix se fasse de manière éclairée. Ce n'est pas moi qui déciderai. Ce n'est pas EDF. Ce sont les citoyens, soit par leurs représentants, soit par d'autres voies. Voici la raison pour laquelle toutes ces recherches sont prévues dans le plan de relance.

Sur le glyphosate, je partage complètement avec vous le fait que rechercher comme alternatives uniquement des produits sans réfléchir au modèle agricole est une erreur. Je vous confirme donc que la recherche d'alternatives, aussi bien pour le glyphosate que les néonicotinoïdes, ne doit pas se limiter à rechercher des produits de remplacement sans réfléchir à un changement de modèle. Il peut y avoir des recherches de produits, effectivement, mais il faut aussi faire des recherches sur les changements de méthodes. Ces changements nécessiteront ensuite la formation des agriculteurs, des investissements, etc. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fait que nous ne pouvons pas rechercher des alternatives d'une façon unilatérale, ce qui n'a aucun sens.

Sophie Auconie a posé des questions sur les éoliennes terrestres. Nous avons besoin de développer les énergies renouvelables (EnR). Nous avons des objectifs dans la PPE et mon rôle est de faire en sorte que ces objectifs soient tenus, quoi qu'on en pense. Développer les EnR signifie développer toutes les EnR donc le photovoltaïque, le biogaz, la géothermie, etc., et également les éoliennes, qu'elles soient en mer ou terrestres.

Il faut d'abord savoir que le coût de l'éolien baisse. Disposer d'une énergie peu coûteuse est intéressant et l'éolien terrestre le permet maintenant, ce qui est important. Les consommateurs ont aussi besoin de ne pas payer cher leur électricité.

Je suis d'accord avec vous, en ce qui concerne les choix d'implantation, sur le fait qu'on ne peut pas implanter des énergies sans essayer d'obtenir un assentiment autour du projet. Toutefois, vous me parliez de biométhane. Vous verrez que nous aurons les mêmes problèmes avec tous les méthaniseurs qui s'installeront et, pourtant, nous en avons besoin.

Plusieurs solutions s'offrent à nous. La première est d'écouter quels sont les problèmes rencontrés, en particulier sur les éoliennes. Par exemple, nous avons eu des retours sur le fait qu'il reste du béton dans le sol après le remplacement des éoliennes et que cela pollue. Ce problème est réglé : j'ai signé l'arrêté qui impose d'enlever l'intégralité des socles en béton lors du remplacement d'éoliennes, ce qui constitue déjà une avancée positive pour tout le monde. Un deuxième problème pour l'acceptabilité des éoliennes est le balisage qui les fait ressembler à des arbres de Noël la nuit. Nous sommes proches d'une solution et j'espère que nous aboutirons très vite ; en tout cas, c'est un problème et il faut prendre ces problèmes les uns après les autres pour les régler.

Ensuite se pose la question du choix du lieu d'implantation. Il existe des contraintes liées à l'aviation civile, aux questions de défense, etc. Je suis très attachée à une forme de planification, c'est-à-dire à des schémas qui ont existé à une époque et qui ont été attaqués. Je pense que c'est une erreur et que la planification dans chaque territoire est importante pour que nous puissions dire : « Nous avons tel objectif de déploiement puisque chaque territoire doit prendre sa part et certains l'ont prise plus que d'autres ; voyons comment les répartir entre les différentes énergies et où les mettre. »

À partir du moment où ce schéma est travaillé, anticipé, soumis au débat, nous pourrons dire que nous en mettons tant à tel endroit et non à tel autre. Je crois que ce sera un moyen de calmer un peu tout le monde, d'y voir plus clair et de rendre l'avenir plus lisible. Beaucoup de gens se plaignent qu'il arrive des éoliennes et qu'il va en arriver partout. Ce sentiment que cela se fait « dans leur dos » leur fait peur. Si cela est anticipé, partagé et transparent, je crois que nous réglerons ainsi de nombreuses difficultés. De plus, nous pouvons travailler à accroître la participation citoyenne dans la construction des éoliennes, que d'autres acteurs y soient associés. Cela fonctionne très bien dans d'autres pays.

Une fois que nous aurons étudié ces solutions, nous pourrons utiliser de manière apaisée la chance que nous avons de disposer de ces énergies renouvelables dans notre pays. Cela ne se fera pas facilement, mais je ne vois pas d'autre solution pour avancer.

Mathilde Panot, je m'attendais à plus d'originalité de votre part, à ce que vous ne parliez pas que des néonicotinoïdes !

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