Ces rapports montrent que l'on continue à s'enfermer dans une approche technologique, alors que les transports, qu'ils soient terrestres, aériens ou maritimes, relèvent avant tout d'un système organisationnel. C'est une très grave erreur et cela nous met dans l'incapacité de comprendre ce qu'est la logistique, mais aussi, plus généralement, ce que sont les déplacements. En ciblant les investissements sur des réponses technologiques, on persiste dans cette erreur.
Un déplacement de voyageurs ou de marchandises résulte de la nécessité d'aller d'un point A à un point B. Or jamais la question de l'éloignement constant et diffus des points d'origine et de destination n'est posée comme étant le fait générateur des déplacements. On passe donc à côté des réponses qui doivent être mises en œuvre. S'agissant, par exemple, du déplacement des voyageurs, on ne pose jamais comme préalable le fait que la croissance démographique continue à déstabiliser l'aménagement du territoire : à raison de 200 000 personnes supplémentaires chaque année se déplaçant chacune en moyenne trois fois par jour, on aboutit à 3 millions de déplacements quotidiens en plus au bout de cinq ans. Nous aurions donc aimé une réflexion sur le rééquilibrage de l'aménagement du territoire tenant compte de ce facteur. Il importe de favoriser le télétravail ou encore de s'appuyer sur les travaux du professeur Carlos Moreno sur la ville du quart d'heure : en faisant en sorte que les gens trouvent tout ce dont ils ont besoin à moins d'un quart d'heure de chez eux, on réduit les déplacements et donc les besoins de mobilité.
Il n'y a aucune réflexion non plus concernant les déplacements de marchandises, l'origine et la destination des produits qui affectent les flux en France. Je regrette ainsi que l'initiative chinoise dite « Belt and Road » ne soit pas du tout prise en compte. Il s'agit en réalité d'une stratégie d'encerclement qui permet à la Chine de contrôler les flux mondiaux, notamment en prenant pied à Tanger, en Italie et en République tchèque. Quelle est la réponse de la France à cette stratégie ?
S'agissant du fret ferroviaire, on fantasme sur son retour pour contrer la place prépondérante de la route dans le transport de marchandises – 85 % de part modale. Va-t-on donc continuer à faire croire que l'on peut retourner au tout-ferroviaire, comme à l'époque de La Bête humaine, alors que la France n'a plus de mines et que son industrie lourde a fortement décru, ce qui veut dire que les points d'origine et de destination permettant le transport ferroviaire n'existent plus, contrairement à ce que l'on observe en Allemagne ? Nous n'avons pas construit des bâtiments logistiques en arrière-port comme l'ont fait Anvers, Rotterdam ou Hambourg. De ce fait, les flux sont très dispersés ; nous ne sommes pas en mesure de créer des effets de masse entre les ports et les entrepôts. C'est pourtant le sens du rapport remis en juillet 2016 à monsieur le Premier ministre Manuel Valls, par lequel, avec sept autres députés et sénateurs, nous avions invité à repenser l'aménagement du territoire pour renforcer nos ports.
J'aurais aimé qu'on se penche aussi sur les performances logistiques de nos TPE‑PME, car celles-ci sont toujours en retard : la France est treizième au niveau mondial et huitième en Europe, très loin des autres pays. Le taux de chargement des camions est très bas, ce qui représente un gaspillage énorme. Mieux les remplir, c'est diminuer leur nombre.
Je finirai tout de même par les points positifs de l'action du Gouvernement, preuve de ma volonté de construire ensemble les réponses en matière de mobilité.
La création d'un ministère de la mer permettra de mieux défendre les enjeux politiques qui y sont liés. Je regrette la baisse des crédits du programme 205, mais préfère saluer le renforcement de la sécurité, à travers l'augmentation des crédits de la SNSM.
Je salue la mobilisation de 650 millions d'euros pour la rénovation des canaux et voies navigables et les investissements stratégiques dans les ports.
En ce qui concerne les transports terrestres et fluviaux, la volonté de flécher 250 millions d'euros est un minimum pour construire un véritable écosystème ferroviaire.