Je souscris aux propos de M. Matthieu Orphelin sur la qualité de nos débats : nous avons eu, cet après-midi, des échanges de fond, parfois techniques. Malheureusement, ce n'est plus le cas ce soir. Madame Mathilde Panot, je me suis déjà exprimé sur les sujets que vous évoquez, mais vous vous trouviez alors dans l'hémicycle. Vous affirmez en particulier que d'autres solutions existent : je vous réponds que ce n'est pas le cas.
On entend une petite musique depuis le début de la réunion, selon laquelle certains auraient la protection de l'environnement chevillée au corps, tandis que d'autres feraient passer l'économie avant l'écologie. Cela m'est insupportable. Qui fait preuve de courage, ce soir ? Certains députés ont les valeurs environnementales chevillées au corps, se battent depuis des années pour elles, mais dressent le constat lucide, humble, que l'on se trouve dans une impasse. Si la filière ne passe pas l'hiver, si, demain, il n'y a plus de sucreries, on se trouvera bien seul pour mener la transition. Où est le courage, lorsqu'on présente des amendements en mettant ces problèmes de côté ? J'ai lu beaucoup des scientifiques que vous évoquez, madame Mathilde Panot – certains d'entre eux ont été mes professeurs. Parmi eux, un professeur émérite se demandait, dans une tribune publiée cet été, s'il ne valait pas mieux arrêter de cultiver pour le sucre en France. Le courage consiste-t-il à se dire que ce n'est pas grave, qu'on va laisser cultiver en Pologne, en Belgique ? Pouvez-vous me dire, en me regardant dans les yeux, que, dans deux ans, vous et vos proches arrêterez de manger du sucre ?
Nous menons la transition agroécologique tout en ayant l'humilité de reconnaître que si 92 % des néonicotinoïdes sont interdits en France grâce à la loi de 2016, nous sommes dans l'impasse pour 8 % d'entre eux. Nous affrontons cette difficulté avec responsabilité et courage, avec la volonté de sauver 46 000 emplois. Qu'on le veuille ou non, la transition exige du temps, paramètre dont ni vous ni moi n'avons la maîtrise. Notre rôle est de mettre la pression pour essayer d'accélérer les choses, mais la nature est diablement compliquée : on ne sait pas, par exemple, où les insectes contractent le virus. Faire de la recherche agronomique, ce n'est pas mettre une drosophile dans une boîte de Petri mais semer des plantes dans des champs et attendre les résultats. Nous sommes les meilleurs au monde dans ce domaine, mais cela prend du temps. Le courage en politique, c'est d'affronter le temps.