Intervention de Damien Pichereau

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Pichereau, rapporteur pour avis sur les crédits des transports terrestres et fluviaux :

La crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 a démontré, une fois de plus, l'importance et la qualité des infrastructures et services de transport et de logistique. Souvenons-nous des trains médicalisés qui ont permis de transporter des malades entre régions, notamment pour rejoindre les hôpitaux de ma région, le Centre‑Val de Loire. Souvenons-nous également de la gestion pertinente et de l'exécution rapide des normes sanitaires dans les transports en commun par les autorités organisatrices de la mobilité (AOM).

Je souhaite, dans ce propos liminaire, saluer et remercier le dévouement des femmes et des hommes qui, pendant le dernier confinement comme pendant celui en cours, permettent de maintenir l'activité nécessaire à l'ensemble de nos concitoyens. Je souhaite, par ailleurs, saluer l'action des agents du ministère, qui mettent en œuvre la politique des transports, ainsi que les différents opérateurs du programme 203 – l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), Voies navigables de France (VNF), la Société du Grand Paris et l'Établissement public de sécurité ferroviaire.

Si l'ensemble des acteurs de la mobilité s'est massivement investi durant la crise sanitaire, les conséquences de cette dernière sont néanmoins sans précédent. C'est pourquoi les crédits consacrés aux infrastructures et services de transport font l'objet d'une attention particulière en ce qui concerne leur impact écologique. Responsables de près de 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France, les transports doivent être redéfinis selon un modèle écologique et durable, afin d'élaborer une nouvelle stratégie de déploiement ou de transformation des infrastructures et services de transport de demain.

C'est justement ce vers quoi le plan de relance est majoritairement tourné. Ainsi, la transition écologique en représente le tiers, soit un investissement sans précédent de 30 milliards d'euros, autrement dit plus que l'intégralité du plan de relance de 2008, dont un soutien massif au transport ferroviaire – 4,7 milliards d'euros pour les lignes du quotidien, les trains de nuit et le fret –, aux transports du quotidien et au vélo – 1,2 milliard d'euros.

Plus précisément, le programme 203 « Infrastructures et services de transport » prévoit en 2021 3,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,7 milliards d'euros en crédits de paiement. Il s'agit d'une forte hausse par rapport à 2020, d'environ 800 millions d'euros en AE et de 550 millions en CP, principalement sur les actions 44 « Transports collectifs » et 45 « Transports combinés ». C'est un point très positif. Certes, une partie de cette hausse résulte d'une extension du périmètre du programme 203. Néanmoins, même à périmètre constant, le budget des transports est en hausse de 249 millions d'euros et ce, sans tenir compte des crédits du plan de relance et de la recapitalisation de la SNCF.

Premier point que je souhaite évoquer, les recettes de l'AFITF sont en baisse par rapport aux prévisions, du fait de l'épidémie de covid-19. Cela résulte de l'absence de recettes provenant de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, mais aussi de la baisse des recettes provenant des concessionnaires d'autoroute – taxe d'aménagement du territoire (TAT) et redevance domaniale –, de l'ordre de 20 %, ainsi que de la baisse, de l'ordre de 50 %, des recettes provenant des amendes radars, du fait de la chute du trafic annuel.

Alors que nous sommes dans l'attente d'un rapport du Gouvernement sur la question, la baisse totale des recettes de l'AFITF pour 2020 est estimée entre 400 et 450 millions d'euros. Elle a été partiellement compensée par un versement de 250 millions d'euros dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative. D'autres ressources devront également lui être octroyées dans le cadre du quatrième projet de loi de finances rectificative, pour l'instant estimées entre 110 et 120 millions d'euros. Je m'inquiète toutefois des ressources prévisionnelles pour 2021, dans le contexte actuel de reconfinement. En particulier, il nous faudra être vigilants quant au produit des amendes radars – l'AFITF étant le dernier bénéficiaire de son affectation – et à la contribution du secteur aérien, alors même que la reprise s'annonce plutôt faible.

Cette année, des crédits pour les transports terrestres sont inscrits dans le plan de relance national de notre économie. Au sein d'un programme dédié à l'écologie, l'action 07 « Infrastructures et mobilités vertes » regroupe près de 20 % des crédits du programme – 3,6 milliards d'euros en AE et 1,3 milliard d'euros en CP. Ces crédits seront consacrés à un soutien sans précédent au secteur ferroviaire, à une accélération des investissements en faveur de la mobilité du quotidien, avec une priorité donnée aux transports en commun, à l'extension du plan vélo, à l'aide à l'acquisition de véhicules propres, aux infrastructures de transport ou encore au verdissement du parc automobile de l'État.

Outre les crédits ouverts au sein de ce programme, le Gouvernement a également prévu de consacrer 600 millions d'euros au financement exceptionnel de la relance de l'achat de véhicules propres dès 2020 et 4,1 milliards d'euros à une recapitalisation de la SNCF, qui permettra d'apporter un soutien financier à SNCF Réseau.

Si je présente, dans mon avis, les crédits octroyés aux transports dans le contexte du plan de relance, j'ai cependant fait le choix de me consacrer plus spécifiquement aux crédits relatifs au transport de marchandises, dans l'optique du verdissement du fret et de l'incitation au report modal, notamment vers le ferroviaire. C'est un enjeu majeur pour faire face à l'urgence environnementale. Je vais vous présenter brièvement les différents dispositifs d'aide et de soutien au transport de marchandises, que le projet de loi de finances renforce, en cohérence avec les objectifs ambitieux inscrits dans la loi d'orientation des mobilités (LOM).

Parmi les émissions de gaz à effet de serre liées à la circulation routière, 44 % proviennent des poids lourds et des véhicules utilitaires légers (VUL). C'est donc une nécessité d'aider les professionnels du secteur dans le verdissement de leurs flottes. Je ne referai pas ici l'historique du renforcement du suramortissement dont bénéficient les transporteurs pour l'achat de véhicules plus propres ; le Gouvernement, notre commission et notre majorité ont été moteurs sur cette question. Néanmoins, cette aide risque d'être moins efficace, car l'avantage fiscal qu'elle procure est récupéré progressivement par les entreprises, alors que ces dernières font face à des difficultés de trésorerie. Il faudra donc être vigilant sur ce point, quitte à envisager sa transformation temporaire en crédit d'impôt.

Par ailleurs, certains véhicules utilisés par les transporteurs peuvent bénéficier de la prime à la conversion et du bonus. Ce dernier a bénéficié à plus de 7 000 VUL en 2019, pour 44 millions d'euros, tandis que la prime a été attribuée à plus de 10 000 VUL, pour un total de 22 millions d'euros.

Lors des annonces du Gouvernement au printemps dernier concernant la relance de la filière automobile, le champ de la prime a été élargi : son montant a été augmenté et elle a été étendue au retrofit. Sur ce dernier point, j'appelle votre attention sur les difficultés que connaissent les entreprises pour homologuer les véhicules. Il me semble nécessaire de réfléchir au plus vite à un plan spécifique pour accélérer les homologations et la vente de ces véhicules. Nous avons les moyens de créer une filière française du retrofit leader en Europe. Soyons au rendez-vous !

Le Gouvernement a annoncé la création de primes à la conversion en faveur de véhicules lourds électriques ou fonctionnant à l'hydrogène. Je m'en réjouis fortement, mais je pense qu'il serait pertinent d'inclure dans ce dispositif tous les véhicules utilisant une énergie alternative au pétrole, comme le bioGNV. J'espère que le Gouvernement suivra cette recommandation.

Comme je l'indiquais tout à l'heure, le Gouvernement a également mis en place des mesures permettant aux transporteurs routiers de marchandises de faire face à la crise sanitaire, qui les a fortement impactés : mesures d'aides transversales ; trimestrialisation du remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ; report du paiement de la taxe à l'essieu, dont le présent projet de loi de finances refond, à compter de 2022, les modalités de recouvrement. Cet impôt sera désormais annuel, et non plus semestriel, et payé à terme échu, ce qui entraînera un gain de trésorerie pour les entreprises de plus de 170 millions d'euros.

S'agissant du fret ferroviaire, sa part modale a été divisée par deux ces vingt dernières années, passant de 16 % à 8 %. Cela résulte de décennies de sous‑investissements et des retards pris depuis les années 2000 dans la régénération du réseau. Ici encore, les mesures du Gouvernement sont salutaires pour le transport ferroviaire et donc pour le fret : rachat de la dette de la SNCF – 25 milliards d'euros ont été rachetés en 2020, 10 milliards supplémentaires le seront en 2022 ; recapitalisation de la SNCF à hauteur de 4,1 milliards d'euros, au bénéfice de SNCF Réseau ; transferts de l'État à SNCF Réseau pour la gestion de l'infrastructure, notamment la compensation fret pour les péages ; fonds de concours de l'AFITF dédiés au réseau capillaire fret ; mesures du plan de relance, avec 650 millions d'euros pour les infrastructures ferroviaires, notamment les plateformes multimodales de fret. Dans le plan de relance, ce sont 250 millions d'euros qui iront au fret, auxquels s'ajouteront 175 millions d'euros pour les voies d'eau et 175 millions d'euros pour le verdissement des ports.

Enfin, le Gouvernement renforce les aides octroyées aux opérateurs de transport ferroviaire et combiné : 20 millions d'euros supplémentaires pour l'aide au transbordement, qui passe de 27 à 47 millions d'euros ; prise en charge des péages pour les entreprises à hauteur de 50 %, après une année de gratuité en 2020 ; aide au wagon isolé, pour 70 millions. Cela représente donc une hausse de 170 millions d'euros des crédits consacrés au fret au sein du programme 203, hors crédits du plan de relance.

Pour conclure, les crédits que je vous présente aujourd'hui démontrent la puissance du soutien du Gouvernement à la transition écologique. Que ce soit en donnant une priorité aux transports ferroviaires, à la mobilité du quotidien ou aux transports de marchandises, ces crédits sont au service du développement durable et de la transformation nécessaire de notre mobilité et de notre économie. C'est donc tout naturellement que j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 203, et a fortiori à celle des crédits de la mission.

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