Intervention de Cédric O

Réunion du mardi 25 mai 2021 à 18h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques :

Je suis très heureux d'être parmi vous pour l'examen de cette proposition de loi – j'avoue avoir « poussé » afin qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour de votre assemblée. Pourquoi le sujet est-il si important ? D'un point de vue très général, le numérique et l'environnement sont le cadre de deux grandes révolutions qui perturbent notre approche économique et sociale, modifient les relations internationales et remettent en question le monde tel que nous l'avons connu.

Ces révolutions se répondent. La transition environnementale, notamment énergétique, m'apparaît comme un problème mathématique : nous avons des ressources finies, alors que le monde continue de se développer – une personne sur quatre vit aujourd'hui avec moins de 3 dollars par jour, deux personnes sur trois avec moins de 10 dollars. Il nous faut augmenter l'intensité carbone de notre consommation, c'est-à-dire consommer beaucoup mieux et faire en sorte qu'une unité de consommation supplémentaire ne consomme pas une unité de ressources premières supplémentaire. Si nous devons répondre à cette tension mathématique, c'est que nous souhaitons que les personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ou disposent de revenus très bas puissent rejoindre le niveau de vie des pays occidentaux. Pour le dire plus clairement, nous avons besoin d'être beaucoup plus efficaces – en augmentant notre capacité à innover et à tirer profit d'énergies moins consommatrices de ressources premières – et d'éviter le gaspillage.

Dans ce domaine, le numérique nous fournit des leviers sur le long terme. La théorie mathématique de la communication, appelée aussi théorie de l'information, veut que plus vous mettrez d'information dans un système, plus ce système sera efficace. L'avantage du numérique, c'est que le système est plus efficace parce que vous y mettez de l'information. Quelques ordres de grandeur : lorsque Schneider Electric connecte une usine, cela réduit de 60 % sa consommation électrique, lorsqu'un tracteur est connecté pour optimiser son déplacement, il utilise 20 % de pétrole et de produits phytosanitaires en moins, lorsqu'un exploitant agricole relie des appareils d'hygrométrie au système d'arrosage, il économise quinze jours de consommation d'eau.

Dans le même temps, le numérique pollue. S'il faut avoir à l'esprit, là encore, les ordres de grandeur – votre aller-retour Paris-Nice en avion représente deux ans de votre pollution numérique – il n'en reste pas moins que le numérique, comme les autres secteurs, et aussi parce qu'il est parmi les plus dynamiques, doit faire un effort.

Il y a quelques semaines, j'ai présenté avec la ministre de la transition écologique Mme Barbara Pompili une feuille de route « numérique et environnement ». Elle comporte trois grands axes d'action. Le premier consiste à mesurer le phénomène. Les chiffres dont nous disposons en matière de pollution par le numérique sont en effet incertains et la fourchette que l'on donne habituellement – entre 5 et 10 % des émissions de GES – est tout sauf précise. Certaines des dispositions de ce texte ainsi que du projet de loi « climat et résilience » prévoient que l'Agence de la transition écologique (ADEME) est chargée de cette mesure, tandis que l'ARCEP recueille les données chez les opérateurs. Ces dispositions sont indispensables pour mieux évaluer et comprendre la pollution numérique.

Le deuxième axe consiste à améliorer l'efficacité du secteur économique. Un certain nombre de mesures prévues par la proposition de loi vont dans ce sens : lutte contre l'obsolescence programmée ; objectivation des impacts positifs et négatifs ; soutien aux data centers les plus vertueux ; régulation par la donnée ; mutualisation des pylônes pour éviter la spéculation foncière dans les zones rurales. Ces dispositions recueillent l'approbation pleine et entière du Gouvernement. Nous n'arrivons pas sur un terrain vierge : depuis l'adoption de la proposition de loi au Sénat, certaines dispositions ont été satisfaites par la mise en œuvre des mesures de la loi AGEC, comme la définition d'un bien reconditionné et l'intégration de critères environnementaux dans la commande publique. Parmi celles-ci, l'indice de réparabilité est essentiel puisqu'il permet de traiter de la question fondamentale de la durabilité des équipements.

Je terminerai par un propos plus politique. Deux visions, transpartisanes, se font face. La première considère que l'urgence écologique est telle que nous ne nous en sortirons pas sans une coercition très forte des individus, notamment dans leurs actes de consommation – ce qui peut aller jusqu'à soulever la question de la démocratie, je vous renvoie aux travaux de M. Jean-Marc Jancovici. La seconde fait le pari de la formation, de l'information, de la prise de conscience et de l'intelligence collective. Elle sous-tend ce texte. Rien n'est perdu, encore faut-il que nous ayons conscience de ce qui se passe afin de faire des choix éclairés.

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