Intervention de Olivia Gregoire

Réunion du mardi 19 janvier 2021 à 17h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Olivia Gregoire, secrétaire d'État :

Après avoir présenté ma feuille de route à la commission des affaires économiques, le 18 novembre 2020, il m'est désormais possible de vous présenter un premier bilan de mon action en faveur de l'économie sociale et solidaire, d'une part, et d'une économie plus responsable, d'autre part. Dans un cas comme dans l'autre, l'enjeu est d'adapter notre économie à une urgence climatique qui nous impose d'innover rapidement. La sobriété demeure un concept relativement neuf pour nos sociétés d'ultraconsommation.

Je veille à la bonne exécution des différents appels à projets du plan de relance, dont 1,3 milliard d'euros seront consacrés aux acteurs de l'économie sociale et solidaire. À ce jour, nous avons lancé les deux premiers appels à projets du fonds « avenir bio ». Nous devons très prochainement enclencher ceux concernant les jardins partagés, le tourisme durable, le fonds d'investissement dans le réemploi et le recyclage ou encore l'opération « paniers fraîcheur ». À chaque fois, de façon approfondie, j'en informe les acteurs et les têtes de réseau car il est vital que les acteurs de l'économie sociale et solidaire se saisissent de ces appels à projets pour prouver leur valeur ajoutée sociale et écologique.

J'ai souhaité que l'économie circulaire fasse l'objet du premier appel à projets pour une nouvelle série de contrats à impact. Je précise qu'il est bien question de « contrats à impact » et non plus de « contrats à impact social » car il est essentiel qu'ils répondent à des problématiques écologiques et pas uniquement sociales ou sociétales. Le premier appel à projets, lancé en septembre, s'est terminé le 23 décembre 2020. Alors que nous avions budgété 10 millions d'euros pour soutenir a minima une dizaine de projets, nous avons reçu une trentaine de réponses qualifiées, pour un montant total évalué à 75 millions d'euros.

Cela fait plaisir parce que c'est un dispositif assez innovant, une nouvelle sorte de partenariat public-privé. Beaucoup m'ont dit que cela ne marcherait jamais mais, étant têtue, je suis en mesure de vous annoncer une première bonne nouvelle : le premier contrat à impact sur l'économie circulaire a suscité l'intérêt des porteurs de projets. C'est tout à la fois une invitation claire à augmenter l'offre et la preuve qu'il existe une demande. C'est la preuve également que les acteurs de l'économie sociale et solidaire ont une ambition économique et sont capables, comme je les y avais encouragés, de se rassembler dans des consortiums pour pouvoir prétendre à des enveloppes financières significatives, permettant à leurs projets de changer d'échelle.

C'est parce que je suis intimement convaincue que l'économie est essentielle pour faire avancer l'écologie que le Président de la République m'a confié l'animation du groupe de travail « produire et travailler » sur les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Les échanges avec ce groupe de travail ont été passionnants, exigeants et constructifs. Ils ont démontré une maîtrise de ce sujet difficile, une expertise et un travail en profondeur qui m'ont beaucoup impressionnée.

Plusieurs réformes essentielles sont attendues dans ce cadre, sur l'achat public responsable, la mise à disposition de pièces détachées ou encore l'évolution du rôle des comités sociaux et économiques des entreprises. L'économie sociale et solidaire y aura toute sa place. L'achat public responsable favorise les acteurs qui sont déjà responsables, notamment en matière d'emploi local ou de limitation des déchets. La mise à disposition des pièces détachées permet de soutenir directement les ressourceries et les recycleries, très majoritairement portées par les acteurs de l'ESS. Enfin, s'agissant des comités sociaux et économiques, l'objectif est d'impliquer davantage les salariés dans la gouvernance des entreprises. Ce projet de loi proposera des actions concrètes : c'est la seule manière de faire avancer l'écologie et l'économie main dans la main.

Tout l'enjeu de mon portefeuille ministériel est de concilier les acteurs de terrain de l'économie sociale et solidaire et les grands projets nécessaires pour faire avancer l'économie responsable. Nous avons commencé à mener ce travail souterrain, même s'il n'est pas évident de s'y retrouver parmi les nombreuses initiatives lancées.

Un sommet sur la biodiversité, One Planet Summit, a été organisé par la France le 11 janvier 2021 avec le soutien des Nations Unies et de la Banque mondiale. Je m'étais occupée de l'organisation et de l'animation de celui qui concernait la finance durable, en décembre 2020. Lors de ce premier sommet, qui coïncidait avec les cinq ans de l'accord de Paris sur le climat, nous avions présenté les engagements des investisseurs en faveur de la finance durable, à savoir six initiatives : la coalition d'entreprises appliquant les recommandations de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) ; le réseau des superviseurs et régulateurs de marchés pour une finance durable ; la coalition d'investisseurs privés Climate Action 100+ ; la Net Zero Asset Owner Alliance ; la coalition des banques publiques de développement Finance in Common ; l'initiative Subnational Climate Fund, qui développe des méthodes de partenariat public-privé. Ces acteurs internationaux s'engagent ensemble, bien au-delà des frontières européennes, en faveur du climat.

Depuis le G7 animé par la France en 2019, nous avons dépassé le cadre de la seule Europe pour la TCFD. Pour être efficaces, nous devons adapter nos référentiels et nos objectifs au plan mondial. Je souhaite aller plus loin dans cette démarche, notamment pour la performance extrafinancière, pour laquelle l'Europe doit présenter en mars une révision de la directive sur la publication d'informations extrafinancières, dite NFRD – non-financial reporting directive. L'enjeu est clair : savoir combien d'entreprises seront tenues de publier des indicateurs concernant leurs performances – non seulement économiques, mais également en matière environnementale, sociale et de gouvernance –, comment elles le feront et quels seront ces indicateurs. Avec ces questions, nous tenons entre nos mains une partie de l'avenir du capitalisme responsable mais aussi de l'avenir de l'Europe puisque de notre réponse dépendra notre capacité à faire valoir nos propres standards vis-à-vis de puissances comme les États-Unis et la Chine, qui n'ont certainement pas la même définition que nous de l'impact écologique et social. Nous en faisons un sujet de souveraineté pour l'Europe.

Pour simplifier ce débat, assez technique en apparence mais résolument politique, j'ai coutume de dire que les règles du jeu économique – les normes – sont détenues et évaluées par ceux qui les édictent. Si l'Europe n'arrive pas à établir sa propre norme de performance extrafinancière, alors elle devra en subir une. Nous avons connu de tels épisodes, il y a une vingtaine d'années, quand l'Europe a délégué aux États-Unis la gestion des normes IFRS – International Financial Reporting Standards. En 2019, nous pleurions encore à chaudes larmes en voyant des agences de notation passer sous pavillon américain parce que nous n'avions pas obtenu notre propre norme. Une bonne partie de mon travail au service de l'économie responsable en Europe consiste à ne pas reproduire cette erreur et à faire en sorte que l'Europe soit capable de bâtir sa norme extrafinancière, avec une dimension extraterritoriale forte, afin que les entreprises américaines ou chinoises venant commercer sur le territoire européen s'y soumettent, tout comme les entreprises françaises réalisant une partie de leur chiffre d'affaires aux États-Unis ou en Asie se soumettent aux normes américaines ou chinoises.

Les entreprises françaises n'ont pas à rougir de leurs performances en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). La France, grand pays de la responsabilité sociale et environnementale, a souvent été une locomotive pour d'autres pays. Les entreprises françaises, notamment petites et moyennes, n'ont pas à craindre la création d'une norme extrafinancière relative à l'ESG. Elles ont d'ailleurs, pour la plupart, conscience des enjeux environnementaux et enclenché une évolution vers des modes de production plus décarbonés. La France est un grand pays de protection sociale, son code du travail est de qualité, complet – voire complexe – et protecteur. Elle n'a donc pas à avoir peur et doit au contraire se saisir, de façon offensive et proactive, de la souveraineté que confère la norme extrafinancière, sujet qui nous occupera toute l'année en Europe.

L'Europe avance, malgré des débats qui peuvent paraître lointains dans la situation sanitaire actuelle. Le Commissaire européen au commerce M. Valdis Dombrovskis est à la manœuvre et sa collègue irlandaise, Mme Mairead McGuinness, est responsable du texte NFRD. La directive sera prête fin mars et j'ai bon espoir que nous en ferons un axe fort de la présidence française de l'Union européenne au premier semestre 2022. Je prépare des initiatives dans cette optique, d'une part, pour encourager les entreprises françaises à publier leurs données de performance extrafinancière sans attendre la nouvelle régulation européenne et, d'autre part, pour inciter à la construction d'une coalition française de l'investissement et de la finance à impact. Ce sont deux enjeux sur lesquels nous devons faire travailler les acteurs nationaux, sans quoi nous regarderons passer les trains.

Voilà un aperçu de mon action depuis bientôt six mois au ministère de l'économie, des finances et de la relance, aux côtés de M. Bruno Le Maire, qui prête une attention toute particulière à ces questions. Je reprendrai ses mots lorsqu'il m'a accueillie à Bercy en juillet : « social, solidaire et responsable, c'est l'avenir de l'économie française telle que nous la souhaitons ». La tâche est fixée, elle est lourde ; à moi d'y travailler et à nous tous de la rendre possible.

Madame la présidente, j'ai indiqué les opportunités que la Convention citoyenne pour le climat offrait à l'ESS. Qui plus est, le chapitre sur la consommation du futur projet de loi permettra une information plus juste du consommateur et favorisera les entrepreneurs et les produits locaux et responsables.

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