Intervention de Sophie Panonacle

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Panonacle, rapporteure pour avis sur les crédits des affaires maritimes :

Le budget des affaires maritimes restera stable en 2021, ce dont je me réjouis. Les autorisations d'engagement (AE) du programme 205 baissent légèrement pour passer de près de 160 millions d'euros en 2020 à 155 millions d'euros en 2021. Les crédits de paiement (CP) passent de 161 millions à 159 millions d'euros.

Les crédits relatifs aux ports relevant de l'action 43 du programme 203 restent également stables par rapport à 2020 et représentent environ 100 millions d'euros. Je m'en réjouis, car le dragage des grands ports maritimes a été notoirement sous‑financé jusqu'en 2018.

Par contre, le budget des affaires maritimes est calculé au plus juste. Je pense qu'il doit être préservé dans la durée, car le monde maritime a été durement affecté par la crise du coronavirus. J'ai pu le constater en préparant le rapport « Happy Blue Days, pour une économie maritime compétitive et décarbonée », que j'ai communiqué au Président de la République et remis à l'ensemble des ministres concernés. Or les politiques financées par le programme 205 ont toute leur importance pour soutenir le secteur maritime dans cette période difficile, car elles permettent de rendre plus cohérente l'action régulatrice de l'État en ce qui concerne le navire, le marin et la mer.

Près de 50 % du budget des affaires maritimes sont consacrés à la compensation d'exonérations de cotisations sociales patronales. Je tiens ici à rappeler toute l'importance du « netwage », instauré par la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue. Cette mesure contribue puissamment au dynamisme et à l'attractivité du pavillon français. D'ailleurs, après des années de baisse, le nombre de navires sous pavillon français de plus de 100 UMS a augmenté de vingt et une unités entre 2019 et 2020.

Toutefois, l'ensemble du secteur maritime ne va pas bien, et ces mesures sont plus que nécessaires. Ainsi, lorsque la crise sanitaire a éclaté, si le secteur du transport de marchandises a plus ou moins tenu bon, le transport de passagers s'est effondré. Les ferries qui assurent la liaison transmanche et les navires de croisière sont les plus affectés. Par ailleurs, la flotte offshore subit une crise aux racines plus profondes, liée notamment à la baisse du prix du baril. Face à cette situation difficile, les acteurs des filières logistiques françaises ont su s'associer pour réfléchir ensemble à l'avenir du transport français. Je salue tout particulièrement la signature de la charte d'engagement des acteurs des chaînes logistiques françaises, le 7 octobre dernier. Il s'agit d'un véritable engagement collectif pour la relance économique de nos ports et la reconnaissance de leur importance stratégique.

Les effets de la crise sanitaire sur les activités maritimes ne concernent pas seulement le volet économique. Tous les travailleurs de la mer ont été affectés. Si nombre d'entre eux ont pu bénéficier des mesures de soutien du Gouvernement, d'autres ont pu maintenir leur activité pour répondre aux besoins essentiels de la population. Un temps d'adaptation a été nécessaire, mais tout a été fait pour que les marins puissent travailler dans les meilleures conditions et dans le respect des consignes sanitaires. Je salue leur dévouement sans faille pour continuer à nourrir les Français et acheminer les marchandises de première nécessité. En plus d'un accompagnement économique, une relance sociale du transport maritime apparaît essentielle. Ces deux volets permettront de renforcer l'attractivité du pavillon français et de garantir à la France son indépendance en tout temps en matière d'approvisionnement stratégique.

Je regrette que l'action 03 soit intégrée dans le programme 205, et non dans le programme 197 relatif aux régimes de retraite et de sécurité sociale des marins. Je pense que le Gouvernement doit faire évoluer la maquette budgétaire, à l'origine d'une situation illogique. L'action 03 correspond à des dépenses contraintes dont l'augmentation est un signe de bonne santé du secteur maritime. Dans ce cas, si le total des crédits budgétaires alloués au programme 205 n'augmente pas, ce sont les crédits alloués aux autres actions qui doivent diminuer. Or ils concernent les moyens de contrôle des règles de sécurité et de sûreté maritimes et l'enseignement maritime.

Près de 17 % des crédits des affaires maritimes contribuent au financement de la formation maritime, notamment des lycées professionnels maritimes et de l'École nationale supérieure maritime (ENSM).

Le dispositif des lycées professionnels maritimes a montré sa capacité à s'adapter aux enjeux de formation et de cadrage pédagogique défendus par le ministère de l'Éducation nationale et aux demandes du marché de l'emploi. La taille du réseau, son ancrage territorial, son dynamisme et sa capacité à s'adapter sont des atouts en termes de métier et de cohérence avec le système de l'Éducation nationale, garant de la reconnaissance des formations.

En ce qui concerne l'ENSM, la qualité des officiers qu'elle forme est largement reconnue par les employeurs. Toutefois, sa notoriété semble faible en dehors du monde maritime. Cette situation va probablement évoluer, car l'ENSM va rejoindre Parcoursup, ce qui doit lui permettre d'attirer davantage de candidats. Cette évolution semble d'autant plus nécessaire que les armateurs que j'ai auditionnés souhaitent recruter des contingents plus importants d'officiers français dans les années à venir.

La féminisation des métiers de la mer reste un enjeu important de la formation maritime. Les carrières longues de navigantes sont largement minoritaires en ce qui concerne les femmes diplômées de l'ENSM. Le renforcement de l'attractivité des métiers de la mer pour le public féminin, à commencer par les formations, est un défi à relever. La formation maritime doit également pouvoir faire face à la transformation des métiers, notamment liée au numérique et à la transition écologique. Les technologies de décarbonation des navires exigent, par exemple, des compétences supplémentaires. Il nous faut donner les moyens aux établissements de formation maritime de s'adapter à de nouveaux marchés et d'accélérer leur ouverture sur l'Europe et sur le monde. Des formations plus fluides, favorisant notamment le recours aux passerelles, et le renforcement du lien public‑privé par des partenariats entreprise‑école pourraient également contribuer à répondre aux besoins de recrutement du secteur maritime.

L'amélioration et l'adaptation des formations sont une première étape. Elles doivent s'accompagner d'efforts supplémentaires pour améliorer l'attractivité des métiers de la mer partout dans notre territoire. Il s'agit notamment de poursuivre les efforts engagés depuis dix ans pour faire entrer la mer dans les collèges, les lycées et les classes préparatoires ; de diffuser l'envie de mer dans les terres et pas seulement sur le littoral, car les emplois du secteur maritime ne sont pas réservés à ses seuls habitants – je vous encourage d'ailleurs à sensibiliser les jeunes de votre circonscription.

Par ailleurs, 20 % des crédits du programme budgétaire 205 « Affaires maritimes » servent à financer l'action de l'État dans les domaines de la sécurité et de la sûreté maritimes et de la lutte contre la pollution. Ils servent notamment à financer les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les centres de sécurité des navires ou encore le dispositif de contrôle et de surveillance qui participe à l'exercice des missions de police en mer. Ils permettent également d'apporter un soutien à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), qui a notamment besoin de renouveler ses moyens nautiques. Je salue ici le travail formidable accompli sur tout le littoral par ses bénévoles, un travail méconnu du grand public mais essentiel pour la sécurité maritime. C'est pourquoi la SNSM a besoin de notre indéfectible soutien, et nous devons donner à ses bénévoles les moyens qui leur sont indispensables pour remplir leur mission dans les meilleures conditions de sécurité.

Avant de conclure, je voudrais dire un mot de sujets qui ne relèvent pas à proprement parler du budget des affaires maritimes mais concernent le soutien fiscal à la marine marchande. Le programme 205 est loin d'être l'unique pilier de la politique française en faveur de la marine marchande, qui combine une série de dispositions, principalement d'ordre budgétaire, fiscal et social. Parmi celles-ci figure le dispositif de suramortissement prévu par l'article 39 decies C du code général des impôts, que nous avons créé en 2019 et qui a été un signal fort pour encourager les armateurs à s'engager dans la décarbonation des navires et de leurs activités.

En soutenant la palette des solutions émergentes – vélique, gaz naturel liquéfié (GNL), scrubbers, navires électriques et hybrides, hydrogène ou encore électricité à quai –, ce dispositif contribue à concrétiser notre ambition en matière de verdissement du transport maritime. Nos objectifs sont clairs et s'accordent avec ceux qui ont été fixés par l'Organisation maritime internationale (OMI) en 2018 : réduire les émissions de CO2 du transport maritime d'au moins 40 % d'ici à 2030 et de 70 % d'ici à 2050 ; réduire le volume total des émissions annuelles de gaz à effet de serre d'au moins 50 % en 2050, par rapport à 2008. À nous de nous engager encore davantage aux côtés de ces projets innovants.

Face à la crise sanitaire que nous traversons, le cap est de tracer une nouvelle voie, qui préserve nos océans et accélère la transition écologique de l'économie de la mer. En l'état, le suramortissement peine encore à trouver une application concrète et ne permet pas d'inciter les acteurs du transport maritime à se tourner vers les solutions les plus décarbonées. Cela est particulièrement vrai pour la propulsion par le vent, immédiatement disponible et entièrement décarbonée, qui inspire de nombreux projets d'avenir sans bénéficier d'un soutien suffisant. Aussi ai‑je déposé plusieurs amendements visant à améliorer ce dispositif, en allongeant notamment son échéance.

En tant que rapporteure pour avis, j'ai l'intime conviction qu'en soutenant un volet économique compétitif et décarboné, nous apporterons la meilleure réponse pour l'avenir. Les futurs investissements de l'État devront permettre l'émergence d'un modèle économique plus résilient, plus protecteur et plus souverain.

Permettez‑moi d'insister sur le fait que la transition écologique ne doit pas simplement être la trame de fond de notre démarche, mais en être le moteur. Cette association entre écologie et économie est à notre porte ; il nous appartient d'en soutenir l'émergence. Pour cela, nous pouvons engager un accompagnement réglementaire. Le plan de relance de 100 milliards d'euros déployé par le Gouvernement constitue une première étape ; le projet de loi de finances en est une autre. Nous devons regarder plus loin et faire, sur le temps long, de l'économie bleue le levier de l'excellence économique et environnementale de notre pays.

Eu égard aux éléments que je viens d'exposer, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 205.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.