Intervention de Loïc Prud'homme

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

L'ambition de ce texte est de rénover la justice pénale environnementale en créant de nouvelles juridictions pour l'environnement et une CJIP, adaptation des procédures pénales françaises au nouveau Parquet européen.

Relevons au passage la schizophrénie de la construction européenne en matière environnementale, puisque l'Union est capable d'autoriser des centaines de pesticides, sur le fondement d'études tout à fait contestables présentées par leurs fabricants, tout en prétendant s'occuper de la qualité de l'air et de l'eau dans les États membres. À la schizophrénie vient s'ajouter l'hypocrisie, sachant que, depuis des lustres, l'Union européenne se garde bien de faire quoi que ce soit contre le dumping environnemental.

La plupart des atteintes à l'environnement sont commises, de façon délibérée, par des entreprises peu scrupuleuses. Celles-ci agissent en toute impunité puisqu'il n'existe, pour l'heure, aucune réponse pénale adaptée à cette criminalité industrielle. Les exemples ne manquent pas, mais je manque de temps pour les citer.

Les sanctions prononcées sont en outre fort peu dissuasives. Vinci, qui avait reconnu avoir déversé de l'eau chargée de béton directement dans la Seine, a récemment écopé d'une amende de seulement 50 000 euros…

J'ai parlé d'hypocrisie à propos de l'Union européenne : c'est le terme que l'on peut retenir s'agissant de la proposition de création de cette fameuse convention judiciaire d'intérêt public. Cette procédure permettrait au procureur de conclure un accord avec une personne morale, mise en cause pour un délit environnemental, en lieu et place d'un procès. Ce mécanisme transactionnel est une aubaine pour les entreprises pollueuses : la CJIP leur permettra de payer une amende négociée plutôt que de s'engager dans un procès pouvant déboucher sur la reconnaissance de leur culpabilité. La CJIP pourrait ainsi être synonyme de droit à polluer. Il s'agit d'une conception économique de la justice, puisque les entreprises pourront anticiper le coût financier de leurs infractions.

Certains de nos collègues ont nié que cette procédure transactionnelle s'apparente à un droit à polluer, au motif que cette procédure n'est pas automatique, qu'elle n'est qu'une option. En réalité, compte tenu du manque de moyens – la réforme se fait à moyens constants alors que la justice est déjà bien à la peine –, les procureurs privilégieront la CJIP pour gagner du temps et désengorger les tribunaux.

Bref, sitôt qu'on en gratte le vernis, on se rend compte que ce projet de loi n'est, une fois de plus, qu'un texte d'affichage, sans effet positif et concret sur le droit environnemental.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.