Intervention de Damien Pichereau

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Pichereau, rapporteur pour avis :

Nous avons effectivement un devoir de vigilance au regard du verdissement des flottes comme des ressources financières de l'AFITF. Ce sont les engagements que nous avons pris dans le cadre de la LOM et nous avons l'obligation de les tenir.

L'AFITF a fait l'objet de nombreuses questions. Tout d'abord, on se demande, comme l'a fait son président en audition, si cette agence n'est pas victime d'une malédiction : chaque recette qui lui est affectée est victime d'un accident ! Après l'échec de l'écotaxe il y a quelques années, la taxe dite « Chirac », dont une part du produit lui revient, subit l'effondrement du trafic aérien. Néanmoins, l'année 2020 n'inspire aucune inquiétude, même en tenant compte des conséquences du reconfinement. Les projets ont été menés à leur terme et les financements sont assurés. Les besoins de financements complémentaires pour 2020 s'élèvent, pour l'heure, à 120 millions d'euros, qui pourraient être inscrits dans le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Attendons de disposer du rapport évoqué par M. Jean-Marc Zulesi pour en avoir une vue complète. Nous avons interrogé la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer et le Gouvernement sur sa parution, qui théoriquement ne devrait plus tarder. Nous avons hâte de le recevoir pour travailler sereinement à l'avenir de l'AFITF.

Il est clair, en tout cas, que nous devons engager une réflexion à ce sujet. Nous l'avons remise à plus tard lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités, mais il faudra bien, tôt ou tard, que nous nous posions la question de la pérennisation de l'AFITF. Cette agence fonctionne plutôt bien. Certains en ont regretté les frais de fonctionnement ; je tiens à dire, de façon très transparente, qu'ils s'élèvent à 700 000 euros par an, sur un budget de 3,9 milliards, soit 0,02 % du total, ce qui est très faible. Il faut doter cette agence de recettes pérennisées, au lieu de la servir en dernier du reliquat de recettes affectées.

Nous nous sommes, nous aussi, interrogés sur la hausse de 44 % du produit des amendes forfaitaires radars prévue par le Gouvernement. Nous avons questionné le ministre délégué aux transports et le ministère de l'intérieur. En début d'année, de nombreux radars étaient encore endommagés ; à présent, le parc de radars a été rétabli dans son état de fonctionnement classique. Ainsi s'explique cette hausse. Toutefois, nous demeurerons vigilants sur ce point, car ce chiffre me semble optimiste.

Les crédits consacrés au fret sont en hausse de 170 millions d'euros au sein du programme 203. En outre, le plan de relance prévoit des crédits attribués en priorité aux autoroutes ferroviaires et aux plateformes multimodales, afin d'améliorer la flexibilité et la rapidité en matière de fret ferroviaire. Un autre point n'est pas négligeable : la désoptimisation des travaux. Les opérateurs de fret ferroviaire font circuler la plupart de leurs trains la nuit, dont SNCF Réseau profite aussi pour effectuer ses travaux. Le trafic de fret s'en trouve considérablement entravé. L'alliance 4F (Fret ferroviaire français du futur) a formulé une proposition, qui devrait être retenue, visant à instaurer un système de désoptimisation : au lieu de fermer une ligne toute une nuit, l'opérateur travaillant pour SNCF Réseau la bloquera pour deux ou trois heures, ce qui permettra aux trains de circuler. De ce fait, la part modale du transport ferroviaire devrait pouvoir augmenter de 8 % à 16 % – tel est du moins l'objectif que nous espérons atteindre.

Quant aux aides à l'acquisition de véhicules hybrides rechargeables, les critères d'éligibilité sont fixés par voie réglementaire et les crédits afférents sont inscrits dans le programme 174, dont le rapporteur pour avis est M. Christophe Arend. Il est exact que le risque d'effet d'aubaine est assez élevé, notamment pour les véhicules puissants et généralement assez lourds. C'est une transition. Peut-être faut-il se demander pourquoi les conducteurs concernés ne rechargent pas leurs véhicules : est-ce volontaire ou par manque d'infrastructures de recharge ? Un plan ambitieux visant à déployer 100 000 bornes de recharge a été annoncé il y a quelques semaines, ce qui pourrait répondre en partie à la question. J'ai abordé le sujet avec plusieurs usagers : le rôle des infrastructures de recharge est essentiel, même pour les véhicules hybrides rechargeables.

Je suis tout à fait d'accord qu'il faut développer l'usage du bioGNV. Cette énergie de transition fonctionne très bien. En outre, elle est produite localement, dans nos territoires, dès à présent et non dans vingt ou trente ans. Quant à la faire adopter par nos constructeurs de véhicules légers, nous ne pouvons pas les obliger, par une politique interventionniste, à produire des véhicules au bioGNV. Ils font le choix, que l'on peut juger critiquable, de ne pas en produire ; peut-être pourrions-nous les auditionner pour aborder le sujet avec eux. Dans un rapport dont il est le co-auteur, intitulé L'agriculture face au défi de la production d'énergie, notre collègue M. Jean-Luc Fugit aborde cette question. Ce rapport a été salué par les acteurs concernés ainsi que par le Gouvernement. Nous y trouverons sans doute des propositions pour développer le bioGNV encore davantage et pour accroître le nombre de bornes d'avitaillement. J'espère que M. Jean-Luc Fugit le présentera sous peu.

Le plan de déploiement de l'hydrogène ne relève pas du programme 203. Pour vous répondre, la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France prévoit d'investir 7 milliards d'euros d'ici à 2030, dont 2 dès à présent, dans le cadre du plan de relance, en suivant trois priorités : décarboner la production d'hydrogène ; développer la propulsion à l'hydrogène en premier lieu pour les mobilités lourdes, ce qui permettra de hâter la décarbonation et le passage à l'hydrogène ; construire une filière française de l'hydrogène. Plusieurs régions sont passées aux actes, notamment pour développer le train à hydrogène, auquel je crois énormément – j'aurais d'ailleurs aimé que ma région des Pays de la Loire en fasse partie. Des discussions sont en cours à ce sujet ; les constructeurs de poids lourds développent des modèles.

Les véhicules à hydrogène sont éligibles au bonus écologique. Je ne conteste pas cette disposition, mais j'estime que les véhicules au bioGNV devraient l'être aussi. Quoi qu'il en soit, nous avons plusieurs atouts pour développer rapidement l'usage de l'hydrogène, notamment un financement de la recherche et développement sur les usages de demain. Un aspect du sujet me semble essentiel : le temps de recharge des véhicules à l'hydrogène. Plusieurs start-up françaises développent des batteries à recharge rapide. Le temps d'un chauffeur de poids lourd est précieux ; il ne peut pas se permettre d'attendre dix minutes. Ce travail, mené notamment par l'Automobile club de l'Ouest (ACO), créateur et organisateur des 24 heures du Mans, permettra de diviser le temps de recharge par trois.

La trajectoire budgétaire en matière de transport fluvial est effectivement plutôt satisfaisante, davantage même que ce que nous avons prévu dans le cadre de la LOM, ce qui est une bonne chose. Est-ce suffisant ? Les infrastructures et le budget ne sont pas seuls en cause, certains aspects relèvent des collectivités locales. Si l'on veut développer le transport fluvial, il faut disposer de plateformes logistiques adaptées et situées aux bons endroits. Or, à l'heure actuelle, les quais des centres-villes sont souvent perçus comme des lieux touristiques plutôt qu'économiques. J'ai évoqué cette question essentielle avec plusieurs élus locaux, notamment le président des Hauts-de-France. Les quais de nos fleuves doivent participer à optimiser la logistique du transport fluvial et pas uniquement le développement touristique.

Le transport se définit certes par une origine et une destination, mais entre les deux, il y a un vecteur, qui prend la forme d'infrastructures et de services. C'est ce dont nous débattons ce matin avec le programme 203 « Infrastructures et services de transport ». Sans vecteur, il n'y a pas de transport, aussi les observations de M. François-Michel Lambert sur le télétravail et l'aménagement du territoire me semblent-elles assez peu à propos ce matin. Que des réflexions sur l'aménagement du territoire soient nécessaires par ailleurs, c'est probable. Peut-être fallait-il en parler hier, lors de l'examen des crédits consacrés à l'aménagement du territoire.

Les infrastructures routières permettent de désenclaver nos territoires ruraux. Mon avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2019 fait état des investissements considérables qui ont été réalisés au début du quinquennat dans ce domaine. Cette année, la trajectoire budgétaire des crédits concernés est stable, mais à un niveau élevé. En outre, le plan de relance prévoit 450 millions d'euros pour le désenclavement de nos territoires par la transformation des infrastructures routières, ventilés comme suit : 250 millions d'euros pour l'accélération des projets inscrits dans les contrats de plan État-région (CPER) ; 100 millions d'euros pour les ouvrages d'art de l'État et des collectivités locales, afin d'éviter un accident tel que celui survenu à Gênes ; 100 millions d'euros pour l'installation, sur nos axes routiers, de voies réservées au covoiturage ainsi qu'aux bus, et de voies cyclables.

Quant au décret de cession de certaines routes nationales caractérisées comme autoroutes, il reconduit des dispositions en vigueur, au sein d'un périmètre légèrement élargi, conformément à la LOM. Il ne s'agit pas de céder des routes nationales entières aux sociétés concessionnaires d'autoroute, tant s'en faut. Il s'agit, par exemple, de leur attribuer l'entretien d'une section de 100 mètres reliant un rond-point à une barrière de péage, qu'elles acceptent de prendre en charge. Il s'agit d'une mesure de bon sens.

La volonté de relancer le train de nuit est très ferme et mérite d'être saluée. Ce sujet a donné lieu à de longs débats en commission, lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités. Un engagement de 100 millions d'euros est annoncé, pour un travail sur deux axes : la remise en circulation des trains de nuit sur deux lignes où ils ont été arrêtés en 2017 – Paris-Nice à la fin de l'année 2021 et Paris-Tarbes en 2022 ; la remise en service du matériel de nuit, qui est pour l'heure au garage, et l'adaptation des infrastructures, notamment les gares. Les soixante et onze voitures qui n'ont pas circulé depuis 2017 doivent être modernisées, du point de vue de leur confort et de leur adéquation avec les lignes.

Plus précisément, le train de nuit Paris-Hendaye devrait emprunter la ligne Paris‑Tarbes, via Toulouse. Néanmoins, le Gouvernement, à travers la voix du ministre délégué aux transports M. Jean-Baptiste Djebbari, a demandé à la SNCF de mener une réflexion sur son tracé exact. J'ignore si le passage par Toulouse sera maintenu ou si ce train passera par Bordeaux et Dax. Ce que je sais, c'est que son tracé exact n'est pas encore défini, qui dépend sans doute de la demande. La SNCF travaille à l'évaluer. Pour l'heure, il serait envisagé d'ouvrir une liaison Paris-Tarbes, prolongée jusqu'à Hendaye en haute saison, mais la réflexion est toujours en cours. Je vous invite, monsieur Lionel Causse, à vous rapprocher de la SNCF, ce qui vous permettra également d'obtenir des précisions sur le calendrier et les modalités de l'ouverture de cette ligne.

Je partage les inquiétudes au sujet de la diminution du trafic TGV, notamment de sa répartition entre le TGV InOui et le TGV Ouigo, dont les usages sont bien distincts. Le premier supporte l'essentiel de la diminution du trafic ; le succès du second se confirme. Le changement de modèle économique est incontestable. Le développement du télétravail a des conséquences mitigées sur le nombre d'usagers réguliers du TGV. Quelles que soient les inquiétudes, l'État ne lâchera pas la SNCF, qui est une grande entreprise. J'ai beau être favorable à l'ouverture à la concurrence, j'estime que nous devons continuer à l'aider, ce que nous faisons avec la recapitalisation de 4,1 milliards d'euros, les 650 millions d'euros du plan de relance et les crédits du programme 203.

Le contexte actuel pourrait ralentir le verdissement des flottes des transporteurs de marchandises. Le mécanisme du suramortissement fiscal fonctionnait plutôt bien ; les entreprises commençaient à y recourir. Le problème, dans un contexte de fiscalité négative, est que le suramortissement devient inopérant. C'est pourquoi j'ai proposé de réfléchir à sa transformation en crédit d'impôt.

Je me réjouis que 100 millions d'euros soient consacrés à l'extension du bonus écologique et des aides à l'acquisition aux véhicules lourds propres. Je considère néanmoins que nous devons envisager notre neutralité technologique sous forme de mix énergétique. La propulsion électrique et la propulsion à l'hydrogène ne sont pas la panacée. En outre, elles en sont davantage au stade de l'expérimentation que du déploiement – on compte peu de camions électriques et de camions propulsés à l'hydrogène. J'estime que le Gouvernement doit faire porter une partie de l'effort sur les camions au bioGNV, dont le développement est encore insuffisant et doit être accéléré. Les 100 millions d'euros doivent aussi servir à cela.

Enfin, le retrofit des véhicules lourds se développe, notamment celui des bus, dont les moteurs diesel peuvent être remplacés assez rapidement par des moteurs électriques. La plupart des entreprises de ce secteur sont des start-up, ce qui pose problème dans le contexte de crise que nous connaissons. Nous devons être au rendez-vous. Nous finançons beaucoup les start-up dans le domaine du logiciel (software), mais nous avons plus de mal à financer les start-up œuvrant dans le domaine du matériel (hardware). Il faut leur donner un coup de pouce si nous voulons bâtir une filière susceptible d'être leader en Europe.

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