Monsieur Perea, le groupe La République en Marche a un problème : vous êtes d'accord avec le diagnostic mais vous dites, avec beaucoup de nuances, que cette proposition de loi ne règle aucun problème et vous ne voulez absolument rien changer ! Surtout, dans le cadre des travaux de la commission d'enquête sur l'impact des énergies renouvelables, la rapporteure, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, membre de votre groupe, a rédigé un rapport. Moi, en ma qualité de président de cette commission d'enquête, je n'ai rien écrit.
Comme manifestement, vous ne l'avez pas lu, je vais en citer quelques passages : « Lors de son audition par la commission d'enquête, M. Jean François Carenco, le président de la CRE, ne s'en est d'ailleurs pas caché et a expressément convenu du fait que la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables électriques ne sont pas réalisés dans le but de diminuer les émissions de gaz à effet de serre [...]. Quant aux éoliennes, si elles n'émettent pas de gaz à effet de serre lors de leur production d'électricité, elles n'en demeurent pas moins une source globale d'émissions au cours de leur cycle de vie. Toujours selon l'ADEME, l'analyse du cycle de vie d'une éolienne, qui prend en compte à la fois l'extraction et le traitement des matières premières mais aussi les processus de fabrication, le transport, la distribution, la réutilisation et le recyclage de certains composants, conduit à une émission en moyenne entre 12 et 15 grammes d'équivalent CO2/kWh. » Un peu plus loin, le rapport précise encore : « il apparaîtrait que les énergies renouvelables consomment néanmoins plus de matières minérales et métalliques que les technologies du bouquet énergétique traditionnel, ainsi qu'une plus grande variété de métaux. Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), par rapport aux énergies fossiles, pour une même quantité d'énergie produite, l'éolien et le photovoltaïque nécessitent quinze fois plus de béton, quatre-vingt-dix fois plus d'aluminium et cinquante fois plus de cuivre. »
Je veux bien accepter tous les arguments, mais ôtez-vous de la tête l'idée qu'on installerait des éoliennes pour lutter contre le réchauffement climatique. Ce n'est pas vrai ! Et ce n'est pas le président de la commission d'enquête qui le dit, mais un rapport bipartisan, adopté par la majorité et par l'opposition.
Je crois que vous aimez bien les chasseurs. Regardez donc ce qui se passe dans le Blayais, où EDF souhaite implanter des éoliennes terrestres. Les chasseurs et les militants de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) s'y retrouvent main dans la main pour protester contre ce projet qui défigurerait un parc naturel régional. On ne peut vraiment pas dire que l'implantation des éoliennes est systématiquement corrélée avec la protection de l'environnement : elle a réussi le miracle de réunir des gens qui, généralement, ne sont pas très proches !
Toutes les interventions avaient un point commun : une préoccupation en matière de santé. Il pouvait être envisagé d'adopter l'article 3 pour obtenir des études d'impact. Mais il faudrait repousser les articles 1er et 2 qui visent pourtant le même objectif de préservation de la santé en prévoyant notamment d'éloigner les éoliennes des habitations…
Pourquoi propose-t-on une distance de 1 500 mètres ? Ce n'est pas moi qui l'ai inventée, M. Perea, M. Pahun – qui m'a dit que le cadre proposé faisait l'économie de toute nuance, ce qui est l'hommage d'un connaisseur ! Cette recommandation émane de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), que le Président de la République et le ministre de la santé citent à tout va en ce moment pour justifier toutes les mesures contraignantes qui sont prises. On ne peut pas retenir de l'OMS que ce qui nous intéresse ! Depuis 2006, cette organisation recommande d'installer les éoliennes à une distance de 1 500 mètres. L'Académie de médecine a également repris cette position.
On peut débattre de façon intéressante, à condition de rester objectifs. Non, cette proposition de loi n'a pas vocation à tuer l'industrie éolienne terrestre : elle prend en compte une colère qui s'exprime dans notre pays et qu'on ne peut pas nier. Ce serait un échec pour le travail parlementaire d'admettre que j'ai raison mais de n'adopter aucune disposition sous prétexte que mon texte ne vous conviendrait pas.
Vous avez évoqué des points qui, effectivement, auraient pu être intégrés dans ce texte, que je n'ai pas voulu alourdir. Ainsi, l'éolien offshore pose également des problèmes, notamment s'agissant de la protection des fonds marins. Néanmoins, en matière d'impact sur la santé des populations, ce n'est pas le même sujet, compte tenu de la distance. En outre, cette technologie n'est pas au même niveau non plus, en matière de maturité et d'avancement. Je ne suis pas hostile à ce que vous déposiez des amendements sur l'éolien offshore, mais j'ai préféré, pour ce qui me concerne, me concentrer sur l'éolien terrestre.
Ensuite, c'est vrai, la proposition de loi ne prévoit pas de développer une procédure de concertation. Mais je n'y suis pas hostile. Simplement, je dis qu'il est difficile pour le maire d'une commune dont la population et les maires des communes voisines sont à 99 %, voire 100 %, hostiles à un projet d'implantation, de répondre que leur avis ne sera pas pris en compte ! Ce sont eux qui vivront ensuite près de ce parc éolien.
Il ne s'agit pas pour autant de tomber dans le « not in my backyard » que M. Perea a cité à bon escient. Quand on sait qu'en Allemagne – pays de l'éolien – les éoliennes sont, dans certains Länder, installées à une distance de 1 000 mètres des habitations, on peut légitimement s'interroger sur nos 500 mètres. Je ne préconise pas non plus de les installer à 10 kilomètres ! S'agissant des nuisances, en tout cas, 1 000 mètres ou 1 500 mètres peuvent faire la différence et permettre une acceptabilité sociale qu'à 500 mètres vous n'avez pas.
On peut considérer qu'une bonne politique de stratégie énergétique consisterait à définir les lieux d'implantation en fonction du vent et de la force de l'opposition ; cela permettrait d'aller plus vite.
Le représentant du groupe Socialistes et apparentés me demande ce qu'impliquerait l'allongement de la distance en matière de développement de l'éolien. Apparemment, monsieur Leseul, vous avez réalisé l'étude d'impact, puisque vous considérez que l'adoption de la proposition de loi stoppera toute évolution de l'éolien. Je ne le pense pas.
Je pense, en revanche, que, sur le plan écologique, il n'est pas prouvé aujourd'hui que l'éolien apporte une plus-value. Or cela coûte très cher. Nous pourrions miser sur d'autres énergies. Ce n'est pas parce qu'on réduirait de moitié le taux de progression de l'éolien pour investir dans l'hydrogène ou les biocarburants, par exemple, que cela modifierait la manière dont on conçoit la transition énergétique.