Monsieur le directeur général, parmi les sujets que vous abordez dans les réponses au questionnaire qui vous a été adressé, j'ai noté votre inquiétude s'agissant du maintien des emplois équivalents temps plein (ETP) et des moyens humains consacrés à une expertise publique absolument indispensable. Vous avez indiqué, en présentant le COP, que la réalisation des actions repose sur une communauté humaine forte de son savoir et de ses savoir-faire, qu'il est nécessaire de préserver et de transmettre. C'est un sujet dont nous faisons souvent état, notamment lors de l'examen des projets de loi de finances.
Vous avez évoqué les enjeux de sûreté et de sécurité nucléaires pour les années à venir, notamment la prolongation de certains réacteurs au-delà de 40 ans, la gestion des déchets nucléaires, l'EPR et le démantèlement de certaines installations.
Si vous avez répondu aux questions que je vous ai adressées sur les travailleurs, et notamment les travailleurs sous-traitants, vous n'avez pas abordé ce sujet ce matin. Or c'est un sujet qu'il faut prendre davantage en considération. À plusieurs reprises, dans notre histoire sociale, la science a révélé que des salariés avaient été exposés pendant des décennies à des substances dangereuses, telles que l'amiante ou la chlordécone. L'IRSN publie, à intervalles réguliers, le bilan des expositions aux rayonnements ionisants en France, dont les conséquences sur la santé humaine vont des atteintes cutanées aux cancers, en passant par des dommages irréversibles sur les gonades ou le cristallin. Ce risque a été redoublé par la pandémie, car les travailleurs sous-traitants du nucléaire, toujours en première ligne, ont été exposés à la radioactivité et au coronavirus.
Monsieur le directeur général, la sous-traitance massive dans le nucléaire pose problème. Les travailleurs sous-traitants, qui assurent 80 % de la maintenance, sont les plus exposés au risque de radioactivité. À titre individuel, j'estime que leurs conditions de travail sont parfois intolérables. Je pourrais vous parler de Patrice, envoyé en zone d'exposition alors même qu'il en revenait, atteint d'un cancer de la thyroïde à 32 ans, de Jean-Marie, qui touche 1 600 euros par mois après trente-neuf ans de nomadisme dans le nucléaire, ou encore des employés d'un sous-traitant à Romans-sur-Isère, contraints de travailler quarante-deux heures par semaine après que le contrat de leurs collègues n'a pas été renouvelé, ce qui, en matière de sûreté et de sécurité nucléaires, n'est pas sérieux.
Par-delà la situation des personnes, qui est de la première importance, cette situation signifie une perte de compétences pour l'exploitant. Du point de vue de la société, elle est très inquiétante et les incidents et accidents survenus ces dernières années ne devraient pas nous laisser indifférents. Je pense à la chute d'un générateur de vapeur dans la centrale de Paluel ou à la diffusion hors du cercle des personnes autorisées des plans de protection de l'EPR, peut-être via la chaîne de sous-traitance.
Ma question est simple : en l'absence de convention collective protégeant les travailleurs opérant dans la sous-traitance nucléaire, pensez-vous que les 160 000 travailleurs sous-traitants soient protégés ? N'est-il pas du devoir de l'IRSN de saisir le Gouvernement afin qu'une convention collective protège enfin leur santé ainsi que notre sécurité à toutes et à tous ?