Intervention de Julien Aubert

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert, rapporteur :

Par ailleurs, les éoliennes sont réparties d'une manière totalement inégale sur notre territoire, ce qui crée un effet de saturation important dans certaines zones. Un quart des 2 000 installations que compte la France métropolitaine est situé dans les Hauts-de-France et près d'un cinquième dans le Grand Est.

Le constat du développement anarchique de l'éolien – il n'obéit pas à une programmation étatique et ce sont des promoteurs privés qui font de la prospection – a été critiqué au plus haut sommet de l'État. Je vais citer, pour faire plaisir à mes collègues de la majorité, le Président de la République : il a appelé le 14 janvier dernier, lors d'une table ronde sur l'écologie dans les territoires qui s'est tenue à Pau, à être « lucide » en affirmant que « la capacité à développer massivement l'éolien est réduite ». Il a expliqué, non sans raison, que « le consensus sur l'éolien est en train de nettement s'affaiblir dans notre pays », avant d'ajouter que « de plus en plus de gens ne veulent plus voir d'éolien près de chez eux [et] considèrent que leur paysage est dégradé ».

Mme Élisabeth Borne, ex-ministre de la transition écologique et solidaire, a reconnu lors de son audition par la commission des affaires économiques du Sénat le 18 février dernier qu'il y a eu un « développement anarchique de l'éolien terrestre » et que l'État a « laissé s'implanter certains projets de parcs éoliens qui sont en covisibilité de monuments historiques ou dispersés au sein de petits parcs, de taille et de forme variables, ce qui crée une saturation visuelle et un sentiment d'encerclement autour de certains bourgs parfois insupportable ».

Outre le problème posé par la manière dont est développée cette énergie dans notre pays, il ne faut pas ignorer les nuisances qu'elle suscite.

L'implantation de parcs éoliens nuit souvent à la qualité de vie des riverains, en raison de gênes d'ordre acoustique et visuel. Celles d'ordre visuel sont liées non seulement aux conséquences sur le paysage – la commission d'enquête a montré qu'un élément vertical implanté dans un paysage horizontal attire l'œil, ce qui peut conduire à éclipser des monuments ou des sites remarquables –, mais aussi au balisage lumineux diurne et nocturne, au mouvement de rotation du rotor, à l'ombre projetée des pales ou encore aux reflets lumineux sur le rotor. Par ailleurs, des personnes peuvent être sensibles à certaines vibrations.

Une étude réalisée auprès des collectivités locales pour le compte de l'Agence de la transition écologique, anciennement Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), relève que la saturation de l'espace est considérée comme une contrainte forte pour le développement de l'éolien par 25 % des communes qui ont répondu et qu'il en est de même pour les gênes visuelles selon 21 % d'entre elles. Selon un sondage réalisé en 2015 par le CSA, 31 % des habitants qui entendent fonctionner les éoliennes chez eux se disent gênés par le bruit.

Par ailleurs, et c'est le rapporteur spécial du budget de l'énergie qui vous le dit, tout cela coûte vraiment très cher. Dans un rapport relatif au soutien à l'éolien en France qui a été remis en 2019 à la commission des finances, à ma demande, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a estimé que le coût serait compris entre 73 et 90 milliards d'euros d'ici à 2028, pour assurer 15 % de notre production électrique à cette date. À titre de comparaison, le parc nucléaire a coûté 72 milliards d'euros en valeur 2010 et 80 milliards d'euros en valeur 2019, alors qu'il produit cinq fois plus d'électricité.

Il faut aussi rappeler que le développement de l'énergie éolienne conduit à une intermittence au sein du réseau électrique. L'accroissement de la part de l'éolien pose de vrais problèmes, car il n'est pas pilotable aussi facilement que le thermique, le nucléaire ou l'hydraulique. Cela nous expose à un risque de « black-out » géant qui a été souligné par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) comme par le réseau européen des gestionnaires de réseau de transport et que, en France, RTE (Réseau de transport d'électricité) est en train de prendre en compte d'une manière plus approfondie : il peut y avoir de véritables difficultés en cas d'hiver rigoureux.

Cette proposition de loi ne vise pas à tuer une industrie. En revanche, il existe un consensus politique sur le fait que l'éolien est un sujet – les propos du Président de la République le montrent. La question qui se pose à nous, en tant que parlementaires, n'est pas de savoir si l'éolien doit vivre ou mourir, mais dans quelle mesure nous pouvons prendre en compte les attentes de nos concitoyens, pour qui le statu quo est inacceptable. La proposition de loi peut être critiquée mais elle présente un avantage : elle va nous permettre de discuter de cette question et de déterminer où se trouve la justice entre ceux qui poussent une industrie qu'ils peuvent estimer utile à notre pays et des gens, mais aussi des communes, qui considèrent qu'ils ont le droit de déterminer ce qui se passe sur leur territoire et qu'on ne peut pas ignorer les problèmes de santé ou de visibilité des éoliennes. La moindre belette a droit à une étude d'impact lorsqu'on construit une autoroute. Pourquoi ne pas se pencher aussi sur l'humain ? C'est lui aussi un mammifère…

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