Madame Brulebois, l'IRSN est très concerné par les sujets de santé environnementale. L'institut est sollicité dès que l'existence d'un cluster est suspectée en France, le rayonnement ionisant faisant toujours partie des suspects potentiels.
La santé environnementale est au cœur de nos recherches, notamment lorsqu'il s'agit des faibles doses. Le PNSE 4 comprend un volet consacré aux interactions avec la société ; c'est aussi l'un des axes stratégiques de notre institut depuis sa création, comme le rappelle le dernier COP.
Le PNSE 4 identifie quatre axes de travail. Le premier a trait à l'information, et l'IRSN peut y contribuer car nous disposons de nombreux éléments d'information sur l'aspect environnemental de la radioactivité. Nous gérons le site du réseau national de mesures de la radioactivité de l'environnement, www.mesure-radioactivite.fr. Il compile les mesures que les exploitants sont tenus de réaliser en application de la réglementation, celles que nous faisons nous-mêmes et celles de tout organisme agréé par l'ASN.
Nous avons mis à disposition sur notre site internet un outil, expop.irsn.fr, qui permet à chacun d'évaluer précisément la dose de rayonnements qu'il reçoit de manière naturelle selon qu'il habite au bord de la mer, qu'il fume, qu'il prend souvent l'avion ou qu'il a bénéficié d'examens radiologiques.
Le réseau Téléray regroupe 440 balises de mesure de la radioactivité dans l'environnement : une par département et les autres essentiellement concentrées autour des installations nucléaires, ainsi qu'une balise sur les toits des ambassades de France à Kiev et à Tokyo, pour des raisons que vous comprendrez aisément. Les résultats des mesures sont transmis en temps réel sur le site internet de l'institut, vous pouvez les consulter.
Suite à l'accident de Fukushima, nous avons développé le réseau OpenRadiation, autour d'un petit appareil que l'IRSN a développé. À Fukushima, les gens n'ont pas attendu que l'exploitant ou les autorités les informent de la contamination, ils ont acheté des dosimètres. Nous avons lancé une action à destination du public en proposant un kit à construire soi-même, que chacun peut connecter à l'application OpenRadiation, sur laquelle les mesures sont partagées.
Les deuxièmes et troisièmes axes du PNSE 4 nous concernent moins. Il s'agit des mesures de réduction de l'impact d'un certain nombre de polluants et d'agresseurs.
Le quatrième axe porte sur le développement des connaissances, et nous comptons nous y impliquer. Les nombreuses données environnementales dont nous disposons pourraient être déversées dans le Green Data Hub. Nous sommes associés aux travaux sur l'exposome, qui consiste à évaluer l'impact de l'ensemble des stresseurs environnementaux au cours de la vie d'une personne, notamment les rayonnements ionisants et les ondes électromagnétiques. Nous contribuons à une étude épidémiologique de l'INSERM, qui nous a chargés d'étudier les aspects consacrés aux rayonnements ionisants.
Nous travaillons aussi sur les multi-expositions avec l'OCDE. Nous développons le programme LILAS, qui va évaluer la multi-exposition dans un territoire – j'ai à l'esprit l'exemple de Dunkerque – avec d'autres organismes, dont l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), et des associations de défense de l'environnement. Ce projet est né d'un appel à manifestation d'intérêt de l'Agence nationale de la recherche (ANR) dans le cadre du programme « Science avec et pour la société ». Nous avons été retenus pour la première phase.
Monsieur Sermier, on ne se satisfait jamais des moyens à sa disposition, c'est une évidence. Dans mes réponses au questionnaire établi par la rapporteure de votre commission, nous faisons part de nos besoins de moyens supplémentaires, mais nous connaissons l'état des finances publiques. Nous nous sommes organisés pour gagner en efficience en hiérarchisant et en priorisant les dossiers. Nous avons mis en place une ingénierie d'élaboration de nos avis. L'ASN publie 400 à 500 rapports par an, nous dialoguons à tous les niveaux, des chargés d'affaires et des experts de terrain jusqu'au collège de l'ASN, pour hiérarchiser et affecter nos moyens aux sujets les plus nécessaires. Pour accompagner la prolongation de l'exploitation des réacteurs au-delà de 40 ans, le démarrage de l'EPR ou Cigéo, nous avons mis en place des comités stratégiques et des comités de pilotage afin d'anticiper les points durs. Aujourd'hui, nous arrivons à remplir nos missions avec les moyens qui nous sont attribués.
S'agissant de l'EPR, l'ASN a donné son autorisation pour les travaux de réparation. Les problèmes de qualité touchaient plus d'une centaine de soudures. La plupart étaient accessibles et EDF les a corrigées, mais huit soudures situées dans l'espace entre enceintes sont difficiles d'accès. L'IRSN a réalisé des expertises et transmis ses avis et ses recommandations à l'ASN. Nous avons considéré que les travaux pouvaient être engagés. Parmi les options possibles, EDF a retenu celle consistant à introduire un robot dans la tuyauterie pour faire la soudure. Nous avons estimé que les conditions étaient réunies pour réaliser des soudures conformes au niveau d'exigence requis. Il faudra ensuite vérifier que l'opération a bien permis d'atteindre le résultat escompté.
Le 11 mars 2011, le plus important séisme jamais mesuré au Japon a occasionné des destructions très importantes dans la région de Fukushima. Dans la centrale, le réacteur s'est arrêté, conformément à ce qui est prévu. Le tremblement de terre ayant détruit les alimentations électriques extérieures – les pylônes et les câbles –, les diesels de secours ont pris le relais. Le tremblement de terre a donc été géré comme attendu. Malheureusement, quarante minutes plus tard, une vague de plus d'une dizaine de mètres de hauteur a déferlé sur le site. L'eau salée a noyé beaucoup de matériel électrique, le rendant inopérant, et a détruit la source froide, c'est-à-dire la station de pompage nécessaire pour faire fonctionner un réacteur nucléaire ou une centrale électrique classique. C'est ce qui a amené à la catastrophe qu'on sait.
Aujourd'hui, le site est dans un état stabilisé. La situation n'en est pas pour autant normale, elle reste dégradée. Au début du mois de février, une réplique lointaine du séisme de mars 2011 a touché la région de Fukushima, ce qui nous rappelle que la situation n'est pas complètement fixée. Les Japonais auront encore besoin de dizaines d'années avant de traiter complètement le site.
Contrairement à la catastrophe de Tchernobyl, pour laquelle très peu d'études ont été effectuées sur les personnes directement concernées, les Japonais ont lancé des études significatives. Ils ont notamment interrogé 2 millions de personnes pour identifier les conditions dans lesquelles elles se trouvaient dans la région de Fukushima, et reconstituer les doses qu'elles avaient reçues. Pour plus de 60 % d'entre elles, la dose reçue a été inférieure à 1 mSv, ce qui correspond à la dose supplémentaire annuelle maximale pour le public, et aucune n'a reçu plus de 15 mSv. Je rappelle que dans la région parisienne, une personne reçoit en moyenne 4,5 mSv par an. Aucun effet directement lié aux rayonnements ionisants n'est observable aujourd'hui. Cela ne signifie pas qu'il n'y en a pas, mais ils ne se distinguent pas du bruit de fond. Il faudra suivre la population dans la durée, notamment les cas de cancers de la thyroïde.
Une enquête de chercheurs japonais publiée en 2015 dans la revue scientifique The Lancet ainsi qu'un rapport récent de l'UNSCEAR (Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants) ont rapporté des effets indirects. Cinquante personnes seraient mortes durant l'évacuation, notamment des maisons de retraite. Dans les deux ans qui ont suivi, un peu moins de 2 000 personnes seraient mortes en raison du stress et de l'impact de cette catastrophe sur la vie des gens.
L'IRSN participe à un certain nombre de programmes de recherche élaborés sous l'égide de l'OCDE, notamment sur la compréhension de l'accident et les actions de démantèlement. Notre connaissance des aérosols – le comportement des poussières accompagnées de radioactivité – est mise à contribution dans le cadre d'un programme de recherche sur la découpe au laser du corium, cette matière radioactive qui a fondu dans le réacteur au moment de l'accident. Enfin, nous avons engagé une collaboration avec l'université médicale de Fukushima pour travailler sur les effets des rayonnements ionisants sur les personnes. Nous avons d'ailleurs accueilli un scientifique de cette université l'année dernière.
Nous n'avons pas été officiellement saisis au sujet de la taxonomie européenne des énergies renouvelables.
Madame Tuffnell, l'IRSN a massivement recouru au télétravail dès mars 2020. L'impact du covid sur notre activité s'est limité à des retards de trois ou quatre mois sur des programmes de recherche lorsque les tâches nécessitaient de se rendre sur place. Une partie des programmes peut toutefois être réalisée à distance ; il en est ainsi, par exemple, de l'élaboration des cahiers des charges techniques relatifs à une expérimentation ou de l'utilisation d'outils de simulation, dont les retours sur expérience ont montré qu'ils devaient être rendus plus accessibles aux chercheurs.
Le 31 mars 2020, nous avons remis en temps et en heure notre avis de synthèse sur la prolongation de l'exploitation des réacteurs de 900 MW au-delà de 40 ans à l'ASN – l'autorité vient de prendre position sur ce sujet il y a quelques jours. Ce document public est la synthèse de 40 avis et le fruit de 200 000 heures de travail, soit l'activité annuelle de plus de 140 personnes.
Le covid a également eu des effets managériaux. Nous avions signé dès 2019 un accord avec les organisations syndicales – il règne un bon climat social à l'IRSN – prévoyant l'extension du télétravail à deux jours hebdomadaires et les modalités de la mise en place de cette nouvelle organisation. La pandémie a accéléré le processus. Pour accompagner ce mouvement massif, nous avons élaboré des guides à destination des salariés, des managers.
La transformation numérique revêt plusieurs dimensions. Pour favoriser le travail nomade, nous avions décidé, dès janvier 2020, de nous équiper de la plateforme collaborative Teams, non sans nous être interrogés, notamment, sur les enjeux de cybersécurité. L'institut dispose d'une masse considérable de données – expertises, programmes de recherche, mesures dans l'environnement, etc. Afin de réfléchir à la politique à mener en la matière, j'ai nommé un chief data officer. Nous avons élaboré une doctrine en la matière.
Durant la pandémie, nous avons décidé avec l'ASN de passer au zéro papier dans nos échanges, sachant que nous adressons 500 rapports par an à l'autorité de sûreté. Sur les 1 800 salariés de l'IRSN, 400 travaillent pour l'ASN. Nous avons institué un système d'échanges numérisés, par exemple concernant nos avis techniques.
Pour améliorer l'utilisation de nos connaissances, nous avons développé des outils d'intelligence artificielle. Je citerai deux projets pour lesquels nous avons sollicité une aide du fonds pour la transformation de l'action publique. Le premier concerne le retour d'expérience à partir des milliers de déclarations d'événements significatifs survenus dans les centrales que nous recevons chaque année. Le second porte sur la centralisation des données de la surveillance dosimétrique des travailleurs.
En effet, nous recevons communication des doses reçues par les travailleurs dans les installations nucléaires ou les structures médicales. Si les chiffres sont supérieurs aux seuils autorisés, nous alertons le médecin du travail ou la personne compétente en matière de radioprotection pour que soit réalisée une enquête afin de déterminer s'il s'agit d'un vrai ou d'un faux signal et, dans la première hypothèse, pour en comprendre les raisons. Nous utilisons également ces données pour mener des études épidémiologiques. Grâce à l'intelligence artificielle, nous pourrons mettre en relation les valeurs reçues et les conditions de travail dans l'installation. En effet, quand bien même les chiffres seraient inférieurs aux seuils, nous pourrons ainsi vérifier que les courbes ne traduisent pas un dysfonctionnement.
Nous sommes particulièrement sensibilisés au risque de cyberattaque, d'une part, parce que c'est un problème d'actualité et, d'autre part, parce que l'IRSN traite de la cybersécurité dans les installations nucléaires. Nous employons des responsables de la sécurité des systèmes informatiques et disposons de systèmes de protection contre les attaques et de détection de ces phénomènes. Nous suivons de près les modifications de l'environnement informatique et appliquons les corrections nécessaires. Dans le domaine de la santé, nous appliquons rigoureusement les règles d'accès aux données.
S'agissant de la RSE, nous menons un certain nombre d'actions en faveur de la biodiversité. Nous avons installé des ruches, nous envisageons de créer des jardins partagés, en relation avec des associations locales. J'ai décidé de faire entrer la responsable de la RSE au sein du comité de pilotage des investissements – structure dont la création était recommandée récemment par la Cour des comptes. Nous avons lancé l'action « Dépensons responsable », qui vise à intégrer les considérations écologiques dans des domaines tels que la consommation de papier. Enfin, dans le cadre des objectifs partagés et de l'intéressement, nous avons introduit, en lien avec les organisations syndicales, un indicateur lié au nettoyage des bases de données informatiques, qui, comme on le sait, sont de très consommatrices d'énergie.
L'IRSN établit des comparaisons entre les mesures du radon dans l'eau effectuées par les laboratoires. Nous sommes la référence radiologique en la matière. Nous avons contribué à la rédaction d'un guide pour la DGS en 2018.
Monsieur Leseul, le risque d'incendie est élevé : dans chaque installation nucléaire, on compte, en moyenne, un départ de feu par an, du fait du grand nombre de connexions électriques. Samedi dernier, j'ai dû activer, au cours de la nuit, notre centre de crise, en raison du déclenchement d'un incendie sur un transformateur. Bien que ce dernier fût situé en dehors de la zone nucléaire, les procédures nous imposaient de nous mobiliser. Nous avons envoyé des personnes sur place, mais EDF a rapidement réglé le problème.
L'IRSN n'est pas favorable à la création d'un programme budgétaire unique dédié au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Il faut revenir à la création de l'institut par le Parlement en 2000 : à l'époque, le choix, très politique, avait été de rassembler dans une seule organisation l'ensemble des dimensions du risque lié aux rayonnements ionisants.
Plusieurs questions avaient alors été débattues. En premier lieu, fallait-il relier l'expertise et la recherche ? Je rappelle que l'IRSN résulte de la fusion de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), qui faisait partie du CEA, et de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI). C'est donc le CEA qui détenait les moyens de recherche. La réponse donnée à cette première question a été positive ; il a été considéré que la connaissance du risque procédait à la fois de l'expertise et de la recherche. Dans son rapport sur « l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux par les agences », l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a d'ailleurs recommandé cette association.
Une deuxième question a été de savoir s'il fallait rassembler le civil et la défense dans la même structure, ce qui, là encore, a donné lieu à une réponse positive. Naturellement, pour respecter les exigences de confidentialité, l'IRSN met en œuvre des compétences particulières.
La troisième question consistait à déterminer s'il fallait réunir sûreté nucléaire et radioprotection – ou ingénieurs et médecins, comme on le disait à l'époque de manière un peu caricaturale – ; le choix a été fait d'associer les deux domaines.
En revanche, le législateur a décidé de ne pas confier la décision et l'expertise au même organisme, ce qui a conduit à créer des structures distinctes : IRSN, ASN, Autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND), etc.
Il nous semble que l'introduction d'un programme budgétaire de sûreté nucléaire amoindrirait l'action de l'institut, en la cloisonnant. L'IRSN est essentiellement financé par le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », auquel s'ajoutent les contributions des opérateurs, ce qui correspond à la volonté d'avoir un organisme unique en charge de l'évaluation du risque radiologique et nucléaire sous toutes ses facettes. Nous avons une grande variété d'interlocuteurs. Près d'un quart de nos effectifs travaille pour l'ASN ; nous sommes également en relation avec l'ASND, les ministères – l'IRSN rend régulièrement des avis aux ministères de la santé, de l'environnement, de l'intérieur –, le Parlement – nous avons établi un rapport dans le cadre des travaux de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires. Si chaque interlocuteur avait son budget, cela réduirait les capacités de synergie et d'interaction des différentes composantes de l'institut, et cela rigidifierait le système. Nos ministères de tutelle ont également considéré que ce ne serait pas souhaitable.
Cette question met en lumière l'enjeu de la visibilité du budget consacré à la sûreté nucléaire. Il nous paraît fondamental que le Parlement ait une vision globale de ces crédits et, à cette fin, nous sommes très favorables à ce que cette présentation soit faite dans un jaune budgétaire, comme le prône la Cour des comptes.
Les axes d'amélioration de la sûreté des centrales nucléaires renvoient aux conditions de prolongation des réacteurs au-delà de 40 ans. EDF a élaboré un programme substantiel d'amélioration, qui était à l'origine motivé par la volonté d'assurer la prolongation de vie des centrales, et dont la nécessité a été renforcée à la suite de l'accident de Fukushima. Les axes d'amélioration résident notamment dans l'ajout de matériels pour faire face à des situations extrêmes : diesel d'ultime secours, source d'eau ultime, dispositif supplémentaire de refroidissement de l'enceinte… Pour l'IRSN, il est primordial d'améliorer la recherche et le traitement des non-conformités dans les centrales, que l'on découvre encore en trop grand nombre de manière contingente. Le programme d'EDF va dans le bon sens. Ce travail, qui reste substantiel, devrait permettre d'atteindre les objectifs fixés par l'ASN.
La préparation aux crises est un sujet complexe, qui nécessite d'impliquer la population, notamment les personnes habitant à proximité des installations nucléaires. La loi LTECV a conféré des responsabilités aux CLI, auprès desquelles intervient l'IRSN. Nous avons développé, par exemple, l'outil de sensibilisation aux problématiques post-accidentelles à destination des acteurs locaux (OPAL), qui simule un accident nucléaire, en montrant, par exemple, ses effets en termes de contamination. Cet instrument aide la population à apprécier le risque, à se rendre actrice de la situation. Nous menons aussi des actions auprès de lycéens, pour favoriser le développement d'une culture du risque. Trois classes de première des lycées de Cherbourg, Coutances et Saint-Lô ont interagi avec notre laboratoire de Cherbourg-Octeville. Les lycéens ont effectué des mesures du tritium dans l'environnement, que le laboratoire a dépouillées.
Madame Sage, plus de 500 essais atmosphériques ont été conduits dans le monde, dont 46 ont été le fait de la France en Polynésie. L'IRSN a une équipe sur place, répartie sur huit sites ; il y a une présence à Papeete depuis 1962 – trois personnes s'y trouvent actuellement. Nous procédons notamment à des mesures dans l'environnement. Nous assurons une surveillance, tous les deux ans, sur sept îles de Polynésie représentatives des cinq archipels. Nos mesures, qui sont publiques, montrent depuis quelques années des niveaux très bas. L'hémisphère sud n'a pas subi les conséquences de l'accident de Fukushima car les circulations atmosphériques sont relativement étanches entre les deux hémisphères ; il subit essentiellement les retombées des essais – d'autres pays en ont effectué.
Nous procédons à des mesures dans l'eau, dans l'environnement ou sur des plateaux-repas type. L'exposition liée aux retombées des essais est de l'ordre d'un millième de la radioactivité naturelle, ce qui est très faible. Cela nous a conduits à ne plus établir ce rapport qu'un an sur deux. Le CIVEN nous a demandé en mars 2019 d'évaluer les doses reçues entre 1975 et 1980 : nous avons indiqué, dans un rapport public, que les valeurs étaient inférieures à 100 000 sieverts. Nous intervenons aussi au sein de plusieurs organismes, notamment la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires (CCSCEN).
La loi relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite « loi Morin », repose sur la présomption d'imputabilité. Autrement dit, on considère que les essais ont pu contribuer à l'apparition d'un certain nombre de maladies – sur lesquelles l'IRSN est susceptible d'être consulté –, définies par décret. La DGS nous a interrogés sur les maladies radio-induites définies par le décret. Dans notre avis, nous avons conclu que ces dispositions étaient cohérentes non seulement avec les recommandations de l'UNSCEAR et de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR), mais aussi avec la pratique observée dans d'autres pays. L'UNSCEAR a engagé une révision des cancers radio-induits en 2017, qui devrait aboutir, compte tenu du délai habituel de six ans, en 2023. Cela pourrait éventuellement conduire à une évolution de la liste.
Nous examinerons l'étude à laquelle vous faites référence – qui est très récente et de grande ampleur – essentiellement sous l'angle de la méthodologie employée.
Monsieur Bricout, vous m'avez interrogé sur la saturation du site de La Hague. Les combustibles qui sortent des centrales nucléaires doivent passent quelque temps dans des piscines de refroidissement avant d'être acheminés à La Hague. Ils y sont à nouveau entreposés avant d'être en partie retraités. Le combustible MOX, déjà issu d'un premier retraitement – il alimente une partie des réacteurs de 900 MW – doit y être stocké de manière durable. On constate une légère augmentation – de l'ordre d'une centaine de tonnes chaque année – de la quantité de combustible stockée dans les piscines du site d'Orano la Hague.
L'IRSN a rendu des avis sur le projet de création d'une piscine d'entreposage centralisé à l'horizon de 2034, mais la saturation des bassins actuels devrait intervenir avant. Nous avons alerté sur le problème de cohérence entre les deux calendriers.
Parmi les options envisageables, les opérateurs étudient la possibilité de densifier les bassins, autrement dit, d'y entreposer plus de combustible – le combustible usé est placé dans des paniers dont il s'agirait de réduire la taille grâce à l'emploi d'autres matériaux. Toutefois, il faut éviter qu'une réaction nucléaire ne débute dans la piscine, ce qui soulève des enjeux de protection neutrophage. Compte tenu des risques que nous avons identifiés dans notre première analyse technique, nous estimons que le site d'Orano devra compter des refroidisseurs supplémentaires, la charge thermique étant susceptible d'augmenter de 30 % quand la masse n'augmenterait que de 5 %. Mais les installations actuelles étant anciennes, la densification ne doit pas se substituer à la création d'une nouvelle piscine.
Le projet de densification des piscines fait l'objet de réunions avec la CLI de La Hague, l'ANCCLI et les représentants des associations. La population se montre très attentive au sujet et la société civile occupe une place croissante dans la réflexion. Il y a quelques années, les dialogues techniques n'existaient pas. L'IRSN les a développés avec les CLI, l'ASN et les opérateurs, ce qui lui donne l'occasion de présenter ses positions techniques.
La charte d'ouverture à la société, qui s'inscrit dans le cadre de nos axes stratégiques, a donné de bons résultats ces dix dernières années. Elle est désormais partagée par huit organismes, dont l'INERIS et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).
Je citerai, parmi les pistes d'évolution, une diversification des interlocuteurs. À l'heure actuelle, le dialogue est circonscrit au petit cercle des gens concernés. J'ai récemment échangé avec France nature environnement et la Fondation Nicolas Hulot afin de déterminer comment nous pourrions renforcer nos relations. Notre contrat d'objectifs prévoit la création d'un comité des parties prenantes, qui nous aidera à avancer sur ces sujets.
Depuis le début de la pandémie, l'IRSN a fait preuve de résilience. Nous avons réussi à gérer plusieurs crises importantes. Les grands incendies survenus autour de Tchernobyl, qui ont suscité beaucoup d'interrogations, nous ont conduits à mobiliser notre centre de crise. À la suite de l'incendie qui a endommagé le sous-marin Perle, en juin dernier, le préfet nous a demandé d'envoyer nos moyens de mesure dans l'environnement.
Nombre d'installations nucléaires ont été arrêtées. Toutefois, les réacteurs d'EDF – et le cycle du combustible qui leur est associé – ont continué à fonctionner. EDF a reporté les arrêts de tranche, ce qui a parfois entraîné des difficultés à la reprise des travaux. Les tensions, le stress ont pu favoriser l'apparition d'incidents. Le report à l'hiver des arrêts de tranche a fait craindre un incident réseau généralisé, un risque déjà identifié lors du passage à l'an 2000. Une météo plutôt favorable a permis de l'éviter.
Nous avons proposé à l'ASN, qui l'a repris à son compte, un cahier des charges pour questionner les opérateurs sur les enseignements qu'ils tirent du covid. Nous ferons un retour d'expérience à partir des données qu'ils nous fourniront sur les effets de la pandémie sur les processus de décision, les métiers, l'interaction entre les composantes du cycle nucléaire – réacteurs, station de fabrication du combustible –, les relations avec les fournisseurs industriels ou encore le contrôle des installations.
Après Fukushima, on a constaté une baisse de l'intérêt pour les carrières dans le nucléaire. À titre d'exemple, les effectifs des sessions de formation en génie atomique assurées par l'Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN) sont passés de 100 à 60 personnes. Nous arrivons toujours à attirer des profils de valeur au sein de l'IRSN, mais nous avons plus de difficultés à les garder. En France, les opérateurs nucléaires se sont organisés pour traiter ce sujet.
Le sujet de la canicule avait été traité une première fois au milieu des années 1980. Lors des épisodes caniculaires de 2003 et de 2019, on a pu constater que, dans certaines conditions, les normes de conception des installations étaient dépassées. Cela nous a conduits à demander à EDF de renforcer un certain nombre de dispositifs, comme des échangeurs de chaleur, afin de s'assurer que des éléments importants pour la sûreté ne soient pas soumis à des températures excessives. EDF doit procéder à des essais et à des vérifications dès que des épisodes de forte chaleur surviendront. Nous suivons aussi de manière très sérieuse les conséquences du changement climatique. Le référentiel de sûreté des installations nucléaires doit être révisé tous les ans, en s'interrogeant notamment sur les niveaux de température qui seront atteints. L'IRSN a également mis en place il y a quelques mois un groupe de recherche pluridisciplinaire sur les enjeux du changement climatique.
Je suis heureux que vous m'ayez interrogé sur la radiothérapie, car l'IRSN travaille aussi sur les aspects médicaux du nucléaire. Nous participons au plan cancer de l'Institut national du cancer (INCa) et nous serons chef de file d'un programme européen visant à organiser la radioprotection médicale.