Intervention de Guillaume Garot

Réunion du mardi 3 novembre 2020 à 17h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Garot, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires » :

Je souhaite tout d'abord remercier les administrateurs pour leur travail. C'est une force pour notre Parlement que de pouvoir compter sur une fonction publique de ce niveau-là.

Je vais donc vous présenter les crédits de la partie de la mission « Cohésion des territoires » dont est saisie pour avis notre commission. Ils sont répartis entre deux programmes : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et le programme 162 « Interventions territoriales de l'État ».

Ces deux programmes ne couvrent qu'une petite partie de l'ensemble des crédits de la mission – 271 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sur près de 16 milliards d'euros pour la mission dans sa globalité. Ils illustrent les lignes de force que le Gouvernement entend donner à l'ensemble de la mission, et quant à l'implication de l'État dans des actions très variées, et quant au partenariat avec les acteurs locaux et aux politiques de contractualisation.

Le programme 112, en baisse de 5 % par rapport à 2020, est doté de 231 millions d'euros en CP. Toutefois, il faut être honnête, les crédits de la mission « Plan de relance » apportent 44 millions d'euros supplémentaires à ses actions, ce qui représente une hausse globale significative.

Le programme 112 comporte deux grands types d'actions : d'abord, celles du Fonds national pour l'aménagement et le développement des territoires (FNADT), avec 360 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 186 millions d'euros en CP en comptant le plan de relance ; ensuite, le soutien aux opérateurs, fléché vers Business France mais, surtout, vers l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), avec 60,9 millions d'euros. La principale nouveauté de ce programme, c'est donc l'ANCT, qui est également l'opérateur de ce dernier, et dont on fêtera bientôt la première année d'existence. J'ai choisi de m'arrêter un peu plus longuement sur les débuts de l'agence et sur la première action qu'elle pilotera, le programme « Petites villes de demain ».

Le programme 112 est notamment destiné à financer les contrats de plan État-région (CPER). Je voulais tout d'abord m'intéresser à la génération 2021-2027 mais leur élaboration a pris du retard en raison de l'épidémie de covid-19, ce qui est parfaitement compréhensible. La semaine dernière, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault, a confié à notre commission quelques éléments sur les grandes orientations des prochains CPER, qui mobiliseront plus de 20 milliards d'euros engagés par l'État, et autant par les régions.

J'ai eu beaucoup de mal à obtenir des réponses de la part de Régions de France, qui a refusé d'être auditionné, ce qui est une mauvaise manière faite au Parlement et ce qui n'est pas la meilleure façon de défendre l'intérêt de ces collectivités.

Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) couvre une variété d'actions sur lesquelles l'État souhaite prendre la main dans des territoires spécifiques en regroupant les moyens habituellement répartis entre plusieurs ministères. Le programme est géré, pour le compte du Premier ministre, par le ministère de l'intérieur.

Pour 2021, le PITE compte sept actions : Eau et agriculture en Bretagne, Plan exceptionnel d'investissement en faveur de la Corse, Plan chlordécone, Plan Littoral 21, Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane, Service d'incendie et de secours de Wallis et Futuna, Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire.

Ces actions totalisent 41 millions d'euros en autorisations d'engagement et 40,5 millions en crédits de paiement.

Quels constats tirer de l'observation attentive de ces crédits de la mission « Cohésion des territoires » ?

Tout d'abord, ce budget est difficilement lisible.

En effet, aux crédits « classiques » s'ajoutent ceux du plan de relance, ce qui représente certes une masse financière importante mais ce qui est aussi un peu « sportif » pour le législateur qui doit contrôler les dépenses sans disposer de correspondances automatiques entre l'une et l'autre masses de crédits.

Ensuite, que se passera-t-il après 2021 et 2022 et la fin du plan de relance ? Que penser de la pérennité et de la durabilité de la hausse constatée ? C'est un vrai problème, non seulement pour le contrôle budgétaire, je l'ai dit – et ce n'est pas le plus grave – mais pour les opérateurs, pour les collectivités locales : qu'adviendra-t-il des actions qui ont été engagées ? Dans quelle mesure l'État les accompagnera-t-elles dans la durée, et à quelle hauteur ? Ce sont les questions que l'on se pose sur le terrain. Le législateur se doit donc de prendre date de manière à pouvoir contrôler précisément et strictement la variation des crédits dans les budgets à venir. J'espère que le Gouvernement pourra nous apporter des réponses et qu'il respectera ses engagements.

Je prends l'exemple de l'ANCT. Elle doit encore s'affirmer et souffre non seulement d'un déficit de visibilité mais de moyens financiers très limités et mal définis. Elle signera plusieurs conventions de partenariat avec des opérateurs tiers, notamment l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Or, les documents annexés au PLF ne font état d'aucune augmentation spécifique des crédits budgétaires de ces partenaires pour abonder des opérations menées avec eux, ce qui soulève des questions quant à l'engagement effectif de ce bras armé que devrait être l'ANCT dans l'application des politiques et des actions de la mission « Cohésion des territoires ».

Par ailleurs, s'il est bon que les préfets soient les délégués territoriaux de l'ANCT – plus on est proche du terrain, plus on est efficace – eux non plus ne bénéficient pas de moyens supplémentaires. Ils devront donc mener des actions et mettre en œuvre des projets sans que, au moment où nous parlons, ils disposent de moyens humains supplémentaires pour se tenir aux côtés des collectivités locales, en particulier pour l'ingénierie de projets.

Enfin, je souhaite revenir sur deux actions auxquelles le rapport consacre une analyse plus poussée et qui me permettront de partager avec vous d'autres observations.

Les orientations du programme « Petites villes de demain » se veulent innovantes à travers une offre d'accompagnement « sur mesure » aux communes et intercommunalités éligibles à ce label.

Du point de vue comptable, le programme prévoit de mobiliser 3 milliards d'euros sur une période de six ans, de 2021 à 2026, à destination de 1 000 communes ou intercommunalités. C'est aux préfets qu'incombe le choix des communes éligibles ce qui, sur le papier, est une bonne chose : nous sommes en effet nombreux à demander une plus grande déconcentration de l'action de l'État. Néanmoins, il faudra se montrer très vigilants : tant mieux si les préfets ont une nouvelle responsabilité mais il conviendra de les accompagner car leurs choix devront être solidement étayés et ils devront pouvoir résister aux pressions locales ou aux conséquences d'éventuelles déceptions. Ils devront donc bénéficier de moyens humains supplémentaires pour que les décisions prises soient argumentées.

J'en termine par l'action « Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire ». Incluse dans le contrat d'avenir signé en février 2019 avec la région Pays de la Loire, elle répond à une situation qui s'est largement dégradée, particulièrement en aval du bassin de la Loire et en Vendée : en 2017, seuls 13 % des cours d'eau de cette région étaient en bon état écologique.

Les actions menées en Bretagne ont permis d'obtenir de meilleurs résultats car le partenariat entre l'État et les opérateurs locaux a été efficace mais, dans la région Pays de la Loire, les acteurs locaux sont découragés. Face à une batterie d'indicateurs et de critères, nous avons du mal à valoriser les progrès réalisés. La qualité des eaux demeure insuffisante alors que des actions sont menées, que des efforts sont réalisés et qu'ils doivent être reconnus, ce que ne permettent pas les critères en vigueur. La mobilisation des différents acteurs est donc moins efficace ; or, dans ce domaine, elle doit être effective dans la durée. Je sais que cela est valable dans d'autres secteurs et pour d'autres enjeux partout en France.

Dans la période où nous sommes, la solidarité envers les territoires les plus vulnérables devra à l'évidence jouer, et c'est tout le sens du plan de relance. Le risque n'est pas pour 2021 mais pour la suite, pour la visibilité des projets, des orientations, des crédits. J'appelle donc votre attention sur la nécessité de mobiliser les acteurs dès aujourd'hui mais aussi pour demain, durablement.

Je suis favorable à l'adoption des crédits de cette mission car ils sont en augmentation, il faut le reconnaître, mais il faut rester très vigilant pour les raisons que j'ai exposées.

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