Il n'y a pas de donneur de leçon d'un côté ou de l'autre. Nous sommes tous responsables, d'autant que, pour ce qui me concerne, j'ai voté la loi de 2016 car je connais la dangerosité de tels produits.
Suivant les scientifiques, nous ne remettons pas en cause la nocivité des néonicotinoïdes – cela ne serait ni responsable ni digne, puisque la loi de 2016 a permis des avancées, notamment en interdisant 90 % d'entre eux.
Nous sommes en 2020. Pour tirer les conséquences de ce qui s'est passé, je suis un homme non pas instrumentalisé mais libre et responsable. Si nous ne votons pas cette dérogation – j'ai bien entendu les débats concernant les indemnisations –, nous contribuerons à stigmatiser les agriculteurs dans nos territoires, où ils sont déjà montrés du doigt.
J'habite l'Aisne, premier département de France en matière de betteraves. Les agriculteurs qui veulent continuer à y cultiver la terre ont fait d'énormes progrès, mais il faudra plusieurs années pour que la rotation soit complète ou que les haies poussent. Nous devons donc les soutenir dans leur démarche. Dans l'Aisne, nombre d'entre eux considèrent qu'il est nécessaire d'abandonner le plus vite possible les néonicotinoïdes.
Par ailleurs, nous ne devons pas oublier les sucriers car sans betteraves, il n'y a plus de sucrerie. Je n'entrerai pas dans le débat opposant les défenseurs de l'environnement à ceux de l'emploi et de la souveraineté. Certains voteront contre cette loi, alors qu'ils sont également pour la souveraineté alimentaire.
Nous devons garder notre souveraineté dans la production de sucre car il est inimaginable d'importer la totalité de la consommation française. Au lendemain de la crise sanitaire, nous avons beaucoup entendu dire qu'il fallait relocaliser pour accroître notre indépendance industrielle. La betterave, cela a été dit, fournit non seulement le sucre, mais aussi une part de bioéthanol, le gel hydroalcoolique, que nous vendons dans le monde entier, ainsi que certains médicaments. Nous ne sommes pas prêts à laisser partir un pan entier d'une industrie indispensable. La sucrerie de Bucy-le-Long, par exemple, emploie 170 salariés, avec 15 emplois indirects pour un sur le site.
C'est pourquoi il faut tout mettre en œuvre pour créer rapidement d'autres produits. Cinq millions d'euros sont prévus pour cela mais nous devons aller vite.