Si je puis me permettre, bienvenue en Absurdie ! Par le biais de cet amendement, nous ouvrons la voie à la constitution de déserts biologiques. La démarche consiste à interdire toute culture attractive pour les abeilles après usage de semences enrobées de néonicotinoïdes. C'est oublier que les abeilles et les pollinisateurs sauvages peuvent être contaminés par les néonicotinoïdes autrement, notamment par les plantes sauvages !
Nous sommes bel et bien en Absurdie, comme le confirme le plan stratégique de la filière de la betterave sucrière, dont j'estime – je me permets d'insister, monsieur le ministre – qu'il doit être rejeté. D'un côté, on prévoit de désherber massivement pour éviter le moindre bleuet, le moindre coquelicot, le moindre pissenlit qui pourrait tuer des pollinisateurs ; de l'autre, on annonce la plantation de bandes enherbées attractives pour les abeilles. En réalité, vous privez les pollinisateurs de nourriture.
Je comprends le raisonnement consistant à identifier une parcelle donnée comme voie de contamination et à se demander comment faire pour l'éviter. La bonne solution consiste à ne pas utiliser de néonicotinoïdes et non à élaborer des dispositions complexes qui ne tiennent pas debout. En tout état de cause, les durées de rémanence s'étendent sur plusieurs années et quelques microgrammes – voire nanogrammes – de substance suffisent pour que vers de terre et pollinisateurs soient affectés. Pris ainsi, le problème est insoluble !
Monsieur le ministre, vous constatez vous-même qu'avec ce mode de raisonnement, que je comprends, on ne s'en sort pas. Nous ne pourrons pas éviter le coquelicot, le pissenlit planté par un agriculteur qui, à la lecture de la loi, se demandera : « Comment faire, dans ma rotation de cultures sur cinq ans, pour ne jamais planter, après des betteraves ayant nécessité l'utilisation de néonicotinoïdes, des plantes sujettes à la guttation ou offrant du pollen aux abeilles ? » C'est du Kafka !