On ne peut effectivement que se réjouir de la création d'un ministère de la mer. Nous travaillons étroitement avec la ministre. Pour l'heure, ce ministère partage son périmètre avec d'autres et a peu de compétences propres ; on peut espérer que cet état de fait évolue à moyen ou à long terme.
Le verdissement des navires dépend du mécanisme de suramortissement fiscal, pas du programme 205. La stabilité des crédits est sans rapport avec le ministère de la mer, car il s'agit de dépenses fiscales. Une moitié des crédits du programme 205 finance les dépenses contraintes du « netwage », l'autre moitié est consacrée au financement de l'enseignement maritime et des organismes en charge de la sécurité maritime. En résumé, une grande part du soutien de l'État au secteur maritime ne provient pas des crédits du programme 205. En revanche, dans le cadre du plan de relance, 200 millions d'euros ont été fléchés vers le verdissement des ports. Il s'agit de renforcer leur compétitivité tout en accomplissant une démarche exemplaire en matière de protection de l'environnement.
De façon générale, la transition écologique doit être le fil conducteur du développement économique du secteur maritime. Nous ne travaillons pas à trouver une solution unique au problème mais à faire évoluer le mix énergétique.
Le GNL est utilisé depuis plusieurs années ; il fait l'objet d'investissements de la part de grandes compagnies, telles que CMA-CG qui vient de prendre livraison du porte-conteneurs Champs Élysées. Toutefois, le GNL ne décarbone pas totalement le transport maritime et constitue une solution transitoire. La propulsion électrique et hybride, quant à elle, convient à de petits navires – on ne peut pas encore traverser l'océan Atlantique sur un navire électrique. La propulsion à hydrogène fait l'objet de recherches dont l'application est, là encore, limitée à quelques projets en matière de transport maritime et fluvial.
Je défends ardemment la propulsion vélique, dont la France est un leader mondial. De nombreux projets sont en cours de développement, qu'il faut absolument soutenir. Les démonstrateurs ne sont pas encore à l'eau, mais j'espère qu'une prorogation du suramortissement fiscal sera adoptée et permettra à ces jeunes entreprises de se développer. Ainsi, les équipes du projet Zéphyr & Borée travaillent sur un bateau à propulsion vélique qui transportera le lanceur Ariane 6. Le développement du vélique n'est pas pure théorie, il est alimenté par des projets très concrets. Citons également le voilier-cargo de la société TOWT, qui acheminera aux États-Unis des produits de marques françaises du secteur du luxe, ce qui sera assez emblématique.
Le développement de la stratégie nationale portuaire est bien avancé. Le plan de relance confirmera la possibilité de verdissement des ports, notamment grâce à l'électrification des quais. L'installation de bornes de quai permet de réduire la pollution de l'atmosphère. Le port de Marseille, où la pollution des gros navires est une nuisance pour les riverains, est souvent cité en exemple. Le développement de bornes de quai est très important pour Marseille, Bordeaux et les autres grands ports.
Il est vrai que nous sommes la deuxième zone économique exclusive (ZEE) mondiale grâce à nos outre-mer. Il s'agit de ne pas passer à côté, en veillant à y consacrer des investissements importants. J'ai organisé, il y a quelques semaines, un colloque national sur l'emploi maritime, où les outre-mer étaient représentés, notamment Mayotte, la Guadeloupe et Saint-Martin. De toute évidence, l'enseignement maritime dispensé dans l'hexagone doit être adapté aux réalités des territoires ultramarins ; quant à l'adaptation des métiers, elle doit être effectuée en lien étroit avec la transition écologique. Nous travaillons à développer l'enseignement de ces matières dans les lycées maritimes ou, pour les territoires ultramarins qui n'en ont pas, dans les lycées généraux.
La nécessité d'adopter une vision intégrée terre-mer est une évidence. On ne peut pas adopter deux approches distinctes de la terre et de la mer, entre lesquelles le littoral fait le lien. Nous menons ce travail dans le cadre du CNML, au sein duquel nous nous retrouvons régulièrement. La ministre de la mer est favorable à cette approche.
Le secteur des croisières est un sujet très sensible. En raison de la crise sanitaire, son modèle économique s'est effondré. On a pu parier sur des bateaux de taille plus restreinte, embarquant un nombre réduit de passagers, tels ceux de la Compagnie du Ponant. Toutefois, cette société n'a pas été épargnée par la crise que nous traversons : l'un de ses navires a récemment été immobilisé à quai en raison de plusieurs cas de coronavirus détectés à bord ; les passagers ont finalement pu débarquer. Il faut réinventer le modèle de la croisière. Comment ? Je n'ai pas la réponse à cette question. En tout état de cause, tant que la crise est là, il faut soutenir autant que faire se peut les armateurs concernés, dont l'activité est tombée à zéro.
En conclusion, je rappelle que la France fait preuve d'un engagement fort au sein de l'OMI ainsi qu'au niveau de l'Europe – mentionnons notamment le rapport récemment publié par la députée européenne Mme Karima Delli. Toutefois, cet engagement public ne peut se passer de celui des professionnels du secteur maritime, sur le modèle du partenariat public-privé. Je ne suis pas inquiète à ce sujet : les professionnels du secteur maritime sont engagés depuis longtemps dans le développement de l'économie, mais aussi dans la transition écologique. Nous travaillerons ensemble au développement de cette filière stratégique pour notre pays.