Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mardi 15 septembre 2020 à 17h25
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique :

La Barbara Pompili de 2016 est totalement en phase avec la Barbara Pompili de 2020. Elle ne retirerait pas un mot de ce qu'elle a dit en 2016.

Je persiste à dire que les néonicotinoïdes sont des produits dangereux. Je persiste à dire qu'ils sont néfastes pour l'environnement, pour la santé, que c'est une catastrophe pour les abeilles… Je ne change donc strictement rien à ce que j'ai dit. Je ne change rien non plus au discours que j'ai tenu à l'époque quand je disais qu'il fallait absolument éviter de partir dans des dérogations ad vitam aeternam parce que, sinon, nous n'interdirions rien. J'ai tenu bon et, à l'époque, je n'étais tout de même pas très suivie. C'est passé « ric-rac », à deux voix près, et je rappelle que nous devons ces deux voix à des chasseurs, preuve que nous pouvons nous retrouver sur certains constats et combats, mais je n'ai jamais eu de doute à ce sujet.

Si je n'avais pas été dure sur cette question des dérogations, je pense que nous en serions aujourd'hui à 20 % des utilisations de néonicotinoïdes qui seraient interdites, pas au niveau actuel. Actuellement, 91 % des utilisations de néonicotinoïdes sont interdites dans ce pays. C'était inenvisageable il y a quatre ans et nous y sommes aujourd'hui. Je rappelle pour mes collègues que la loi Labbé, avec un taux de 70 %, est considérée comme un succès. Dans mon cas, un taux de 90 % est interprété comme un échec. C'est la vie, c'est la rançon de la gloire...

Il existe effectivement un problème que, collectivement, nous n'avions pas vu. Je rappelle que, pour qu'une loi soit appliquée, plusieurs conditions sont requises. Tout d'abord, il fallait que la filière suive. Or la filière n'a pas suivi et elle a sa part de responsabilité, c'est très clair. Il fallait ensuite que la recherche soit mieux conduite. Elle ne l'a pas suffisamment été et c'est une responsabilité collective. Il fallait également que l'État fasse plus son travail dans un but d'accélération. Or il y a clairement eu une inertie. Enfin, il existe un contrôle parlementaire de l'application de la loi, cela fait partie du travail des parlementaires. Je rappelle qu'un rapport d'application sur la loi sur la biodiversité a été rédigé. Toutefois, la loi sur la biodiversité contient plus de 170 articles et les néonicotinoïdes ne représentent qu'un article. Je ne reviendrai pas sur les moyens de contrôle des parlementaires, mais vous pouvez compter sur moi pour toujours souligner que les parlementaires ont besoin de plus de moyens de contrôle. Ce rapport a été rédigé dans cette commission, il a été porté par des députés de cette commission, il a été présenté devant cette commission et personne n'a relevé le problème. La responsabilité du fait que cette loi ne soit pas appliquée est donc collective et j'en prends ma part puisque j'étais présidente de cette commission.

S'agissant du problème de jaunisse, les agriculteurs ne planteront plus de betterave lors de la prochaine saison pour cette raison, considérant qu'ils n'ont plus assez de rendement. Que pouvons-nous faire ? Nous pouvons les indemniser et leur dire de replanter quand même. C'est ce que nous avons essayé de faire, mais ils ont réaffirmé leur position. Or s'ils ne plantent plus, nous ne récoltons plus de betteraves et, si nous ne récoltons plus, ces betteraves ne vont plus dans les dernières sucreries qui existent encore dans notre pays. C'est un choix. Nous pouvons laisser les dernières sucreries fermer faute de betteraves et partir à l'étranger. Nous pouvons faire ce choix. Comme pour toute filière, nous pouvons décider que cette filière n'a plus d'avenir en France et l'abandonner. Toutefois, j'ai toujours pensé – vous pouvez chercher les citations – que de tels choix s'anticipent, qu'on ne ferme pas des filières entières sans aucun débat public, sans aucune préparation pour les personnes concernées, sans aucun travail de reconversion. Or c'est ce qui serait arrivé.

Ce choix peut faire l'objet d'un débat. Considérons-nous que nous ne voulons plus d'industrie sucrière en France et que nous importons tout le sucre que nous consommons en France ? C'est un choix, mais qui a ce côté : « Je suis bien propre chez moi, mais je ne regarde pas ce qu'il se passe ailleurs. » Nous ne maîtrisons en effet rien de la fabrication du sucre que nous importons.

Il fallait choisir. Notre choix, avec Julien Denormandie, est de dire : « D'accord, nous avons tous échoué collectivement. Il faut en terminer avec ces néonicotinoïdes, et définitivement. Pour ce faire, nous mettons en place une petite – petite, j'insiste bien – dérogation, circonscrite uniquement à la betterave et pour le moins longtemps possible. » Je sais que ce n'est pas dans le texte actuellement, je l'ai lu. Je suis certaine que le travail parlementaire saura enrichir considérablement ce texte pour que, justement, ce soit bien circonscrit uniquement à la betterave. Aucune autre dérogation ne sera accordée. Je peux vous l'assurer puisque c'est moi qui signerai les arrêtés avec Julien Denormandie. On ne me fera pas mettre ma signature sur un autre produit que la betterave et ce sera pour le moins longtemps possible.

En parallèle, nous allons mettre en place un groupe de travail sur le suivi des alternatives de façon à ce que ces alternatives puissent être mises en place très rapidement. Nous allons « serrer la vis » à la filière pour que le travail soit fait et sinon, tant pis ! Au moins, nous aurons eu le temps d'en débattre.

Parlons de politique avec Hubert Wulfranc. Je n'ai pas compris pourquoi le ministère était privé de 30 milliards.

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