Intervention de David Lorion

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Lorion, rapporteur pour avis :

Nous le savons tous, la diminution du nombre de passagers liée à la fermeture des aéroports a entraîné une diminution importante des recettes, estimée à 80 % en 2020 et à 40 % en 2021, qui nécessite un emprunt estimé par la DGAC à 2,3 milliards d'euros sur les exercices 2020 et 2021, ce qui porterait l'encourt de dette à 2,6 milliards d'euros fin 2021. Il s'agit d'un coup très dur mais également d'une opportunité pour accélérer la transition technologique. Le budget est-il suffisant pour cette transition ? Le plan de soutien pour la recherche et le développement atteint 1,5 milliard d'euros pour la filière aéronautique. Le budget est suffisant jusqu'en 2022 mais que se passera-t-il de 2022 à 2035 ? L'effort se poursuivra-t-il ? Si l'entreprise Airbus est très satisfaite aujourd'hui de l'effort réalisé jusqu'en 2022, elle a précisé que si celui-ci n'était pas continu entre 2022 et 2035, l'objectif de disposer d'un prototype à hydrogène, sur des liaisons courtes dans un premier temps, ne pourrait se concrétiser. Pour pouvoir mettre en service des avions à hydrogène sur des liaisons courtes en 2035, un effort continu doit être réalisé jusqu'à cette date avec peut-être des étapes, des ruptures technologiques et l'utilisation plus importante du fuel vert, produit à base d'algues essentiellement. Il est à noter que l'apport de fuel vert ne constitue pas en soi une rupture technologique. Cette rupture est liée à l'utilisation de l'hydrogène dans les moteurs à propulsion.

La concurrence entre le train et l'avion ne devrait pas exister. Ces deux modes de transport ne sont pas de la même génération. Il faut considérer tous les modes de transport. L'avion ne concurrence jamais le train et les opérateurs aéronautiques restent sur les liaisons rentables. Quelques trajets, Lyon-Paris ou Lille-Paris, demeureront, alors qu'ils sont les plus inutiles. Les liaisons reliant des grandes villes entre elles existeront toujours, même si elles sont à moins de 2 heures 30 de Paris. En revanche, les liaisons avec les petites villes s'arrêteront. Nous le voyons avec la liaison Paris-Biarritz, qui sera remplacée par un vol Transavia, dont nous savons que les avions seront plus polluants que ceux d'Air France et que le service sera de moins bonne qualité. Ce service sera mis en place pour les petits aéroports et les régions les moins bien desservies en aéroport et en train. Des services aéronautiques moins performants seront proposés et j'ai bien peur que plus vous vous éloigniez de Paris, plus ce type de proposition soit majoritaire. Il faut faire attention à l'idée de supprimer les liaisons qui ne sont pas rentables pour les remplacer par des liaisons de moins bonne qualité, sous prétexte que l'avion pollue.

Une aide financière de 7 milliards d'euros a été apportée à Air France. Elle était nécessaire pour ne pas que la compagnie disparaisse mais il ne s'agit pas de la seule compagnie à effectuer des liaisons aériennes. De très nombreuses compagnies régionales dans l'hexagone et en dehors rencontrent de sérieuses difficultés. L'amendement portant sur la compagnie Aircalin, que nous examinerons tout à l'heure, montre que dans un territoire comme le Pacifique, cette compagnie est absolument indispensable pour la liaison sanitaire de l'ensemble des îles de la Polynésie. Nous voterons toutefois majoritairement contre cet amendement, qui consiste à financer Aircalin avec 40 millions d'euros. Il reste que si cette compagnie disparaît, comment les îles du Pacifique, qui sont des îles françaises, seront-elles desservies ? Cette situation se reproduit dans les Caraïbes et l'Océan indien.

Par ailleurs, il est vrai qu'un déséquilibre est constaté entre le soutien immédiat pour la survie de l'aéronautique, de 15 milliards d'euros, et celui concernant la recherche et le développement, de 1,5 milliard d'euros. Tout le monde nous a dit que cette somme de 1,5 milliard d'euros était suffisante jusqu'en 2022 mais il est peut-être nécessaire d'acter dès aujourd'hui la mise en place d'un plan pluriannuel de recherche et d'investissement jusqu'en 2035, pour aller vers cette rupture technologique.

Les prétendues bonnes idées, telles que la mise en place d'une écotaxe, sont très populaires. Il n'est pas possible de s'exprimer contre une écotaxe pour les classes affaires ou les premières classes car elles concernent les riches, qu'il est toujours bienvenu de critiquer. Reste qu'en conséquence, des hubs risquent de se développer en dehors de Paris. Les vols long-courrier avec beaucoup de voyages d'affaires ne sont pas si nombreux. Ils concernent essentiellement le Japon, la Chine et les États-Unis. Les vols ne partiront plus de Paris mais de Londres, Frankfort ou Madrid. Le transport se réorganisera de manière à ce que les voyageurs ne payent plus d'écotaxe en partant d'autres capitales européennes. Une écotaxe ne peut pas être uniquement française. Un travail est mené avec l'ensemble des compagnies européennes et mondiales pour essayer de trouver des solutions afin de taxer la pollution avec un management mondial. Une écotaxe portant uniquement sur le trafic français serait contreproductive. Elle consisterait à réorienter l'ensemble du trafic français au bénéfice de toutes les autres compagnies européennes et au détriment de l'écosystème français. Il n'est pas possible d'être franco-français dans le transport aérien. Tous les interlocuteurs que nous avons reçus nous ont dit qu'ils y réfléchissaient mais que l'application devrait être concomitante dans toute l'Europe, voire dans le monde, pour être utile. Adoptée uniquement en France, cette écotaxe engendrerait, d'après la DGAC, la perte de 6,5 milliards d'euros de produit intérieur brut (PIB) et la suppression de près de 150 000 emplois, correspondant au nombre d'emplois dont la création est souhaitée dans le cadre du plan de relance.

Il existe en effet un problème d'aménagement du territoire. Il est possible de télétravailler davantage, de transformer les modes de déplacement ou de travailler plus près de chez soi. Mais souvenez-vous, j'ai interrogé la ministre de l'enseignement supérieur sur Parcoursup lors de son audition. Cet algorithme entraîne une mobilité inédite des étudiants. Certains sont obligés d'aller faire leurs études dans des villes très éloignées de leur lieu d'habitation parce que leurs résultats scolaires ne correspondent pas à l'université la plus proche de chez eux. Des dizaines de milliers d'étudiants sont dispersés dans toutes les universités de France et doivent revenir chaque week-end à leur domicile. J'ai souligné ce problème à la ministre. 80 % des étudiants ultramarins sont obligés de quitter leur île pour réaliser leurs études dans l'hexagone alors que la proportion était auparavant en deçà de 50 %, non pas parce qu'ils le souhaitent mais parce que Parcoursup est mal calibré sur les distances entre le domicile et l'université. Il s'agit d'un réel exemple de mauvais aménagement.

S'agissant du télétravail, la crise de la covid-19 constitue plutôt une opportunité en faveur de son augmentation. Je demande depuis l'année dernière au Président de l'Assemblée nationale que les députés d'outre-mer puissent télétravailler dans les commissions. Jusqu'à l'année dernière, cela nous avait toujours été refusé. Il a fallu la crise de la covid-19 pour que cette possibilité soit envisagée. Des actions doivent être prises, pour augmenter le télétravail et le travail au plus proche de l'endroit où nous nous trouvons.

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