Renforcer l'efficacité de la réponse pénale face aux atteintes à l'environnement, tel est l'objectif des articles 8, 8 bis, 8 ter et 11 du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée, sur lesquels la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire s'est saisie pour avis. Les dispositions relatives à la création d'un parquet européen n'ayant pas trait à la protection de l'environnement, elles ne seront pas examinées par notre commission.
La réponse pénale environnementale repose sur trois piliers : l'établissement de règles, la réalisation de contrôles et l'application de sanctions. Son efficacité doit être renforcée.
De nombreuses infractions environnementales sont déjà inscrites dans notre droit : la France dispose à cet égard d'un important corpus législatif, regroupé dans le code de l'environnement, mais aussi présent dans le code forestier, le code rural et de la pêche maritime ou encore le code minier. La préservation de l'environnement constitue aussi une exigence constitutionnelle depuis l'intégration dans le bloc de constitutionnalité de la Charte de l'environnement de 2004, qui prévoit que « la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ». Enfin, la loi dite « biodiversité » de 2016 a inscrit dans le code civil la reconnaissance et la réparation du préjudice écologique.
La France dispose également des moyens de contrôler le respect des règles en matière environnementale. La loi dite « biodiversité » avait créé l'Agence française pour la biodiversité (AFB), devenue Office français de la biodiversité (OFB) par la loi du 24 juillet 2019. Le même texte renforce les prérogatives des inspecteurs de l'environnement, chargés de missions de polices administrative et judiciaire, pour prévenir et réparer les atteintes à l'environnement.
Le droit de l'environnement est donc relativement riche et les moyens de contrôle de son application ont été progressivement renforcés. Ce qu'il manque, c'est que des sanctions soient effectivement appliquées lorsque des infractions environnementales sont commises. Ce qui nous manque, ce n'est pas un droit de l'environnement, mais une justice pour l'environnement.
« Une justice pour l'environnement », c'est le titre du rapport remis par la mission d'inspection conjointe du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et de l'Inspection générale de la justice (IGJ) à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la garde des Sceaux en octobre 2019.
Nous sommes appelés à légiférer pour améliorer la cohérence et l'effectivité de la réponse pénale aux atteintes à l'environnement. L'article 8 tend à créer une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) en matière environnementale et des juridictions spécialisées dans les atteintes à l'environnement. Les articles 8 bis et 8 ter, ajoutés par le Sénat en première lecture, visent à modifier deux articles du code de l'environnement. Enfin, l'article 11 crée une peine complémentaire, l'interdiction de paraître dans les transports publics.
Le contentieux de l'environnement représente une faible part de l'activité des juridictions. Au cours de la dernière décennie, la part des affaires traitées par les parquets en matière environnementale a représenté seulement 0,5 % du total, tous contentieux confondus. La grande majorité des infractions environnementales font l'objet de mesures alternatives aux poursuites et sont peu sanctionnées.
Si les mesures alternatives aux poursuites peuvent être adaptées aux infractions de faible gravité, la réponse pénale doit être suffisamment effective et dissuasive pour éviter la commission et la réitération d'atteintes graves à l'environnement. Elle doit aussi prévoir systématiquement la recherche de la remise en état.
Fort de ces constats, le projet de loi crée une nouvelle procédure pénale, la convention judiciaire d'intérêt public en matière environnementale, suivant une recommandation de la mission d'inspection conjointe « justice et environnement », dont je veux saluer le travail. Cette procédure est inspirée de la CJIP en matière de fraude fiscale et de corruption, créée par la loi du 9 décembre 2016. Elle impose à la personne morale mise en cause une ou plusieurs obligations : verser une amende d'intérêt public ; régulariser sa situation ; assurer la réparation du préjudice écologique résultant des infractions.
Au cours de mes auditions, je me suis assurée de la bonne articulation de la CJIP en matière environnementale avec le mécanisme de transaction prévu à l'article L. 173-12 du code de l'environnement. Cette procédure mérite toutefois d'être améliorée : les amendements que j'ai déposés prévoient notamment de revoir l'échelle des peines du code de l'environnement, trop peu dissuasives pour les personnes morales, et d'ainsi rendre la convention incitative pour les personnes mises en cause.
Les auditions ont aussi fait apparaître l'absence de spécialisation du contentieux de la plupart des infractions portant atteinte à l'environnement. Si les juridictions du littoral spécialisées (JULIS) sont compétentes, de manière marginale, pour le traitement du contentieux spécifique relatif à la pollution maritime, de même que les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) pour le traitement de certains contentieux très complexes, le contentieux de l'environnement relève principalement de la compétence des juridictions de droit commun.
Il s'agit pourtant d'un contentieux technique, complexe à appréhender, pour lequel la recherche de la remise en état doit être systématisée autant que possible. La volonté d'accroître la spécialisation des juridictions en droit de l'environnement s'est déjà manifestée par le passé : les circulaires aux parquets de 2005 et de 2015 avaient ainsi généralisé la désignation de magistrats référents pour le contentieux de l'environnement dans les parquets généraux et les parquets. Toutefois, cette spécialisation demeure timide et inégale sur le territoire.
L'article 8 prévoit, et il convient de s'en réjouir, la création d'une juridiction pour l'environnement dans le ressort de chaque cour d'appel. Je proposerai d'étendre leur champ de compétence aux infractions qui, bien qu'ayant de graves conséquences environnementales, sont inscrites dans d'autres codes – c'est le cas des infractions prévues au code rural et de la pêche maritime relatives aux végétaux et aux produits phytopharmaceutiques.
Je proposerai également de renforcer l'expertise environnementale de ces pôles régionaux spécialisés en autorisant l'exercice des fonctions d'assistants de justice spécialisés par des fonctionnaires de catégorie A et B relevant du ministère la transition écologique. Ceux-ci devront aussi exercer dans les pôles de santé publique, aux côtés des fonctionnaires des ministères de la santé, de la recherche et de l'agriculture.
À terme, j'estime que le contentieux environnemental, civil comme pénal, devra être regroupé encore davantage devant ces juridictions.
L'article 8 ne traduit que deux des recommandations du rapport « Une justice pour l'environnement », qui en comporte une vingtaine – dont certaines, il est vrai, relèvent du domaine réglementaire. Je soutiendrai plusieurs amendements, portant articles additionnels, qui s'en inspirent.
Pour dissuader davantage la réitération, je proposerai de considérer, au regard de la récidive, les infractions aux milieux physiques et aux espaces naturels comme une même infraction. Je proposerai aussi de permettre aux associations de protection de l'environnement, au même titre que les associations de consommateurs, de demander à la juridiction civile ou pénale saisie d'ordonner toute mesure destinée à faire cesser des agissements illicites.
Je proposerai également de porter à deux ans maximum, au lieu d'un, le délai d'ajournement lorsque le tribunal ordonne des mesures de remise en état ou de réparation des dommages causés à l'environnement, afin de tenir compte du délai de mise en œuvre de ces mesures.
Enfin, je proposerai que la juridiction puisse prescrire, comme peine complémentaire ou alternative à l'emprisonnement, la réalisation par le condamné d'un stage de sensibilisation à la protection de l'environnement.
L'article 8 bis modifie le code de l'environnement afin de préciser qu'une décision de remise en état n'est pas nécessairement prononcée après l'arrêt de l'installation ou de l'activité.
L'article 8 ter complète le code de l'environnement en précisant qu'un navire qui a rejeté des eaux de ballast peut faire l'objet d'une immobilisation par le procureur de la République ou le juge d'instruction, dans l'attente du paiement d'un cautionnement.
Enfin, l'article 11 instaure une peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports publics au sein du code des transports. Cette mesure, considérée comme un cavalier législatif dans le projet de loi d'orientation des mobilités, permettra notamment d'améliorer la lutte contre la récidive dans des affaires de vol ou d'attouchements commis dans les transports en commun.