Intervention de Chantal Jourdan

Réunion du mercredi 31 mars 2021 à 11h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Jourdan :

Les dix-sept objectifs de développement durable adoptés en septembre 2015 par les cent quatre-vingt-treize États membres de l'ONU visent à lutter contre la pauvreté, la faim, les inégalités ou le réchauffement climatique, mais aussi à développer les énergies renouvelables, à protéger la biodiversité et à améliorer les conditions de travail et de vie. Comme l'a dit notre rapporteure, la pluralité de ces objectifs démontre que le développement durable ne concerne pas uniquement l'environnement mais l'ensemble des domaines, notamment économiques et sociaux, ayant un impact sur la population. Pour nous, les trois dimensions – économique, sociale et environnementale – sont indissociables et doivent traduire l'action humaine dans son milieu de vie. Bien sûr, nous nous retrouvons tous dans ces dix-sept objectifs visant à répondre aux besoins des habitants de la planète, sans compromettre l'avenir des générations futures. Toutes les améliorations que vous proposez sont louables et nous en adoptons le principe.

Mais nous tenons à mettre en lumière plusieurs points qui nous semblent problématiques dans la traduction de cette ambition. Tout d'abord, comme l'a rappelé la rapporteure, ces dix-sept objectifs de l'agenda 2030 sont déclinés en cent soixante-neuf cibles. À y regarder de plus près, on observe des contradictions. Vous mentionnez l'objectif 8 « travail décent et croissance économique », auquel nous sommes favorables. Mais, sur le site du gouvernement français consacré aux ODD, il est indiqué que « ce huitième objectif reconnaît l'importance d'une croissance économique soutenue ». Alors que nous discutons du projet de loi « climat et résilience » et que les scientifiques nous rappellent les limites d'une croissance sans fin dans un monde fini, cela doit nous interroger.

Il en va de même pour l'objectif 9 « industrie, innovation et infrastructures », où il est proposé d'accroître l'accès des entreprises aux services financiers – tout dépend du type d'instruments financiers dont nous parlons ! Quant à l'objectif 2 « faim ‘‘zéro'' », il propose d'assurer la viabilité de systèmes de production alimentaire et de mettre en œuvre des pratiques agricoles résilientes qui permettent d'accroître la productivité et la production. Si cela ne se fait pas dans un cadre contraignant s'éloignant des logiques productivistes et concurrentielles actuelles, cet objectif entrera en contradiction avec d'autres relatifs au climat, à la biodiversité ou à la protection des populations.

La crise que nous vivons exacerbe les inégalités, démontrant les travers d'un système fondé sur un modèle productiviste complètement détaché de l'économie réelle, qui est pour nous émancipatrice et liée aux préoccupations sociales et environnementales.

Enfin, il nous semble essentiel d'aborder la question des indicateurs. Le PIB, pris comme un outil de mesure écrasant toute autre considération, ne permet pas d'apprécier l'atteinte des ODD. Modifier la façon dont nous mesurons notre développement permettra de disposer de données concrètes, susceptibles d'orienter nos politiques publiques. Citons notamment le PIB vert, l'indicateur de développement humain (IDH) et le bonheur national brut (BNB). Nous devons mettre au point des critères plus fins pour évaluer un nouveau modèle de développement durable.

Si nous approuvons les grands objectifs poursuivis par le texte, nous émettons quelques réserves sur les chemins qu'il emprunte pour y parvenir. Si le but est de parvenir à des fins différentes avec des logiques et des outils inchangés, nous n'atteindrons pas l'équilibre entre les trois piliers du développement durable.

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