Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du mercredi 7 avril 2021 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Christophe Niel, directeur général de l'IRSN :

Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de votre accueil.

J'ai l'honneur de servir mon pays en me consacrant, depuis une trentaine d'années, à l'évaluation et à la gestion des risques, notamment ceux liés à la radioactivité. À 59 ans, je dirige ce bel établissement qu'est l'IRSN. Mon premier mandat, entamé quinze ans après la création de l'institut, m'a permis, avec les femmes et les hommes qui y travaillent et en lien avec nos tutelles, de le conforter dans ses missions, au profit des autorités, de nos partenaires, de nos interlocuteurs et de la société.

Pour s'adapter aux évolutions dans la sûreté et la sécurité nucléaires, la radioprotection des personnes et de l'environnement, ses domaines de compétence, l'IRSN s'est engagé dans une stratégie, avec 2030 pour horizon. Afin de répondre aux enjeux considérables qui se posent et pour poursuivre mon action, je sollicite mon renouvellement au poste de directeur général.

Être auditionné par votre commission est pour moi un honneur. Cela me permet de présenter mon parcours professionnel, de dire en quoi il répond aux exigences de cette fonction, de présenter les principales réalisations menées à bien depuis cinq ans et de détailler mes projets et mes ambitions pour l'IRSN.

Je suis ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts. Docteur en physique, j'ai fait de la recherche fondamentale pendant près de dix ans avant d'exercer diverses activités dans le domaine de l'évaluation et de la gestion des risques radiologiques et nucléaires, alternativement à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et à l'IRSN, toujours du côté du contrôle et des pouvoirs publics. J'ai occupé pendant neuf ans le poste de directeur général de l'ASN après sa transformation en autorité administrative indépendante.

Mon itinéraire présente quelques caractéristiques essentielles, au premier rang desquelles le dialogue avec les parties prenantes, les élus – dans le cadre des commissions locales d'information (CLI), structures pluralistes associées aux installations nucléaires, et de l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI) – et les associations.

J'ai acquis une expérience des situations de crise et de leurs suites, notamment lors de l'accident de Fukushima, dont nous célébrons ces jours-ci le dixième anniversaire, et lors de mobilisations régulières de notre centre de crise, pour des exercices ou en situation réelle, en France et à l'étranger.

Mes activités présentent également une dimension internationale. Depuis 2017, je suis président du comité sur la sûreté des installations nucléaires (CSNI) de l'OCDE, qui regroupe plusieurs responsables d'organismes scientifiques et techniques.

Ayant dirigé diverses structures publiques, j'ai acquis une expérience certaine en matière de management, je connais les mécanismes budgétaires et administratifs, je sais mener des évolutions, organiser les travaux et interagir avec les différents interlocuteurs que sont le Parlement, les tutelles, les autorités partenaires ou les instances représentatives du personnel.

L'IRSN est l'expert public du risque radiologique et nucléaire. Il contribue à la mise en œuvre des politiques publiques relatives à la sûreté et à la sécurité nucléaires, ainsi qu'à la protection de la santé et de l'environnement contre les effets des rayonnements ionisants. Cet EPIC est placé sous la tutelle des cinq ministres directement concernés.

Il est chargé de remplir quatre missions. Il apporte son expertise aux autorités publiques, notamment l'ASN. Pour ce faire, il rend plus de 600 avis et rapports chaque année, dont la plupart sont publiés, conformément à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Il fournit aussi cet appui en situation de crise. Sa deuxième mission, qui représente 40 % de son budget, est de mener des recherches sur les risques radiologiques et nucléaires. L'IRSN est également chargé de missions d'intérêt public, telles que la surveillance radiologique de l'environnement et la gestion des données dosimétriques des travailleurs. Enfin, il assure des prestations diverses, en France et à l'étranger.

Les trois quarts des 1 800 collaborateurs de l'IRSN sont des experts et des chercheurs. L'institut rend régulièrement compte de ses activités et de ses expertises au Parlement. Il interagit avec les divers acteurs – exploitants, autorités publiques, société civile – dans le cadre des CLI. Il est très impliqué au sein du réseau ETSON, le réseau européen des organismes techniques de sûreté. Il mène aussi de nombreuses collaborations internationales bilatérales et multilatérales.

Dans le cadre de la transition énergétique, les enjeux de sûreté nucléaire pour les années à venir sont importants. Citons les projets de prolongation de l'exploitation des réacteurs nucléaires au-delà de 40 ans, le réexamen de la sûreté des installations du cycle du combustible, le traitement des déchets radioactifs, le démantèlement d'installations et la construction de nouvelles, telles que le réacteur pressurisé européen (EPR), le projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo), le réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) et le réacteur de recherche Jules Horowitz (RJH). Dans le domaine médical, le recours à des technologies de plus en plus sophistiquées, notamment en radiothérapie, constitue un enjeu de protection des patients et des professionnels contre les rayonnements ionisants.

Les éditions successives du baromètre de l'IRSN sur la perception des risques et de la sécurité indiquent que les préoccupations de santé environnementale sont en croissance. Par ailleurs, les questions de sécurité et de lutte contre les actes malveillants prennent une importance grandissante.

Nous devons travailler selon trois axes, que je considère essentiels si nous voulons être présents aux grands rendez-vous qui nous attendent, en matière de sûreté et de sécurité nucléaires, de radioprotection et d'expertise, ainsi que de recherche.

Le premier axe consiste à réaffirmer les fondamentaux de l'IRSN, qui est d'abord l'expert public du risque radiologique et nucléaire. L'institut doit éclairer la décision grâce à l'évaluation du risque induit par l'utilisation des rayonnements ionisants. Cette évaluation de haut niveau obéit aux canons et aux exigences de la science. Collective et impartiale, elle est fondée sur une expertise nourrie par notre recherche, elle-même alimentée en retour par les questionnements de l'expertise. Menée en cohérence avec les agences sanitaires européennes et nationales, cette mission d'évaluation est bien distincte de la mission de décision, d'inspection et de sanction qui incombe aux pouvoirs publics. Grâce à ce système de double sécurité, associant experts et autorités, évaluateur et gestionnaire du risque, l'État assure la protection de nos concitoyens contre les usages des rayonnements ionisants.

L'IRSN est un interlocuteur de confiance des pouvoirs publics, de ses partenaires et de la société. Il répond à leurs attentes en délivrant, de façon transparente, des informations de qualité. Il joue également un rôle de vigie aux échelons national, européen et international, notamment par le biais de son implication dans le suivi des installations et des transports, de son exploitation du retour d'expérience, de la surveillance qu'il exerce au travers de ses réseaux, notamment en matière de radioactivité dans l'environnement, et par le biais de ses multiples connexions institutionnelles, en France et à l'étranger.

Le deuxième axe est formé par l'anticipation et la culture du risque. Notre environnement, au sens large, évolue en permanence. De nouveaux enjeux et de nouveaux risques émergent, comme en témoignent plusieurs grandes crises récentes, notamment la pandémie de coronavirus et l'accident de Fukushima. À chaque crise, l'anticipation et la culture du risque sont mises en question, et les pouvoirs publics interrogés sur ces sujets.

L'anticipation, la préparation et l'implication de chacun, à sa juste place, sont des facteurs essentiels de prévention et de protection. L'IRSN peut et doit être, pour les pouvoirs publics, un instrument d'anticipation décisif pour la gestion des risques liés à l'utilisation des rayonnements ionisants, ainsi que pour le développement de la culture de sûreté. L'anticipation fait partie du COP signé en 2019.

Il s'agit d'anticiper par la recherche en lien avec l'expertise, ainsi que par l'analyse du retour d'expérience et l'évaluation, les sujets techniques à venir, tels que la prolongation de l'exploitation des réacteurs nucléaires de 1 300 mégawatts au-delà de 40 ans, la gestion des déchets nucléaires, le radon. Il s'agit aussi d'anticiper les enjeux de santé environnementale, de cybersécurité, de la révolution des data et du numérique, ainsi que les nouvelles préoccupations sociétales, en renforçant notre politique de dialogue avec la société. Par l'innovation et la concrétisation de nouveaux partenariats, nous devons anticiper la variabilité des crises et grâce à une veille active à l'international, prévenir et suivre les situations d'urgence, qu'elles soient potentielles ou avérées. Enfin, nous devons anticiper en capitalisant sur l'humain, sur les compétences et sur les connaissances. Comme l'écrivait Saint-Exupéry, « pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir mais de le rendre possible ».

Le troisième axe repose sur la performance et l'efficience. Pour remplir ses missions de recherche et d'expertise, pour anticiper et contribuer au développement des doctrines, pour appuyer l'État dans l'élaboration des politiques publiques, pour interagir avec la société, l'IRSN doit être performant, efficient et prospectif. Il doit veiller à faire évoluer ses méthodes et ses pratiques.

Tel est l'un des objectifs des évolutions récentes que j'ai introduites dans nos modes de fonctionnement et dans notre organisation, par le biais de quatre programmes de transformation : transformation des modes de collaboration, par exemple en développant le travail en mode projet et les communautés de pratique ; transformation managériale, en favorisant la mobilité dans le cadre des parcours professionnels et en préparant les métiers et les compétences de demain ; transformation numérique, par exemple en développant les méthodes et les outils d'aide à l'expertise et à la recherche, et en offrant un environnement de travail digital et nomade ; transformation des relations sociales et sociétales, en renforçant notre démarche de responsabilité sociale et environnementale (RSE).

La mise en œuvre de ces évolutions de nos modes de fonctionnement et de notre organisation doit nous permettre d'engager, dans les années à venir, un chantier majeur pour l'exercice de nos missions, qu'il s'agit d'évaluer de manière collective, comme nous le faisons toujours, en interaction forte avec nos interlocuteurs – tutelles, pouvoirs publics, autorités partenaires, société. Il s'agit d'évaluer la façon dont nous réalisons nos missions, en respectant notamment l'équilibre entre nos activités d'expertise et de recherche, entre nos divers domaines de compétence et entre nos interlocuteurs.

J'aimerais citer ici quelques réalisations de ces dernières années. Dans le domaine de la sûreté nucléaire, l'IRSN a évalué la sûreté des réacteurs de 900 MW dans la perspective de la prolongation de leur exploitation, ainsi que celle de l'EPR, du sous-marin nucléaire Barracuda et du projet Cigéo. Dans le domaine de la sécurité nucléaire, l'IRSN a apporté son appui à la conduite, par le ministère de la transition écologique, du programme d'amélioration de la sécurité des installations sensibles. Dans le domaine de la radioprotection, l'IRSN a fait la synthèse de l'état des pratiques médicales en vue de la mise à jour des niveaux de référence diagnostiques (NRD), réévalué les doses délivrées aux patients, achevé la réalisation des constats radiologiques régionaux, dressé le bilan annuel des expositions professionnelles aux rayonnements ionisants en France et achevé le déploiement de ses sondes de surveillance de l'environnement. Dans le domaine de la recherche, l'IRSN a mis en service plusieurs plateformes expérimentales et conclu des programmes de recherche, confirmant ainsi son rôle majeur au niveau européen.

Depuis sa création, l'IRSN contribue à protéger les citoyens contre les risques liés aux usages des rayonnements ionisants sous toutes leurs formes et à renforcer leur implication dans la vigilance. Dans un monde en constante évolution, la pérennité et la pertinence de notre action nécessitent une adaptation permanente. Mon projet est de permettre à l'IRSN, en relation étroite avec les autorités publiques, de répondre à tout moment à ce besoin d'adaptation et de garantir au plus haut niveau la sûreté nucléaire, la sécurité nucléaire, la protection des personnes et de l'environnement. Dans une société actrice de la gestion des risques, l'institut doit être un outil d'anticipation et de confiance. Dans un univers innovant et numérique, les femmes et les hommes de l'IRSN, en relation avec leurs homologues, en interaction avec leurs concitoyens, mettront leurs compétences, leur expertise et leur savoir-faire au service de l'excellence.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.