Nous le savons tous pour avoir travaillé sur ces problématiques depuis 2017, la préservation de notre foncier agricole est un enjeu de politique publique primordial pour la pérennité de notre modèle agricole, la préservation de l'environnement et la vitalité des territoires et des emplois ruraux.
Souveraineté alimentaire, agroécologie, aménagement du territoire – notamment rural –, emplois : cette proposition de loi tant attendue relève des défis majeurs pour notre nation.
Nous devons faire face à la raréfaction du foncier disponible, entravant l'installation de jeunes agriculteurs et aboutissant à un monopole de grandes exploitations. Nous devons également lutter contre le développement de monocultures et la simplification des itinéraires culturaux, qui contribuent à appauvrir les sols et à déstabiliser la biodiversité. Nous devons réguler la standardisation des productions qui conduit à la disparition de productions locales et du métier d'agriculteur. Enfin, nous devons préserver et maximiser la diversité de notre production agricole, qui est l'une des conditions essentielles de l'indépendance alimentaire de la France.
L'état des lieux révèle un foncier agricole sous haute tension : chaque année, environ 25 000 chefs d'exploitation agricole quittent leur profession, cédant en moyenne 55 hectares. L'imperméabilisation des sols se poursuit à un rythme avancé et la compétition autour des usages du foncier fait croître la pression sur les surfaces agricoles : les prix des terres ont augmenté de 35 % en dix ans. Cette hausse pèse sur les repreneurs ; pour les nouveaux exploitants, il devient de plus en plus difficile, voire impossible, de s'installer.
Le départ en retraite du tiers des exploitants agricoles d'ici à 2023 induit un risque d'abandon des terres agricoles et va entraîner un volume élevé de transactions sur le marché du foncier rural, alors qu'il n'existe pas de contrôle global efficient. Certes, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) jouent un rôle majeur dans le contrôle du foncier agricole, grâce à leur droit de préemption. Mais la progression des formes sociétaires d'exploitation fait obstacle à leur contrôle.
La forme sociétaire n'est pas condamnable en soi, et ce n'est pas du tout l'objectif de cette proposition de loi. Plus de 60 % des terres agricoles françaises sont exploitées sous cette forme juridique. La constitution de sociétés présente des avantages : elle permet de regrouper des moyens et des compétences, de distinguer les patrimoines personnel et professionnel et de bénéficier d'avantages fiscaux.
Cependant, ces formes sociétaires d'exploitation permettent d'échapper aux instruments classiques de régulation, qui ont été bâtis en référence au modèle de l'exploitation familiale détenue par des personnes physiques.
Concrètement, en l'absence formelle d'installation, d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, le contrôle des structures n'est plus applicable. À moins que la cession ne porte sur la totalité des parts d'une société mise en vente, les SAFER se trouvent privées de tout moyen de négociation ou d'intervention. Sans régulation, le démantèlement d'exploitation se fait de manière sauvage, en l'absence de toute vision globale autre que pécuniaire.
Il faut donc, par la loi, prévoir une adaptation rapide du droit aux évolutions des marchés fonciers, en rénovant les outils existants pour lutter contre la concentration des exploitations.
L'article 1er de la proposition de loi vise à créer une procédure de régulation des transmissions de parts sociales qui permettent de prendre le contrôle des sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole, lorsque ces transmissions ne portent pas sur la totalité des parts. Cette mesure permettrait enfin de réguler la zone grise dont je faisais état.
Les outils de régulation existants ont pour mission de contrôler qui achète et qui exploite les terres agricoles et, si besoin, d'orienter cette ressource vers des projets sélectionnés en fonction des objectifs de la réglementation. Ils font partie intégrante de notre stratégie de sauvegarde de la souveraineté agricole, de notre transition agroécologique et de notre aménagement du territoire rural. Défini par l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors-sol au sein d'une exploitation agricole. Son objectif principal est de favoriser l'installation d'agriculteurs par une gestion « macro » et non « micro » prenant en considération l'ensemble des facteurs exposés dans mon rapport. C'est ainsi que nous assurerons la revitalisation de nos campagnes.
Afin que ce système soit véritablement efficace, l'architecture proposée combine autorisation et sanction, pour plus de transparence, grâce à une alliance efficace entre l'autorité préfectorale et les SAFER. Il s'agit d'être vigilant pour réguler les prises de contrôle au-delà d'un seuil d'agrandissement excessif, et d'appliquer des sanctions en cas de manquement afin d'assurer une bonne articulation entre le régime existant de contrôle des structures et le nouveau dispositif.
À la lumière de ces constats, je me suis penché sur les différents dispositifs législatifs à même d'apporter une réponse rapide et efficace, en adéquation avec nos particularités agricoles territoriales. Je proposerai à la commission d'émettre un avis favorable sur l'article 1er de cette proposition de loi.