Intervention de Clément Beaune

Réunion du jeudi 21 janvier 2021 à 11h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Clément Beaune, secrétaire d'État :

S'agissant du Traité sur la charte de l'énergie, avec Mme Barbara Pompili et plusieurs collègues, nous avons souhaité presser la Commission européenne et nos partenaires européens car la stratégie d'adaptation ne semble pas fonctionner. Les négociations se poursuivent, mais elles sont lentes, et nous avons clairement fait savoir dans un courrier que nous devions envisager et préparer une sortie collective du traité.

Ce combat n'est pas encore gagné au niveau européen. Ce courrier a été largement diffusé et cette initiative n'a rien de secret. Nous devons maintenant trouver des alliés. Quelques pays, dont l'Espagne et le Portugal, semblent favorables à cette option et nous cherchons à rallier nos voisins du Benelux. La Commission ne nous a pas encore répondu, mais nous en parlerons avec les Commissaires concernés prochainement. Le Luxembourg postule pour la présidence de la charte. Cela montre encore une fois la difficulté à coaliser et j'en parlerai à M. Jean Asselborn, mon homologue, dans quelques jours.

La réduction de 50 % de l'utilisation des produits phytosanitaires fait partie des propositions que nous avions poussées avant la présentation du Green Deal. Ce projet figure dans les objectifs fixés par la Commission fin 2019, lorsqu'elle a présenté ce pacte. Il faut maintenant adopter la législation et les textes européens nécessaires pour atteindre l'objectif. Cela fera partie de la déclinaison sectorielle du Green Deal en 2021.

La réduction des longs délais d'autorisation sur le marché et la promotion du biocontrôle sont des priorités de notre stratégie nationale. Cela doit passer systématiquement par la promotion de ces méthodes et par l'insertion d'un volet relatif au biocontrôle dans les programmes de recherche et d'innovation européens. Nous pouvons creuser le point plus spécifique de la réduction des délais. La promotion du biocontrôle dans les programmes européens fait partie des éléments que nous avons soumis à la présidence portugaise de l'Union européenne pour le semestre en cours.

Il n'y a actuellement pas de fonds spécifique consacré aux zoonoses. C'est toutefois une piste, et une stratégie de la Commission européenne est promise et attendue pour le deuxième semestre 2021.

Concernant l'hydrogène, j'ai évoqué les 2 milliards d'euros supplémentaires du plan de relance, qui portent le total du plan français au-delà de 7 milliards d'euros. En comparaison, le plan allemand représente près de 9 milliards d'euros. Nous ne sommes donc pas exactement sur le même ordre de grandeur, mais nous nous coordonnons pour essayer de nous rapprocher et avoir des initiatives industrielles communes.

Nous en avions parlé lorsque j'ai pris mes fonctions, il y a des investissements allemands, souvent soutenus par leur Gouvernement, dans des pays situés à proximité de l'Europe, et au Maghreb en particulier. Je n'ai pas de projet « ficelé » à évoquer, mais cela fait partie des initiatives que nous pouvons essayer d'avoir avec eux, ou comme eux. Il s'agit d'un secteur d'excellence industrielle française et il n'y a pas de raison de nous priver de cette stratégie offensive avec nos grands acteurs industriels, ni de laisser le champ libre à nos amis, et néanmoins concurrents, allemands.

Concernant les transports ferroviaires du quotidien, des appels à projets de financements européens sont en cours. La RATP a déjà bénéficié de plus de 50 millions d'euros et d'autres appels d'offres sont en cours. Cela montre bien que les fonds européens sont utiles pour les transports propres.

Le train de nuit devient un grand projet européen, avec des financements à l'initiative industrielle et des opérateurs. Sous la présidence française, nous tenterons d'accélérer les projets de liaisons entre capitales européennes, avec notamment une liaison Paris-Berlin pour 2023. Ce projet symbolique est attendu et il est utilisé par les jeunes : la success story autrichienne prouve qu'il y a un marché. C'est ma première attente pour cette année européenne du rail.

En nous mettant tous devant des écrans, la crise de la covid n'a pas arrangé la pollution environnementale numérique. Ce sujet monte en puissance. Il est de plus en plus documenté et il y a une prise de conscience, notamment des jeunes. Pour l'instant, au niveau européen, il n'y a pas encore d'actions très concrètes. Il y a eu des conclusions sous présidence allemande. Des actions de chiffrage et d'évaluation ont été lancées à l'initiative du Président de la République avec la Tech for Good, avec les grandes plateformes numériques. Nous essaierons, dans le cadre des prochaines présidences portugaise et slovène d'en faire, avec M. Cédric O et ses collègues, un des points de l'action européenne.

Avec Mme Annick Girardin, nous avons poussé la question de la résilience du littoral. Il faut toutefois encore en préciser les contours et les outils d'action. C'est une des priorités de l'actuelle présidence portugaise de l'Union européenne qui souhaite développer une stratégie maritime et littorale dans beaucoup d'aspects : écologique ; soutien aux activités économiques fragilisées – dont la pêche  ; compétitivité de nos ports et emplois. Quelques actions que j'ai proposées seront poussées par la présidence portugaise.

En matière spatiale, l'action européenne passe par l'Agence spatiale européenne (ESA), mais désormais aussi par des financements de la Commission européenne. Nous avons considérablement renforcé le budget européen en matière spatiale pour la période 2021-2027, qui dépassera les 13 milliards d'euros.

Notre action ne porte pas uniquement sur les déchets spatiaux, mais c'est un de ses axes. Nous agissons en amont, lors de la conception des lanceurs et des satellites, afin qu'ils soient les moins émetteurs possibles de débris ou de déchets en fin de vie. Nous finançons aussi la recherche et l'innovation : nous avons conclu un accord au niveau européen avec ClearSpace pour assurer l'enlèvement des déchets en orbite. Ce sera la première mission au monde de ce type et elle sera pilotée par l'Europe. L'ESA a aussi développé un programme de prévention contre les débris dits « infaillibles » – ceux que nous ne pouvons retirer – pour cesser d'en produire davantage.

La présidence portugaise a pour ambition de définir une stratégie européenne de New Space qui aura pour objet d'accélérer le rattrapage du retard industriel européen avec le nouveau directeur général autrichien de l'ESA, M. Josef Aschbacher. Nous devons combler nos lacunes industrielles en matière de New Space : petits lanceurs, lanceurs réutilisables, débris spatiaux. Il n'y aura pas de nouvelle ambition spatiale sans dimension écologique, sujet sur lequel l'Europe peut être leader. Si notre expertise s'avère efficace, nous pourrons la vendre et envisager des contrats commerciaux avec des partenaires qui auraient besoin de cette compétence sur les débris spatiaux.

Concernant la pêche, je crois que nous avons, avec le Brexit, un bon accord. Il n'est pas parfait et il aura un impact puisque si le Royaume-Uni perd beaucoup, il récupère l'accès à ses eaux. Cela fait partie des arguments politiques et de la rhétorique nationaliste utilisée lors de la campagne référendaire. Malgré tout, nous avons tenu bon et nous avons accepté cet accord qui garantit pour cinq ans et demi un accès à la zone économique exclusive britannique. La perte d'une partie des quotas est limitée, toutes espèces confondues, à 25 %, voire un peu moins pour la France.

Nous avons deux problèmes à résoudre. De façon urgente, il nous faut obtenir toutes les autorisations administratives pour accéder dès à présent à l'ensemble des eaux. Nous les avons pour la zone exclusive et les eaux territoriales de Guernesey, mais pas pour toutes les eaux territoriales de Jersey. C'est évidemment un sujet crucial pour la pêche dans les régions de la façade nord-ouest, pour lequel nous sommes en train de nous battre.

À plus long terme, nous ignorons ce qui va se passer après 2026. Nous ne lâchons pas le morceau. Il est possible que les Britanniques nous déclarent annuellement si nous aurons accès à leurs eaux, mais nous avons prévu une forme de « dissuasion halieutique » : s'ils voulaient nous priver d'accès sur une base annuelle, nous disposons de moyens de rétorsion en imposant des droits de douane sur les produits de la pêche ou d'autres secteurs économiques. Cela pénaliserait l'économie britannique et permettrait de faire tomber d'autres accords dont les Britanniques ont grand besoin, notamment sur la coopération énergétique et l'accès à notre marché électrique, dont ils ont un besoin vital. J'espère que nos relations seront apaisées d'ici à 2026 et que les Britanniques réfléchiront avant de proposer un tel système. Quoi qu'il en soit, nous n'allons pas attendre l'année 2026 ; dès 2021, au niveau communautaire et bilatéral, nous allons travailler à préparer le système le plus stable possible pour l'après 2026. Nous avons déjà sécurisé la question des quotas d'espèces et veillé à ce qu'ils soient stabilisés à 75 % de la situation actuelle après 2026.

Madame Riotton, imposer le respect de l'accord de Paris dans les accords commerciaux est déjà un combat à mener. Si j'ai bien compris votre question, vous demandez s'il est possible de vérifier si ces exigences climatiques sont aussi respectées dans l'activité de certaines entreprises. Ce sujet doit être traité en exportant à l'échelon européen la législation qui a été récemment adoptée en France sur le devoir de vigilance des sociétés mères. Elle impose de vérifier que nos grands groupes ne violent pas nos engagements internationaux et nos exigences environnementales ou sociales par leurs actions ou celles de leurs sous‑traitants. C'est la meilleure piste pour assurer que la logique de clause essentielle soit respectée dans l'activité économique de nos entreprises et pas seulement dans les relations de gouvernement à gouvernement ou de pays à pays.

Nos préoccupations sanitaires, et donc écologiques, ont été renforcées avec cette crise. Nous n'en avons pas encore tiré toutes les leçons et il reste beaucoup d'initiatives européennes à prendre. À ma connaissance, il n'existe pas de plan européen de financement ou de mise en œuvre du recyclage des masques, ni de filière prévue à cet effet. Toutefois, nous consommons des centaines de millions de masques et je suis prêt à appuyer cette initiative concrète.

Quelques éléments nous permettent d'aller dans cette direction. Pour la première fois, au niveau européen, un budget de 5 milliards d'euros est dédié à la santé. Il pourrait financer des actions de cette nature. En novembre, la Commission a fait une série de propositions destinées à créer les outils d'une Europe de la santé : une Agence de la santé se consacrerait à la recherche médicale et créerait une réserve sanitaire européenne dotée d'équipements de protection, de masques, de respirateurs ou d'autres équipements dont nous aurions besoin dans une prochaine pandémie. Cela permettrait de mutualiser des réserves communes, car nous n'avons pas tous besoin de garder des milliers de respirateurs à tout moment, mais quand l'épidémie surgit ou qu'un pays est plus touché qu'un autre, des réserves sanitaires européennes seraient utiles. En allant plus loin, nous pourrions imaginer une filière industrielle européenne en matière de recyclage qui viendrait compléter ce plan. L'Europe de la santé est encore en construction, mais sera aussi un des axes de la présidence française. Je suis prêt à relayer ces idées auprès de mes collègues du Gouvernement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.