Intervention de Jean-Pierre Farandou

Réunion du mercredi 2 décembre 2020 à 11h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF :

Nous pourrons examiner ce souhait.

Il est vrai que le matériel roulant est assez ancien. Là encore, il revient aux pouvoirs publics de définir, dans la fameuse convention de service public entre l'État et la SNCF, les trains et les matériels souhaités.

L'État nous demande de relancer deux autres lignes qu'il financera au travers du plan de relance : Paris-Nice et Paris-Hendaye. Le tracé de cette dernière peut sans doute être encore discuté. J'entends et prends bonne note que les habitants des Landes préféreraient que le train passe par Bordeaux.

L'impulsion est donnée et nous allons faire rouler les trains, répondant ainsi sans doute à la demande des jeunes qui ont moins envie de prendre l'avion et souhaitent voyager en train de nuit pour les longues distances. On assiste ailleurs à un renouveau des trains de nuit, notamment en Autriche. Dans ce pays plus petit, la donne est différente car les trains qui partent de Vienne sont internationaux et la clientèle n'est pas la même. Nous sommes aujourd'hui en discussion avec les chemins de fer fédéraux autrichiens pour acquérir leurs matériels roulants, afin d'améliorer la qualité de service à bord.

Je vous l'ai dit, je suis un fervent partisan de l'hydrogène. Je pense qu'une fois que l'hydrogène sera produit massivement et à des prix raisonnables, il ne sera pas très compliqué, technologiquement parlant, d'équiper les trains de moteurs à hydrogène. Tout l'enjeu, aujourd'hui, est de créer une véritable filière, et c'est précisément l'un des objets du plan de relance. Le travail de l'État consiste à encourager les industriels à se lancer dans cette aventure. Je crois savoir que EDF, Total ou encore Air liquide, ces grandes entreprises de l'énergie, souhaitent emprunter cette voie, ce qui est une bonne nouvelle. De son côté, la SNCF travaille avec les quatre régions qui se sont déclarées intéressées par un prototype de train à hydrogène. J'espère que nous conclurons cette commande d'ici la fin de l'année.

Je ne peux qu'être d'accord avec les orientations dessinées par M. Benoît Simian concernant la TREF et la CST, taxes que la SNCF subit depuis maintenant dix ans. Elles pouvaient sembler légitimes lorsque l'entreprise était en situation de monopole et plutôt en bonne santé économique ; elles paraissent moins équitables dans le contexte économique actuel. Par ailleurs, il est quelque peu paradoxal que l'on prélève sur le chiffre d'affaires de la SNCF de quoi financer sa mise en concurrence. Les discussions sont engagées avec le Gouvernement et les parlementaires auront sans doute à s'emparer du sujet dans les mois qui viennent. Je forme le vœu qu'il soit traité dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2022.

Nous sommes conscients que la SNCF est un donneur d'ordres important pour le tissu industriel français et qu'elle a affaire à des PME de qualité. Bien que soumis aux règles de la commande publique et à la réglementation européenne, nous pourrions regarder, toutes précautions juridiques prises, comment faire en sorte que les entreprises françaises trouvent leur part dans ces marchés. Plusieurs d'entre vous seront certainement amenés à défendre des entreprises installées dans votre circonscription : n'hésitez pas à nous en parler le plus en amont possible car il est difficile de revenir sur une opération de marché lorsque les choses sont trop engagées.

Si vous me permettez le mot, le train et le vélo sont dans le même bateau… celui des mobilités douces. La philosophie est la même ; d'ailleurs, les usagers du train se déplacent aussi à vélo. Notre objectif commun est que moins de gens prennent la voiture. Offrir plus de place aux vélos dans les trains va donc dans le sens de l'histoire. Une solution consisterait à prévoir plus d'emplacements pour les vélos. Pour leurs nouveaux matériels roulants, les régions peuvent d'ores et déjà opter pour des voitures offrant jusqu'à vingt places, ce qui n'est pas si mal. Il conviendrait aussi d'encourager la location de vélos à l'arrivée, même si les usagers préfèrent emporter leur matériel. Enfin, il faut veiller à travailler sur la fluidité des échanges car s'il faut dix minutes pour débarquer l'ensemble des vélos, cela aura des retentissements sur la régularité des trains.

Je ne dis pas que l'offre Ouigo écrasera l'offre InOui : il faut conserver les deux gammes car elles ont leur logique propre, mais rendre les trajets en TGV InOui plus accessibles. Dans la mesure où ces trains seront moins empruntés par la clientèle d'affaires, nous pourrions envisager de réduire à deux le nombre de voitures de première classe dans les rames TGV de nouvelle génération, actuellement mises au point avec Alstom. Du côté des tarifs, il faudra s'assurer que les abonnés puissent accéder plus facilement à l'ensemble des trains.

Nous sommes très fiers d'avoir participé à l'effort national : les dix TGV sanitaires ont permis d'évacuer une centaine de malades depuis les hôpitaux de l'est et du nord vers ceux de l'ouest et du sud-ouest. Transformer un train en hôpital demande un effort logistique important. Cela suppose de démonter les sièges, d'équiper les voitures avec du matériel d'oxygénation et des groupes électrogènes, d'installer des brancards médicalisés pouvant accueillir des personnes placées en coma artificiel. Les trajets ont été sécurisés au maximum : trois fois plus de conducteurs que d'ordinaire étaient requis afin de parer à toute éventualité ; les gendarmes gardaient les passages à niveau. Les cheminots se sont pleinement engagés, fiers de faire rouler ces trains. De mémoire, le coût de cette opération a été de 100 000 euros par circulation, soit 1 million d'euros. La SNCF a souhaité en faire cadeau à la collectivité.

Nous avons déjà évoqué le sujet sensible des fermetures de guichets. La relation humaine doit être préservée. Il est important que chaque usager, quelle que soit sa situation, puisse avoir accès à la SNCF, comme à tout service public. Nous devons conserver une offre par téléphone et garder un peu de présence humaine dans les gares, quitte à ce que les équipes tournent. Mais il faut bien voir aussi qu'un cheminot qui ne vend que deux billets dans une journée entière de travail finit par s'ennuyer et à se sentir sous-utilisé, ce qui n'est pas une bonne chose. Nous cherchons à déployer un éventail de solutions, comme la présence sur les marchés ou l'installation d'autres activités dans les gares, ce qui suppose un travail de préparation en amont avec les élus locaux et les associations : l'imagination est au pouvoir.

Sur le projet de la gare du Nord, nous ne sommes pas passés loin de la catastrophe. La Ville de Paris avait les moyens juridiques et opérationnels – en n'autorisant pas la circulation des engins de travaux ou l'installation des grues, par exemple – de bloquer le chantier. De vous à moi, je ne trouve pas anormal de discuter avec une municipalité lorsqu'il s'agit de travaux aussi importants, qui ont de telles répercussions sur le tissu urbain. Les problèmes rencontrés sont sans doute nés d'un manque de dialogue. Ceux qui me connaissent le savent, j'aime écouter et discuter, et j'estime nécessaire de prendre en compte les revendications lorsqu'elles sont légitimes. Je pense avoir réussi à renouer le dialogue. Nous sommes ainsi parvenus à une convergence de vues et les travaux vont pouvoir démarrer prochainement – avec du retard, certes, mais l'essentiel sera achevé pour les Jeux olympiques de 2024.

Quels sont les éléments de cet accord ? Les critiques portaient sur la hauteur des bâtiments et sur l'emprise des commerces ; nous avons supprimé un étage et demi et réduit le nombre de magasins. La Ville de Paris fera partie d'une commission chargée de déterminer la nature des commerces – avec plus d'enseignes bio et équitables – afin de mieux répondre à la demande locale. Le projet a été verdi – ce n'est pas du green washing – avec l'agrandissement du jardin suspendu qui couvrira la superficie de la gare et sera accessible à tous. Le parking réservé aux vélos, le plus grand en France, comprendra 3 000 places. Le parvis sera dédié aux piétons et aux cyclistes, les taxis accéderont à la gare en sous-sol. Enfin, une demande ancienne des riverains sera satisfaite puisqu'une passerelle au nord reliera la gare au quartier de la Chapelle. L'accord que nous avons trouvé avec la Ville de Paris a permis d'améliorer le projet et je m'en réjouis. Si tout va bien, nous pourrons attaquer les travaux dès le début de l'année prochaine.

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