Monsieur le ministre, votre sérénité impressionne. Mais, après tout, pourquoi s'inquiéter ? L'État français a été condamné pour inaction climatique ; le Conseil d'État lui a donné six mois pour muscler ses mesures contre le dérèglement climatique ; le rapport du 21 juin de la Cour des comptes européenne a pointé que les émissions de gaz à effet de serre d'origine agricole n'avaient pas baissé depuis 2010 ; le Haut Conseil pour le climat souligne que le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l'agriculture est parmi les plus faibles, comparé à d'autres secteurs. Heureusement, vous avez un plan : le plan stratégique national, qui nous sauvera de la crise climatique – ou pas !
Dans votre plan, plusieurs choses étonnent. Les exploitations qui ont la certification haute valeur environnementale pourront bénéficier des aides des écorégimes. Seulement, la certification n'est pas assez vertueuse car son seuil est trop peu contraignant. Même l'Office français de la biodiversité (OFB) l'affirme, les seuils retenus ne permettront pas « de sélectionner les exploitations particulièrement vertueuses ». L'obtention de ce label impose que les achats d'intrants ne dépassent pas 30 % du chiffre d'affaires de l'exploitation. Or, selon le rapport, le seuil n'est pas discriminant pour les exploitations viticoles, qui consacrent en moyenne 14 % de leur chiffre d'affaires en intrants. Même constat en maraîchage, avec 26 %. Grâce à vous, ces exploitations seront repeintes en vert.
Par ailleurs, votre plan veut acter la disparition des aides au maintien en agriculture biologique des exploitations bio pour les concentrer sur les exploitations en conversion. C'est une grave erreur. La suppression des aides risque de ralentir le rythme des conversions, car les agriculteurs auront moins de visibilité après les cinq années réglementaires. Quel beau tour de passe-passe ! Ces deux exemples montrent d'une part que vous souhaitez attribuer un label à des pratiques qui ne sont pas vertueuses et, d'autre part, que vous retirez des aides aux exploitants dont les pratiques le sont.
Ces manœuvres ne changeront rien à l'affaire qui nous occupe : le dérèglement climatique. Plutôt que de réprimer violemment 200 paysans qui mènent une action coup de poing de la Confédération paysanne pour demander une autre politique agricole, créatrice d'emplois, vous feriez mieux de les écouter et de considérer les études qui prouvent, notamment, qu'il est possible d'atteindre l'autosuffisance alimentaire en 2050 sans recourir aux engrais azotés. Mais, pour cela, il faudrait un peu de volonté politique !