Je salue à mon tour la qualité du travail et l'effort de concertation de Jean-Bernard Sempastous.
Dans les dix prochaines années, la moitié des agriculteurs devrait partir à la retraite. Un impératif se fait donc de plus en plus pressant : assurer la transmission des exploitations et le renouvellement des générations. Afin d'y parvenir, deux problèmes doivent être traités en priorité : garantir un revenu décent aux agriculteurs, à la hauteur des efforts consentis, et limiter les coûts d'installation de plus en plus élevés, notamment en raison de l'évolution du prix des terres.
Cette proposition de loi entend se pencher sur ce second volet. Reconnaissons-le d'emblée, ce texte n'est pas la grande proposition de loi sur le foncier agricole promise depuis le début du quinquennat. Elle contient des mesures d'urgence, nécessaires pour réguler le marché sociétaire d'accès au foncier agricole, mais laisse de côté des problèmes essentiels tels que les droits de mutation ou le recours croissant au travail à façon.
Par ailleurs, ce texte aura un impact limité dans certains territoires, en particulier en Corse, ou le marché sociétaire est résiduel. Le problème y est plutôt le démembrement de propriétés et les baux de complaisance qui permettent de contourner le droit de préemption des SAFER.
Sur le fond, je partage la volonté de mieux contrôler les cessions de titres sociaux portant sur des sociétés détenant ou exploitant des terres agricoles. Un nombre croissant de structures recourent à la forme sociale et échappent aux règles de régulation du foncier agricole. Ces dernières, bâties sur le modèle d'exploitation familiale détenue par des sociétés physiques, ne permettent plus aux SAFER et aux instruments de contrôle des structures des exploitations agricoles d'intervenir pour limiter l'accaparement.
La création d'un troisième mécanisme permettant de soumettre à autorisation administrative les cessions de titres sociaux sur les sociétés détenant ou exploitant des terres agricoles pourrait corriger ces failles. Cependant, selon la rédaction de l'article 1er, seules les structures dépassant le seuil d'agrandissement excessif seront soumises à ce mécanisme. Le groupe Libertés et Territoires attend des garanties pour éviter qu'un nombre important de structures échappent au contrôle. Nous craignons également que ce texte pérennise la rupture d'égalité entre les exploitations agricoles sociétaires et les exploitations traditionnelles, pour lesquelles le seuil de contrôle des structures est bien plus bas.
Enfin, vous prévoyez d'exempter l'ensemble des donations de ces nouvelles obligations. Comment garantir que cette disposition ne favorisera pas des contournements, comme ce fut le cas lorsque toutes les donations de terres sortaient du champ de préemption des SAFER ?
Cette proposition de loi est un premier pas pour la sauvegarde du modèle français d'agriculture familiale. Il faudra aller plus loin pour lutter vraiment contre l'agrandissement des exploitations, la diminution du nombre d'agriculteurs et l'arrivée d'investisseurs financiers.