L'année 2021 sera ponctuée d'événements liés à la préservation de la biodiversité, tant sur le plan national qu'à l'échelle internationale. La crise sanitaire consécutive à la pandémie a conduit à une prise de conscience de ces enjeux, qui doit nous amener à enrichir nos politiques publiques en la matière. Nous devons aussi mobiliser l'ensemble des acteurs, publics et privés, et favoriser la participation citoyenne.
La dégradation de la biodiversité, vous l'avez dit, est sans précédent. Les chiffres de l'IPBES, le rapport Planète vivante 2020 du Fonds mondial pour la nature (WWF) ne nous invitent plus à agir mais nous y obligent. Nous devons prendre en considération dès maintenant dans nos politiques publiques la préservation de la biodiversité, qui est intimement liée au réchauffement climatique. Il importe de décloisonner ces politiques. Dans leur rapport d'information, Mmes Frédérique Tuffnell et Nathalie Bassire ont formulé quarante-neuf recommandations pour améliorer l'application de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages – dite loi « biodiversité ». Les bilans dressés par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et les autorités environnementales ont mis en évidence des insuffisances et des fragilités dans la mise en œuvre du texte. Je pense, notamment, à la séquence « éviter-réduire-compenser » (ERC), qui est l'un des outils majeurs à notre disposition, et qui nous appelle à réfléchir, en particulier, sur l'étendue des mesures compensatoires.
Nous avons développé plusieurs outils à la suite de l'adoption de la loi de 2016. Dans le cadre des paiements pour services environnementaux, les agences de l'eau pourront engager 150 millions d'euros sur trois ans pour aider les agriculteurs à adopter des pratiques plus respectueuses de l'environnement. Grâce au nouveau contrat créé par la loi, qui institue des obligations réelles environnementales, un propriétaire foncier peut imposer des actions de protection et de restauration de la biodiversité sur ses terrains.
Nous nous attachons à protéger les espèces et les espaces tant sur le plan national que dans le cadre des négociations internationales.
Nous soutenons la recherche et le partage de la connaissance. La préservation de l'environnement et le bien-être animal sont parfois appréhendés sous le prisme de l'émotion. Il nous faut objectiver ces sujets et poser sur eux un regard scientifique.
Il nous faut également renforcer la police et la justice de l'environnement. Ce mouvement, amorcé depuis quelques années, s'est traduit par l'adoption de la loi relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. Le décret du 16 mars dernier a désigné les pôles régionaux spécialisés en matière d'atteintes à l'environnement au sein de chaque cour d'appel.
La gestion de l'eau, qui est un enjeu majeur, en particulier pour les collectivités locales, appelle une réflexion sur la notion de bien commun. Si nous avons, en ce domaine, un long chemin à parcourir, certaines mesures devront être prises dans l'urgence pour lutter contre le réchauffement climatique. Nous devons être particulièrement vigilants à l'égard des atteintes portées aux milieux naturels, en particulier du fait de la pollution.
Nous devons adapter nos politiques publiques concernant la chasse, la pêche et le bien-être animal, qui ont pris une place de premier plan dans le débat citoyen. Les effets de certaines pratiques sur l'agriculture, tels les dégâts de gibier, doivent faire l'objet d'un travail approfondi, à l'instar des questions de sécurité. Les pêcheurs sont nos sentinelles ; ils participent à la vigilance au quotidien et accompagnent nos dispositifs.
L'OFB, que le monde observe et commence à nous envier, doit être le bras armé de nos politiques publiques. Il est pleinement opérationnel depuis janvier, grâce au regroupement de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Ce nouvel opérateur public, fort de 2 600 agents et doté d'un budget de 516 millions d'euros, dispose de moyens substantiels pour appliquer les politiques destinées à préserver la biodiversité. Ses crédits ont été renforcés par le projet de loi de finances (PLF) et, de manière plus ponctuelle, par le plan de relance. Ses effectifs ont été consolidés par la création de quarante équivalents temps plein (ETP), qui seront affectés dans les parcs nationaux et les parcs naturels marins.
Une des difficultés était de faire naître une culture commune au sein de cette structure créée le 1er janvier 2020, qui rassemble des agents venant d'horizons et d'opérateurs différents. Un travail substantiel a été mené en matière de requalification des agents techniques, et des engagements forts ont été pris pour les accompagner dans le cadre de leur évolution de carrière et pour que leurs compétences soient reconnues. Hier, à Montpellier, avec les agents de l'OFB, nous avons précisé cette évolution et discuté des moyens de la faciliter ; au-delà de la stabilisation des effectifs, nous avons évoqué les questions de la pérennisation des postes et des requalifications.
L'année 2020 a été marquée par le lancement de la requalification des agents techniques de l'environnement (ATE) en techniciens de l'environnement (TE). Une liste d'aptitude exceptionnelle a été établie et un concours interne spécial a été organisé, qui ont permis la promotion de 274 agents techniques de l'environnement. En 2021, grâce à 274 promotions supplémentaires, près de 60 % du corps des ATE intégrera celui des techniciens de l'environnement. Par ailleurs, nous avons entendu le souhait des agents concernés de bénéficier d'un accès élargi à la voie de la promotion par la liste d'aptitude. Je l'ai confirmé hier aux agents de l'OFB : nous avons obtenu, dans le cadre d'un partenariat avec le ministère de la fonction publique, une meilleure répartition des promotions. Une importance particulière sera accordée à l'amélioration des conditions de carrière des personnels contractuels de l'environnement sous quasi-statut. L'évolution statutaire des agents est un chantier prioritaire de notre pôle ministériel. La direction des ressources humaines ministérielle travaille parallèlement avec l'OFB sur des propositions d'évolution du statut de ces personnels contractuels. Nous veillerons, dans les semaines et les mois qui viennent, à ce que ces mesures, qui ont fait l'objet d'un accord dans le cadre de l'amélioration du cadre de gestion des contractuels, évoluent positivement.
La stratégie nationale pour les aires protégées, présentée en janvier, répond à un objectif clair, réaffirmé lors du One Planet Summit par le Président de la République : 30 % du territoire français – métropole et outre-mer, espaces terrestre et marin confondus – doit être protégé, et 10 % doit faire l'objet d'une protection forte. Conformément à la conception française de la protection, il s'agit de nourrir la plus haute ambition environnementale tout en permettant la présence des activités humaines. Nous prônons un retour à l'équilibre en faisant une place à des pratiques qui n'ont pas d'effet négatif sur l'environnement
Nous avons déployé cette stratégie au moyen de plans d'action triennaux opérationnels. Le premier d'entre eux prévoit, entre autres, la mise sous protection forte de 250 000 hectares de forêts, la création de deux parcs naturels régionaux, le placement sous protection de 6 000 hectares de notre littoral, ou encore l'intégration de 75 % des récifs coralliens au réseau des aires protégées, l'objectif étant de tous les inclure d'ici à 2025. Un travail est en cours pour adapter les outils et renforcer les réseaux.
Nous avons la ferme volonté de territorialiser la stratégie, car l'État n'a évidemment pas vocation à agir seul. Ceux d'entre vous qui ont fait l'expérience, sur leur territoire, de pratiques associant acteurs et élus à la définition de périmètres et à l'élaboration de chartes de protection des aires, connaissent la richesse de ces concertations. Je souhaite consolider la territorialisation de la stratégie par des contrats associant les élus à la gouvernance et au fonctionnement de ces dispositifs. Ces chartes permettront d'accompagner les collectivités dans la phase d'identification des périmètres des aires protégées et leur offriront la possibilité d'être associées à leur gestion. L'objectif est de renforcer les formes d'intervention à tous les niveaux de collectivités.
L'article 57 du projet de loi « climat et résilience » rétablit le droit de préemption sur les espaces naturels sensibles ; grâce à des initiatives parlementaires, que je salue, ce droit a été étendu, en particulier aux dons, lorsque ceux-ci ne sont pas pratiqués entre ascendants et descendants ou collatéraux. Cette mesure était attendue ; les départements s'en réjouissent.
La biodiversité concerne toutes nos politiques, la finance comme l'éducation, la défense nationale, qui déploie ses propres projets, comme l'agriculture, la santé comme les transports. L'une des missions que je m'assigne est de décloisonner nos politiques et de faire en sorte que ces enjeux soient pris en considération à l'échelle interministérielle.
La stratégie nationale pour la biodiversité animera nos réflexions tout au long de l'année 2021. Je fais actuellement la tournée de toutes les régions de France, où je participe à des comités régionaux de la biodiversité pour recueillir l'expérience des élus et des acteurs sur l'application de nos politiques et de nos dispositifs. Ce matériau sera soumis aux instances nationales et aux experts afin que la prochaine stratégie nationale 2021-2030 parte de l'expérience concrète, du réel, et que nous levions les freins existants. Il faut renforcer le déploiement des outils de préservation de la biodiversité dans tous les territoires, tant au sein des collectivités que dans la sphère publique, les associations et les entreprises.
À l'issue de cette première phase territoriale, l'application de la stratégie nationale fera l'objet d'une deuxième séquence centrée sur la participation citoyenne. Le site biodiversité.gouv.fr doit ouvrir dans les heures qui viennent. Cette plateforme offrira un socle de connaissances sur la biodiversité, grâce à l'agrégation des ressources disponibles. On y trouvera les moyens d'agir en faveur de la nature. Chacun pourra contribuer à l'élaboration de la stratégie nationale en déposant sa contribution, soit en tant que représentant d'une association ou d'un corps constitué, soit à titre individuel.
La stratégie nationale se poursuivra au sein des instances nationales, qui se prononceront sur les préconisations émanant du terrain et des citoyens. Elle fera l'objet d'une première présentation lors du congrès mondial pour la nature de l'UICN, à Marseille. Nous pourrons peut-être amender le volet international de ce texte à l'issue de la COP15 sur la biodiversité, en octobre prochain. La stratégie sera présentée à la toute fin de 2021.
Ce calendrier nous appelle à veiller à la cohérence entre les politiques publiques, qui s'inscriront dans un cadre interministériel renforcé, et les financements que nous leur apportons – grâce au PLF, au plan de relance et à la création d'ETP –, mais aussi entre notre action nationale et internationale.
La politique de l'eau fait l'objet d'un certain nombre de réflexions dans les territoires. Elle donne parfois lieu à des tensions car nous sommes confrontés, en raison du réchauffement climatique, à une pression sur la ressource en eau. Celle-ci doit nous amener à reconsidérer les besoins et les usages. C'est l'objet de notre politique d'anticipation, à laquelle nous réfléchissons localement, notamment par la définition des projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE). Ces derniers doivent offrir un cadre de discussion apaisé entre les acteurs. La réflexion se poursuit également outre-mer, où il nous faut relever un certain nombre de défis.
La forêt est également très présente dans nos réflexions, qu'il s'agisse de la filière bois ou, plus encore, de son évolution, alors qu'elle est en proie à des épisodes de sécheresse répétés et que son écosystème est soumis à diverses pressions. Nous menons un travail en lien avec le ministère de l'agriculture sur la nécessité de diversifier les essences de la sylviculture. Le contexte climatique doit nous conduire à faire évoluer la gestion de ces espaces et à définir des politiques plus volontaristes.
Nous travaillons aussi sur les questions relatives à la chasse. Nous réfléchissons tout particulièrement en ce moment aux dégâts de gibier. Les chasseurs et les agriculteurs se sont concertés pour proposer au Gouvernement des mesures destinées à marquer un coup d'arrêt à ces dégâts sans précédent qui demandent une action ferme et résolue. Nous poursuivons également nos réflexions sur la sécurité. Nous savons tous qu'il faut être constamment vigilants pour éviter les accidents, qui continuent de se produire. Le cadre existant doit être renforcé. Nous travaillons sur la gestion adaptative, qui me semble essentielle. Même si sa gouvernance demande à être précisée et apaisée et que ses outils exigent peut-être d'être renforcés, nous avons, je crois, un bel instrument d'apaisement dans la pratique, avec des références scientifiques permettant d'évoluer.
Nous partageons les questions relatives à la mer avec le ministère du même nom. Nous sommes conduits à des réflexions intenses, quand on connaît les épisodes de capture accidentelle de cétacés ou les pressions sur les enjeux économiques et de préservation de la biodiversité. Cela représente un important travail interministériel, qui s'inscrit dans un cadre communautaire.
Se posent également des questions de police. Une concertation a eu lieu entre la chancellerie et les services de la gendarmerie. Je salue, à ce sujet, le directeur général de la gendarmerie nationale, M. Christian Rodriguez, dont le travail a permis aux agents de l'environnement de bénéficier de nouvelles compétences en matière de police judiciaire. Ils pourront ainsi mener des enquêtes de bout en bout et auront plus de facultés pour agir. Ce gain de réactivité sur le terrain était essentiel.
Enfin, il nous appartient de préserver les moyens importants dont nous disposons. Alors que nous avons obtenu des moyens sans précédent, il convient de veiller particulièrement aux moyens humains. De fait, l'accompagnement de la montée en puissance des politiques publiques de préservation de l'environnement et de la biodiversité ne se fait pas qu'avec des moyens budgétaires.
L'année 2022 verra donc une très forte mobilisation : UICN, COP15, présidence française de l'Union européenne. Nous travaillerons, dans ce dernier cadre, sur la question du contentieux, pour faire œuvre d'exemplarité, ainsi que sur d'autres dossiers, notamment sur la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, qui se décline à l'échelle européenne. Des entreprises ont pris un engagement très fort pour travailler avec des filières qui ne contribuent pas à la déforestation à l'autre bout du monde, et des outils seront mis à la disposition du grand public et des entreprises pour vérifier les produits et les filières d'approvisionnement. Nous poursuivrons aussi, dans le cadre de REACH et de REACH UP, tout un travail sur les produits chimiques, qui doit trouver des déclinaisons à l'heure où les Français sont plus que jamais sensibles aux questions de santé environnementale. Il nous revient de trouver des réponses et d'être les plus avisés possible.
Après plusieurs décennies de prise de conscience et de déploiement de politiques publiques sur le réchauffement climatique, la question de la biodiversité a pris toute sa place. Il va nous falloir la décliner et la renforcer, ce qui nous conduira à poursuivre notre conversation dans les temps qui viennent.