Intervention de Olivia Gregoire

Réunion du mardi 19 janvier 2021 à 17h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Olivia Gregoire, secrétaire d'État :

Concernant les PTCE, le rapport du Labo de l'ESS a été diffusé à l'ensemble des acteurs. Je souhaite vraiment développer les synergies locales et les partenariats avec les collectivités et l'État. Les collectivités locales sont en effet des acteurs indispensables à la vie et au changement d'échelle de l'ESS. Bien que très utiles, les PTCE, créés par la loi dite « Hamon » de 2014, sont malheureusement délaissés depuis plusieurs années ; j'ai bien l'intention de les relancer. Portés à 71 % par des associations et à 24 % par des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) ou des SCOP, ils sont un véritable outil d'essaimage de l'ESS dans les territoires et d'hybridation entre économie traditionnelle, ESS et acteurs locaux.

Il existe de vraies pistes opérationnelles pour relancer les PTCE dès le premier trimestre 2021. J'y travaille ardemment parce qu'ils représentent des modes innovants de structuration de l'ESS dans le territoire et permettent de décloisonner les acteurs. De plus, ils portent très souvent sur des secteurs de la transition écologique ou sociale, comme j'ai pu le constater la semaine dernière, dans la circonscription de M. Coquerel, à l'Île-Saint-Denis. Enfin, ils permettent de recréer des filières, avec des emplois non délocalisables, et de revitaliser des territoires socialement et économiquement touchés.

On trouve dans le rapport du Labo de l'ESS une carte passionnante des PTCE, qui montre une « diagonale du vide », où nous favoriserons certainement l'émergence de nouveaux pôles. J'ai aussi obtenu, dans le cadre de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dite « loi ASAP », que l'appel à projets PTCE soit simplifié pour que les fonds arrivent rapidement vers les acteurs qui en ont besoin.

Alors qu'aucun PTCE n'avait été créé depuis 2015, nous en relancerons un, simplifié, dans les premiers mois de 2021. Je compte sur vous pour nous aider à recenser les projets qui pourraient s'inscrire dans cette dynamique, pour formuler aussi des propositions utiles afin que le PTCE redevienne un très bon outil de politique publique et d'aménagement économique du territoire. Il faut soutenir l'émergence de nouveaux PTCE, consolider la fonction d'animation des PTCE – c'était une de leurs faiblesses – et renforcer leurs compétences, notamment grâce aux acteurs de l'accompagnement tels que France Active, la Caisse des dépôts et consignations ou les dispositifs locaux d'accompagnement (DLA). J'ai poussé pour obtenir une augmentation significative de leur budget, l'objectif étant de voir comment mieux réunir le savoir-faire des DLA et l'animation des PTCE.

La commande publique et la fonction achats sont incontestablement de puissants leviers de transformation économique. Le droit européen permet d'intégrer des clauses ESG dans les cahiers des charges des marchés mais les entreprises candidates ne peuvent pas être favorisées sur la base de leur performance RSE. Il faut donc inciter les acheteurs publics à insérer des clauses sociales et environnementales dans leurs marchés. L'article 15 du projet de loi marquera une avancée significative puisque, d'ici cinq ans, le choix du soumissionnaire devra obligatoirement prendre en considération un critère environnemental.

Nous intégrerons dans le projet de loi, qui arrivera au Parlement en mars, les propositions du groupe « Produire et travailler » de la Convention citoyenne pour le climat. En parallèle, j'ai missionné le médiateur des entreprises, M. Pierre Pelouzet, pour qu'on déploie plus largement le label « relations fournisseurs et achats responsables ». Je souhaite vraiment que la majorité des ministères entame une démarche de labellisation d'ici 2022. J'insiste parce qu'il est difficile d'imposer quelque chose à nos entreprises ou même de les encourager, lorsque l'État n'est pas toujours exemplaire en la matière. Nous devons l'être ! Certains ministères le font, pas tous. Pourquoi ? Comment améliorer la démarche ? Avec Mme Agnès Pannier-Runacher, je souhaite aussi lancer une mission pour que les achats publics, dans le cadre de la relance, soient mieux servis. La commande publique est un formidable vivier de relance pour nos très petites et moyennes entreprises dans les territoires.

Concernant les labels RSE sectoriels, les résultats du rapport confié notamment à la députée Mme Coralie Dubost devraient être prochainement transmis au Parlement. Ils montrent le dynamisme des fédérations sectorielles en la matière. Ce sujet est également défendu par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), soucieuse de ces labels sectoriels. Les fédérations sont en première ligne pour connaître les enjeux RSE adaptés à leurs marchés et importants pour leurs adhérents. Avec la plateforme RSE, nous allons travailler à ce que le plus grand nombre de fédérations sectorielles se dotent de tels labels et les inscrivent dans l'organisation que nous allons créer.

Si les appels à projets sont trop courts, je ne vais pas me défausser, mais ce n'est pas de ma faute : ce n'est pas l'ESS qui en lance le plus grand nombre. Nous en avons quinze dans le plan de relance : quatre sont publiés et un cinquième le sera sous peu.

S'agissant de l'ingénierie et de la nécessaire adaptation des appels à projets à la réalité de l'ESS, j'ai renforcé le DLA de quasiment 30 %, 2,8 millions d'euros venant s'ajouter au budget de 10 millions voté dans le projet de loi de finances pour 2020. Le DLA devrait donc être plus facilement accessible aux structures. De plus, l'ensemble des appels à projets ont été regroupés sur le site du ministère des finances, sous l'onglet secrétariat d'État à l'économie sociale solidaire et responsable, afin d'éviter de se perdre dans les méandres des sites ministériels. Nous devons encore renforcer l'ingénierie : c'est ce que doit faire le DLA.

S'agissant de la finance durable, le Président de la République et M. Bruno Le Maire ont fait de son développement un axe prioritaire de la régulation financière. Notre réponse à la nécessité de réorienter les capitaux privés vers des investissements durables a d'abord été française. Nous sommes l'un des premiers pays au monde à avoir adopté, dès 2015, dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, une obligation de transparence sur l'intégration des facteurs ESG dans les stratégies des investisseurs. En cette matière, l'horizon est avant tout européen. La France a soutenu très fortement le paquet européen sur la finance durable, dont une partie s'inspire de la réglementation française.

La taxonomie des activités durables est un outil exceptionnel pour faciliter l'allocation de capitaux à la transition écologique et le développement de produits comme les green bonds ou les labels. Mon travail, en tant que secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable, est de m'assurer de la parfaite cohérence et de la bonne articulation entre la taxonomie et la directive NFRD révisée. Lors de mes échanges avec Mme Mairead McGuinness, le 15 décembre 2020, j'ai rappelé qu'il fallait partir des indicateurs déterminés dans la taxonomie et, surtout, ne pas créer de rupture de charge entre taxonomie et extrafinancier.

Nous allons fortement encourager le développement d'une taxonomie sociale. Nous souhaitons également parvenir, dans les prochains mois, à une réglementation des agences de notation extrafinancières. Par ailleurs, la révision de la directive NFRD nous permettra de développer des indicateurs européens de mesure de la performance extrafinancière. Les investisseurs recevront une information plus globale, plus fiable et plus harmonisée de la part des entreprises.

Je souhaite également insister sur deux autres chantiers. En premier lieu, pour continuer à être à l'avant-garde, nous allons prochainement réviser le décret d'application de notre reporting investisseurs. Nous pourrons vous en dire plus très prochainement mais notre objectif est simple : faire en sorte que l'information soit mieux structurée.

Nous avons reçu par ailleurs l'évaluation de l'Inspection générale des finances sur l'ISR, le label « investissement socialement responsable ». Nous sommes prêts à mettre tous les sujets sur la table pour continuer à en faire un outil exemplaire, capable d'entraîner toujours plus de fonds dans une démarche responsable. Ainsi, avec Mme Emmanuelle Wargon, nous cherchons à encourager la rénovation de bureaux et leur transformation en logements dans le cadre de travaux ayant un impact environnemental réduit et comportant un volet relatif à l'insertion solidaire. Nous souhaitons que ces projets immobiliers entrent dans le périmètre du label ISR afin que des investisseurs, notamment des assureurs, s'engagent dans ces investissements à impact environnemental et social. Cela permettrait d'étendre un peu la mission du label ISR.

Concernant l'articulation avec le plan de relance, celui-ci est cohérent avec une amélioration de la performance ESG des entreprises, dans le domaine tant social qu'environnemental. Je prendrai très prochainement une initiative de place en faveur de l'expertise française en matière de finance à impact. Nous devons continuer à consolider la recherche française dans ce domaine – je pense notamment à l'institut Louis Bachelier – et rassembler les initiatives de place. Ce n'est pas parce qu'on lit tous les jours dans les journaux économiques que des fonds et investissements à impact se développent, que tout le monde est d'accord sur la définition de cet impact. Il est important de développer une vision française dans ce domaine.

S'agissant de la finance durable, je ne partage pas l'avis de M. Pascal Canfin : j'ai besoin des députés de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire pour faire comprendre que les législateurs en France travaillent sur ce sujet. Je propose d'ailleurs à votre présidente d'organiser un échange spécifique à ce propos. Concernant l'initiative que je prendrai à la fin du premier trimestre en faveur de l'information extrafinancière des entreprises, je souhaite proposer à un groupe de députés d'y travailler à mes côtés, comme je le fais en amont avec des syndicats et des entreprises. J'ai besoin des députés français pour signifier à l'Europe que c'est un sujet important pour nous tous. La révision de la directive extrafinancière est un dossier stratégique et un sujet de souveraineté : vous êtes des relais indispensables pour le faire savoir. C'est un texte en apparence technique mais très important politiquement. Le texte actuel a clairement montré ses limites : il ne propose pas d'indicateurs harmonisés, il n'impose pas de thématiques pour les déclarations de performances extrafinancières. L'information fournie par les entreprises, si elle est parfois exhaustive, n'est pas toujours de bonne qualité et comparable, alors qu'il est très important de pouvoir effectuer des comparaisons entre secteurs.

Si nous ne choisissons pas les indicateurs que doivent publier nos entreprises, soyons assurés que d'autres le feront pour nous, sans prendre en considération les valeurs européennes. Cela peut avoir dans les années à venir des impacts incommensurables pour le financement de nos entreprises. Si la norme américaine était adoptée, nous pourrions voir des entreprises européennes mal notées ou déjugées sur leurs pratiques environnementales ou sociales, parce que les critères sont liés à une culture. Une norme américaine pourrait amener à demander aux entreprises industrielles ou d'énergie si elles pratiquent l'extraction de schiste et nous serions alors bien mal notés puisque nous ne l'autorisons pas sur notre territoire. De même, les entreprises ne font pas de statistiques en matière de diversité ethnique, puisque c'est interdit dans notre pays : l'application d'une norme américaine entraînerait une mauvaise notation de nos entreprises en matière sociale. On imagine mal les conséquences au plan extrafinancier d'une norme qu'on ne maîtriserait pas.

J'ai besoin que nous nous battions ensemble pour que ces données extrafinancières, qui relèvent de l'intérêt général, soient publiques, gratuites et facilement accessibles, avec la constitution d'une base de données européenne. Concernant le calendrier, le groupe de travail européen présidé par M. Patrick de Cambourg rendra son rapport final mi-février et un projet de texte devrait être proposé par la Commission fin mars ou début avril. Nous ne décalerons donc pas l'indispensable révision de la directive NFRD. Dans l'idéal, on peut espérer que la négociation sera terminée d'ici à la fin de la présidence française de l'Union. Je travaille toutes les semaines pour construire une coalition d'États membres qui permettrait d'avoir au plus vite un nouveau texte engageant les entreprises sur la voie d'une performance durable.

Si nous n'avons plus d'agence de notation européenne sur le volet comptable, c'est parce que nous ne détenons plus la norme. N'écoutons pas les sirènes nous expliquant qu'on pourrait prendre la norme américaine : si on ne bâtit pas une norme européenne, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Ce thème est le cœur de mon engagement politique. Si nous reproduisons la même erreur, nous pleurerons, dans vingt ans, parce que nous n'aurons toujours ni agence de notation ni norme extrafinancière. En 2019, quand Vigeo s'est fait racheter, c'était la queue de comète d'une mauvaise décision prise en 2000 à propos des normes IFRS. Si nous voulons des agences européennes en 2040, c'est maintenant que cela se joue.

Concernant le contrat à impact, je ne suis pas sûre que l'on m'accorde une rallonge mais j'ai bien l'intention d'en demander une, et j'en ai prévenu le ministre des comptes publics. J'ai son oreille : si j'ai pu obtenir l'augmentation du DLA, mais aussi un contrat à impact à Bercy pour un investissement de 10 millions d'euros, c'est parce que M. Olivier Dussopt est sensible au financement de l'ESS. J'ai donc préparé le terrain et je le verrai dans les prochaines semaines pour essayer d'en faire plus.

J'ai aussi l'intention de demander un soutien supplémentaire à la Caisse des dépôts et consignations, qui a sanctuarisé environ 300 millions d'euros d'investissements dans le plan de relance. Avant mon arrivée, il était question d'un investissement à peine supérieur à 200 millions d'euros. Nous avons signé une convention publique portant l'effort à 300 millions, soit 90 millions de plus. Le directeur général, M. Éric Lombard, est sensible à l'investissement et au financement de l'ESS. J'irai solliciter la Caisse des dépôts, déjà très engagée sur les contrats à impact, pour qu'elle en soutienne davantage.

Concernant l'évaluation, ce n'est pas la France qui a inventé les contrats à impact, mais les Britanniques. J'ai beaucoup travaillé sur ce qu'avait fait Mme Martine Pinville bien avant moi, en 2016. J'ai surtout beaucoup travaillé sur le rapport publié en 2019 par M. Frédéric Lavenir, président de l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE), pour consolider les contrats à impact, les améliorer et les professionnaliser. J'ai repris l'intégralité de ses recommandations, notamment le fait de thématiser les contrats à impact – nous l'avons fait pour l'économie circulaire, pour l'égalité des chances économiques et, avec le ministère du travail, pour l'emploi et l'insertion. Une autre recommandation était de mieux consolider le volet relatif à l'évaluation : lorsqu'un porteur de projet répond à un appel pour le contrat à impact, il signe un contrat avec l'investisseur et la puissance publique. Au moment de cette signature, il doit avoir choisi son évaluateur. Pour cela, nous avons constitué cet été un pool d'évaluateurs, parmi lesquels on trouve de très grands cabinets comme des petits cabinets spécialisés. Au moment de la signature du contrat à impact – et non au gré de l'avancement du projet –, nous définissons ensemble les indicateurs, corrélés à la nature et à la thématique du projet. Les indicateurs concernant l'économie circulaire ne seront pas les mêmes que ceux du volet relatif à l'égalité des chances économiques. On ne peut pas faire varier ces indicateurs de performance en cours de route. Cette neutralité est très importante : il y va du sérieux, de la véracité et du fonctionnement des contrats à impact. Nous sommes particulièrement vigilants sur ce point. Nous avons fini le 23 décembre dernier le travail sur la première thématique, l'économie circulaire, et nous signerons dans les prochaines semaines les premiers contrats à impact.

Je tiens à remercier M. François-Michel Lambert pour ses propos, qui me vont droit au cœur : je connais son exigence et son engagement en faveur de la comptabilité en triple capital. Vous pouvez compter sur moi pour pousser loin le sujet de l'ESS et de la responsabilisation du capitalisme.

Le plan de relance consacrera 600 millions d'euros à l'emploi dans les structures de l'économie sociale et solidaire, qui financeront 40 000 « parcours emploi compétences », notamment dans les chantiers d'insertion ou dans des associations – nous savons que celles-ci souffrent et ont besoin de ressources accessibles. Dans les quartiers prioritaires de la ville ou les zones de revitalisation rurale, 80 % de ces parcours sont pris en charge par l'État, et 65 % pour les plus jeunes. Un mode d'emploi simple sera publié fin janvier à destination des structures souhaitant activer des parcours emploi compétences.

Sur les 1,3 milliard d'euros destinés à l'économie sociale et solidaire, 600 millions sont donc consacrés au volet relatif à l'emploi, mais aussi à l'insertion par l'activité économique et au dispositif « sésame » dans les associations sportives. Sur 530 millions d'euros de financement pur et dur, 300 millions proviennent de la Caisse des dépôts et consignations et 230 millions d'euros, de la Banque publique d'investissement (BPI), dont 130 millions d'euros de prêts d'honneur « Solidaire ». Seuls 2 000 prêts d'honneur Solidaire ont été décaissés cet été : nous avons donc encore de la marge. Ces prêts à taux zéro, délivrés par la BPI, peuvent aller jusqu'à 8 000 euros et sont décaissés rapidement. À cela s'ajoutent les 100 millions d'euros d'investissement dans les missions locales. Quinze appels à projets sont prévus pour l'ESS : quatre ont été lancés et le cinquième arrive.

Concernant le plafond du livret de développement durable et solidaire, j'y réfléchis ardemment et j'espère vous donner une réponse favorable.

Enfin, je travaille sur les SCOP de reprise, modèle très pertinent pour l'entrepreneuriat. Concernant les aides, les SCOP ont accès au fonds d'urgence comme au fonds de solidarité. L'ensemble des structures de l'ESS sont éligibles aux aides d'État, notamment les coopératives d'activité et d'emploi (CAE) et les contrats d'appui au projet d'entreprise (CAPE). Je n'ai aucun doute concernant les SCOP, mais n'hésitez pas à me signaler tout problème dont vous auriez connaissance.

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