Il est urgent d'encadrer la publicité, chacun d'entre vous l'a dit, et il est évident que ce secteur ne se réglementera pas tout seul. Cette proposition de loi a le mérite d'introduire un changement de paradigme. Elle pose les bases d'une loi Évin pour le climat, elle interdit les publicités lumineuses qui, par essence, sont une forme de gaspillage énergétique ainsi que les publicités pour les produits très néfastes à l'environnement, et elle réglemente la publicité pour la malbouffe, surtout dans le but de protéger nos enfants. C'est sur cette dernière disposition que je souhaite m'attarder.
Il ne faut pas se fier aux belles annonces de greenwhashing de l'ANIA, qui a dit vouloir retirer ses publicités des programmes jeunesse. Cette décision n'aura qu'un impact très limité, puisque les enfants sont souvent devant la télévision aux heures de grande écoute, par exemple à vingt heures, au moment du dîner en famille : les industriels le savent très bien.
En parlant de promesses alléchantes qui se révèlent sans effet, je ne peux pas ne pas mentionner un autre document extraordinaire : la charte du CSA visant à « promouvoir une alimentation et des comportements favorables à la santé dans les programmes audiovisuels et les publicités ». Avec cette charte qui a mis tellement de temps à paraître, on atteint le paroxysme du cynisme s'agissant de la lutte contre la malbouffe de nos enfants. J'aimerais vous en lire certains passages particulièrement croustillants : vous verrez ainsi comment le CSA entend combattre des requins avec un pistolet à bouchon.
S'agissant des annonces publicitaires, par exemple, il est indiqué que « les annonceurs et/ou l'Union des marques s'engagent à renforcer la démarche responsable de la publicité concernant le contenu des publicités alimentaires sur tous les territoires ». Si quelqu'un peut m'expliquer ce que signifie « renforcer la démarche responsable », je suis preneur. Il est encore indiqué que « les annonceurs et/ou l'Union des marques veillent à ce que les messages publicitaires ne fassent pas la promotion de comportements alimentaires spécifiques susceptibles de causer de graves carences ». On parle de carences, mais on ne dit pas un mot sur la consommation excessive de sucre ou de sel, par exemple.
Dans le même registre, l'ANIA et l'interprofession publicitaire « encouragent et accompagnent la présence des repères nutritionnels, notamment le Nutri-Score, dans les messages publicitaires des annonceurs qui ont choisi de les indiquer sur les emballages de leurs produits dans le respect de leurs engagements volontaires ». Bref, les annonceurs feront ce qu'ils veulent. Ils ont dû drôlement avoir peur, quand ils ont lu cette charte ! S'agissant enfin de l'hygiène de vie, la charte prévoit que « les signataires s'engagent à diffuser des programmes favorables à une bonne hygiène de vie », mais… « lorsque cela est compatible avec leur ligne éditoriale » ! Une fois encore, ils seront libres de ne rien faire. Cette charte, signée par le ban et l'arrière-ban de l'industrie publicitaire et de l'agroalimentaire, est vraiment un pistolet à bouchon.