Intervention de Souad Zitouni

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSouad Zitouni, rapporteure pour avis :

Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que ce texte est bienvenu et représente une avancée majeure pour protéger l'environnement et répondre aux attentes de nos concitoyens. Le besoin d'une justice spécialisée est devenu évident.

Certains considèrent que la création d'une convention judiciaire d'intérêt public en matière environnementale n'est pas une avancée suffisante, mais c'est un premier pas qui permet surtout d'aller plus vite : les juridictions peuvent mettre des mois, voire des années, à rendre leur décision alors que la CJIP pourra être négociée très rapidement. Cela ne veut pas dire que l'on acceptera tout et n'importe quoi. Le procureur proposera une amende assortie de certaines obligations pour le contrevenant et la décision, loin d'être prise en catimini, devra être validée par le tribunal, dans le cadre d'une audience publique où la partie civile aura toute sa place : rien ne l'empêche de réclamer des dommages et intérêts.

Par ailleurs, l'ordonnance de validation, le montant de l'amende d'intérêt public et la convention, s'ils ne sont pas inscrits au casier judiciaire, seront publiés sur les sites internet du ministère de la justice, du ministère chargé de l'environnement et de la commune sur le territoire de laquelle l'infraction a été commise ou, à défaut, de l'établissement public de coopération intercommunale auquel la commune appartient. Le fait de ne pas s'être conformé aux dispositions du code de l'environnement aura donc fait l'objet de toute la publicité requise.

Enfin, le montant de l'amende pourra être très important, jusqu'à 30 % du chiffre d'affaires moyen annuel, et sera assorti d'obligations précises : une remise en état, le respect d'un certain délai. Surtout, la conclusion d'une CJIP ne sera qu'une alternative aux poursuites : le procureur de la République pourra très bien décider de ne pas proposer de convention et de poursuivre. L'affaire sera alors jugée devant une juridiction pénale, comme toutes les affaires pénales, au cours d'une audience à laquelle seront présentes les parties civiles, des organisations non gouvernementales, etc.

Concrètement, madame Danielle Brulebois, nous allons mettre en place des juridictions dans le ressort de la cour d'appel pour certaines atteintes à l'environnement : les affaires seront jugées dans un des tribunaux judiciaires du ressort de la cour d'appel, qui verra sa compétence territoriale étendue à tout le ressort de la cour d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des délits en question. Un décret fixera la liste de ces pôles spécialisés. Chez moi, le Vaucluse fait partie du ressort de la cour d'appel de Nîmes : ce pourra être Carpentras ou Avignon, ou un autre ; en tout état de cause, le tribunal judiciaire qui sera choisi pour traiter de ces affaires aura compétence dans tout le ressort de la cour d'appel de Nîmes. Mais il n'est pas question, monsieur Martial Saddier, de supprimer les cours d'appel : je me suis battue avec mes confrères pour les préserver, car nous en avons besoin. Bien entendu, il y aura des gradations : si les faits ne sont passibles que d'une contravention, le juge d'instruction renverra l'affaire devant le tribunal de police compétent, et les atteintes plus graves seront jugées au sein des cours d'appel ; mais dans tous les cas, on aura affaire à des juges spécialisés, et c'est le gros avantage de ce texte.

C'est précisément parce que les juges ne sont pas formés à ce type de procédures que l'on enregistre si peu de contentieux et autant de classements sans suite. Cela sera moins le cas à l'avenir, d'autant plus que les juges seront assistés par des fonctionnaires du ministère de la transition écologique qui leur apporteront leur expertise : on ne fera pas juger n'importe quoi par n'importe qui.

Monsieur Gérard Leseul, vous avez relevé à juste titre que des infractions relevant notamment du code minier ont été oubliées. Je présenterai un amendement pour y remédier : profitons de l'occasion pour remettre dans la couche toutes les autres infractions liées à l'environnement, mais prévues dans d'autres codes. C'est plus logique, et autant le faire dès maintenant.

Enfin, certains ont comparé la convention judiciaire d'intérêt public à la procédure du plaider-coupable. Ce n'est pas tout à fait pareil. La convention reste une transaction tandis que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité devant le procureur de la République (CRPC) impose l'assistance d'un avocat. Surtout, la CRPC est inscrite au casier judiciaire, contrairement à la convention judiciaire d'intérêt public, qui demeure une transaction. Bien sûr, il n'y aura pas de deuxième négociation : en cas de réitération, l'entreprise ira sans doute directement devant le tribunal correctionnel. Par ailleurs, s'il n'y a pas d'inscription au casier judiciaire, la convention fait tout de même l'objet d'une publicité puisqu'elle est notamment publiée sur le site internet du ministère de la justice.

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