Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du mercredi 9 juin 2021 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq, rapporteur :

Cette proposition de loi ne traite pas du transport de marchandises dangereuses : ceux qui ont fait référence à la COTIF étaient « hors sujet ». Le transport de marchandises dangereuses est réglementé, les indications existent, le code de la route joue son rôle. Ce dont il est question dans ce texte, ce sont les zones où on manipule des marchandises dangereuses en déplaçant un conteneur ou en remplissant une cuve. Lorsqu'elles sont transportées, elles sortent du champ de cette proposition de loi : d'évidence, on ne fera pas de « porter à connaissance » pour les populations qui vivent de part et d'autre d'une route départementale…

Cette proposition de loi ne concerne que les endroits où les préfets publient des « porter à connaissance » du même type que ceux des zones classées « Seveso ». Avant la loi « Bachelot » du 30 juillet 2003, les préfets adressaient déjà des « porter à connaissance » aux maires pour leur dire que tel quartier étant dans une zone « Seveso », ils ne devaient pas les densifier ni autoriser des constructions sur les terrains libres. Après l'accident de Toulouse, le législateur a estimé qu'il ne suffisait pas de dire aux gens qu'ils étaient en danger, mais qu'il fallait garantir leur protection : il a créé les plans de prévention des risques technologiques. Comme le nom l'indique, on prévient, puis on sauvegarde.

Les quais et les gares de triage font l'objet de « porter à connaissance » déterministes. À partir du scénario majorant, on crée un cercle. Les zones de danger déterminées dans le cadre des PPRT sont très différentes, puisqu'on y intègre la probabilité de survenue de tel ou tel scénario. C'est en fonction de cette probabilité que sont définis les périmètres. Ceux qui ont suivi le dossier ont vu la différence entre les zones « Seveso » et les zones couvertes par un PPRT. Lorsque les vents soufflent toujours vers l'ouest, il serait idiot de tracer un cercle ; dessiner un « patatoïde » a plus de sens. C'est avec les PPRT qu'on a commencé à faire un travail sérieux et à déterminer des zones plus crédibles.

La loi du 30 juillet 2003 était bonne, et c'est un communiste qui vous le dit ! (Sourires.) Soucieux du respect du principe pollueur-payeur, nous considérions initialement que c'étaient les industriels qui devaient payer ; au fil des ans, nous avons revu cette répartition. La loi « Bachelot » du 30 juillet 2003 invite à faire l'inventaire, à effectuer un examen au cas par cas pour réduire les risques à la source. Ce n'est qu'après son adoption que la participation des industriels et celle de l'État ont été définies précisément ; la répartition a été affinée progressivement, il y a eu tout un débat sur la responsabilité des autorités locales qui continuaient d'accorder des permis de construire dans les zones dangereuses. La loi était peu précise, car adoptée dans un climat d'émotion ; l'urgence était de dire à l'opinion qu'on s'occupait de la question.

Nous sommes passés de l'époque Seveso, où l'on se contentait d'indiquer le risque aux habitants, à l'époque PPRT, où on les informe et on fait tout pour les protéger. Se contenter d'un « porter à connaissance » pour les sites de stockage ou de chargement, c'est revenir à l'avant-2003 !

Les représentants de SNCF Réseau que nous avons auditionnés ont indiqué que quatre sites ferroviaires importants pouvaient être concernés par ces dispositions, dont une gare de triage à proximité de Roissy et celle de Sibelin, près de Lyon. Les études de dangers ont montré qu'il s'y trouvait en permanence une cinquantaine de wagons de produits dangereux ! Imaginez qu'Eramet, dans la zone industrielle du Havre, un site « Seveso seuil haut », renferme l'équivalent d'un wagon de chlore… Comment qualifier les sites qui accueillent cinquante wagons de produits chimiques ? Pour protéger les populations qui vivent à proximité, faire des porter à connaissance n'est pas suffisant !

Le code de la route peut être efficace, à condition d'être appliqué. Dans ma circonscription, à maintes reprises, j'ai appelé l'attention de la police sur les camions chargés de produits ultra-dangereux, garés côte à côte sur le centre routier, en contravention avec le code de la route. Depuis, des aménagements ont été réalisés et les places de parking sont indiquées et bien isolées. Ce n'est pas parce qu'il existe des règles européennes qu'elles sont appliquées !

Aujourd'hui encore, des situations particulières exigent de faire l'inventaire des risques – c'est le propre des PPRT. Nous affinerons ultérieurement qui paye, et dans quelles proportions. Comme pour la loi « Bachelot » du 30 juillet 2003, nous adapterons la pratique en fonction de ce que nous découvrirons.

Une quarantaine de sites seraient concernés par cette proposition de loi. Certes, les transitaires et les industriels du transport de marchandises dangereuses sont perturbés, mais il faut bien avoir à l'esprit que les PPRT ne concernent que l'urbanisation. Entre la population du quartier des Neiges et le quai du port, il y a des artisans, qui sont encore plus exposés. Les habitants sont venus là pour travailler dans les chantiers navals du Havre. La zone n'était pas classée « Seveso ». Certes, le cercle de danger autour de l'usine Yara, qui a la même activité que l'usine AZF, englobait le quartier, mais celui-ci en est sorti après que le PPRT a réduit les risques à la source. Maintenant que les chantiers navals ont fermé, le quai est de nouveau utilisé pour le trafic portuaire, et l'on y entrepose des marchandises dangereuses. On ne peut pas dire du jour au lendemain à ceux qui ont investi les économies d'une vie dans une maison à côté des chantiers navals qu'ils ne peuvent plus l'agrandir ! Tant que rien n'est fait, leur bien se dévalorise, et ils le savent. Ils sont donc condamnés à rester dans une zone de dangers.

Nous avons tout considéré : nous avons même regardé si le fonds « Barnier » prévoyait une indemnisation pour ces cas. Nous avons conclu que la base idéale de réflexion reposait sur la loi du 30 juillet 2003. Encore une fois, ce texte ne traite pas du transport des matières dangereuses.

Mme Maina Sage a fait référence au port de Beyrouth, qui fait partie des retours d'expérience sur l'information des populations. En 2019, les habitants du quartier des Neiges n'ont été informés du « porter à connaissance » que parce que le député leur a écrit. Dans le cadre d'un PPRT, le « porter à connaissance » est immédiatement communiqué, parce que le plan est coécrit. C'est sur cette dimension qu'il me paraît important d'insister.

L'autre pilier de cette proposition de loi est le bloc constitutionnel. La Charte de l'environnement prévoit que tous ceux qui exposent à des risques doivent agir. Il ne faut pas laisser seules les personnes exposées mais agir dans une dynamique collective conforme à l'esprit de la loi « Bachelot » du 30 juillet 2003 et opposer la Constitution aux industriels dont les activités mettent en danger les riverains.

Après l'explosion d'AZF, les matières dangereuses étaient dans tous les esprits et on en débattait. Chacun a alors cherché à déterminer les dangers potentiels à proximité ; l'inventaire a été fait. Les quatre-vingt-dix propositions de la mission d'information de l'Assemblée nationale ont joué leur rôle, mais c'était un tel travail que nous avons concentré nos efforts sur la production des matières dangereuses. Vingt ans plus tard, tous les PPRT ne sont pas validés, mais on a bien avancé. Certains étaient plus faciles à réaliser que d'autres. Pour une cuve de gaz proche d'un village, il est facile de définir la zone de dangers et d'enterrer la cuve. Dans une zone industrielle, comme à Feyzin, à côté de Marseille, ou au Havre, on y regarde à deux fois avant de définir un PPRT !

Nous n'avons pas été les premiers à soutenir les PPRT ; nous voulions observer leur mise en œuvre là où il y avait un, deux ou trois sites. Nous attendions les retours d'expérience. Au bout de vingt ans, nous observons des gestions différenciées d'un territoire à un autre. Tout le monde n'a pas apporté la même réponse, tout en restant dans le cadre de la loi. Chacun a adapté les réponses en fonction du territoire, des sites industriels et de l'environnement. C'est une démarche remarquable.

Ce que la France a été capable de faire pour la production, elle peut le faire pour la manipulation de matières dangereuses. Le législateur ne peut pas laisser les citoyens apprendre, par le porter à connaissance du préfet, qu'ils se trouvent dans une zone létale – en danger de mort –, sans chercher à améliorer leur sécurité. J'espère avoir convaincu celles et ceux qui hésitaient encore à adopter la proposition de loi.

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