Intervention de Dominique Potier

Réunion du mercredi 30 septembre 2020 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Ces amendements visent à approfondir certaines dispositions de la proposition de loi, si du moins celle-ci avait été construite dans un esprit participatif.

L'amendement CD10 vise à consolider une avancée obtenue dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, en matière d'affichage environnemental et social dans l'industrie de la mode. L'industrie du textile est la deuxième plus polluante au monde et ce secteur est celui où il est le plus porté atteinte aux droits de l'homme, notamment pour ce qui concerne la sécurité et le travail des enfants.

L'amendement CD11, dans le même esprit, tend à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à la mise en œuvre d'une obligation d'affichage environnemental et social applicable à la publicité faisant la promotion de produits textiles d'habillement.

L'amendement CD8 est peut-être le plus important de la série. Il prolonge une proposition de loi du groupe Socialistes et apparentés défendue le 19 décembre 2019 mais qui n'avait pas été suivie par la majorité – mais, entre-temps, les consciences ont pu évoluer. L'idée est d'expérimenter un « scoring », une certification publique de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises. Cette notation mettrait en valeur, par exemple, leur absence dans les paradis fiscaux, leur respect de l'égalité hommes-femmes, la diminution progressive de leur empreinte carbone ou encore leur participation à l'économie circulaire – bref, des critères sociaux.

Le monde de l'économie sociale et solidaire (ESS) a réalisé, sur la base des travaux des Journées de l'économie autrement, un scoring qui ressemble furieusement à ce que nous n'avons pas pu, à mon grand regret, inscrire dans la loi. Il est renseigné à 80 % à partir des documents comptables, le reste faisant l'objet d'une simple enquête. Ainsi, la loyauté fiscale et sociale, la contribution au bien-être et le respect de la planète sont notés sur une échelle de 1 à 100. Cela permet de classer les entreprises en rouge, vert et orange – c'est une sorte de Nutri-Score pour les entreprises. Tout le mouvement de l'ESS – je pense en particulier au Centre des jeunes dirigeants d'entreprise – est favorable à cette différenciation qui éclairerait le citoyen, comme consommateur, épargnant et collaborateur potentiel, mais qui permettrait également à l'État de mener des politiques sociales et fiscales modulées.

Il y a un siècle, la comptabilité classique a permis d'augmenter la prospérité par la loyauté des échanges ; je suis persuadé que le fait de connaître la réalité de la contribution sociale et environnementale d'une entreprise serait un levier de changement extrêmement puissant pour notre société. En tout cas, ce serait un acte démocratique tout à fait fondateur.

L'amendement CD13 propose, dans une autre version, un encadrement de la publicité et du marketing alimentaires auxquels sont exposés les enfants, que j'ai défendu tout à l'heure avec le succès que vous savez.

Enfin, j'ai la conviction profonde que la gauche a perdu son âme le jour où, sous l'impulsion d'un ministre de l'économie qui s'appelait Emmanuel Macron, elle a augmenté le nombre de jours d'ouverture des magasins. C'était en 2015, dans un texte préfigurant la loi dite PACTE. Si l'on devait écrire ce qui est la fin d'un récit social, écologique et, j'en ai peur, civilisationnel… (Exclamations.) Puis-je terminer ? Vous pourriez au moins me respecter, d'autant que j'ai fait l'effort de regrouper tous mes amendements.

À l'époque, j'ai échangé avec M. Emmanuel Macron, avec beaucoup de respect, car ce sont des choses dont on peut parler en se respectant, même quand on n'a pas les mêmes opinions. J'étais un des rares, dans le groupe socialiste, à m'opposer à cette décision, ce qui m'a valu d'être tourné en ridicule. Je soutenais que faciliter l'ouverture des magasins le dimanche et les jours patriotiques et religieux, autrement dit les jours fériés, était un abaissement de notre civilisation ; que, dès lors que nous étions entrés dans l'anthropocène, nous devions, au contraire, apprendre à partager, à vivre autrement ; qu'une société ayant une âme, une culture, était aussi capable d'être productive, et qu'il fallait réussir les deux à la fois ; que cette sorte d'abaissement civilisationnel consistant à supprimer les jours communs était une faiblesse énorme qui, sur le plan idéologique, a marqué pour nous le début de la fin. Eh bien, il faut envoyer un signe de renaissance. Je dis qu'il faudrait un jour sans pub, un jour où ni Amazon – ou un autre des GAFA – ni aucune puissance privée ne pourront coloniser nos imaginaires, un jour libéré pour la culture, pour le spirituel, pour le lien, pour le décarboné, pour tout ce qui est le sens et l'essence même de notre vie. Tel est l'objet de l'amendement CD16.

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